L'Étudiant Libre

Entretien avec Francis Venciton, nouveau secrétaire général de l’Action Française

Francis Venciton vient d’être nommé nouveau secrétaire général de l’Action Française. Avec l’Etudiant Libre, il revient sur les fondements de son mouvement, l’un des principaux du camp national.

Francis Venciton vient d’être nommé nouveau secrétaire général de l’Action Française. Avec l’Etudiant Libre, il revient sur les fondements de son mouvement, l’un des principaux du camp national.

 

En quoi consiste l’Action Française aujourd’hui ?

L’Action Française correspond aujourd’hui à ce qu’elle a toujours été depuis la fin du XIXe siècle, c’est-à-dire un mouvement royaliste, qui est aussi un mouvement-école. Ce mouvement nationaliste diffuse la pensée de Charles Maurras. Concrètement, cela signifie que notre mouvement est orienté sur deux pôles : l’action et la formation. L’action, c’est tout simplement l’action militante classique : coller des affiches, tracter, sticker, faire de l’agit-prop. La partie formation, elle, passe par des conférences. Mais nous demandons également à nos militants de donner eux-mêmes des conférences en petit cercle. La formation consiste aussi dans l’édition de notre journal, Le Bien commun, ainsi que dans l’animation de notre maison d’édition, Les Éditions de Flore. Nous tenons à respecter ce slogan classique de l’Action Française : « Pas d’action sans formation, pas de formation sans action. » Cela permet à l’AF de former des militants très complets. Là où beaucoup d’organisations veulent des militants spécialisés, nous demandons à nos militants plus intellectuels une réelle action militante, et à nos membres plus activistes de fonder leur militantisme sur une réflexion solide. Ce qui est assez extraordinaire, c’est que cela permet à des gens qui n’avaient pas nécessairement mis au cœur de leur projet de vie de se former, d’apprendre, ce qui ne peut que leur être très positif car l’activisme brut conduit souvent à une impasse. Inversement, les grands savants qui vivent en haut de leurs tours d’ivoire et qui méprisent le monde tendent à confondre leur hauteur de vue avec une impuissance complète. Cela fait aussi de l’Action Française un mouvement singulier.  Elle ne cherche pas à sauvegarder à tout prix ce qui existe, mais pose la question d’une véritable prise de pouvoir et de la restauration des institutions. Ce qui implique à la fois de prendre en considération le présent, et de faire un tri. Mark Twain dit: « Les radicaux inventent de nouvelles idées. Quand elles sont usées, les conservateurs les adoptent. ». L’Action Française n’est pas du tout dans cette attitude bêtement conservatrice, mais elle cherche au contraire à retrouver un point d’équilibre.

A lire également  : Au cœur d’un des premiers « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »

Pouvez-vous résumer brièvement votre doctrine ?

L’Action Française est un mouvement nationaliste et royaliste. Historiquement, cela n’a pas toujours été le cas, étant donné que, dans ses premières années, le mouvement était plutôt républicain. Sous l’influence de Charles Maurras, son principal doctrinaire, le mouvement a compris que, si l’on est nationaliste, français, on est obligé de conclure que le régime le plus naturel, et le plus à même de fonctionner dans la durée, est la royauté. Le nationalisme, s’il se veut cohérent, doit tout simplement conduire au royalisme. C’est là le sens du fameux nationalisme intégral. Après, la royauté défendue par l’Action Française est spécifique. Il ne s’agit pas simplement de dire : « Nous allons remettre un Louis XIV à perruque poudrée sur le trône. » Il ne s’agit pas non plus de restaurer la monarchie absolue telle que l’entendent les professeurs gauchistes, qui ne sont pas à une bêtise près lorsqu’il s’agit de parler d’histoire. Nous visons à remettre en place, ce qu’on appelle le quadrilatère maurrassien. Il faut donc que cette monarchie soit d’abord héréditaire : nous voulons une filiation et une continuité dynastique. Ensuite, traditionnelle : qu’elle s’appuie sur une longue analyse du passé pour prendre les bonnes décisions et qu’elle ait une bonne compréhension des physiques sociales. Puis, décentralisée : de façon à assurer des libertés pleines et entières au niveau local, le roi ne devant s’occuper que du domaine régalien (le mot a la même origine que « roi »). Pour cela, il faut rendre aux Français des outils politiques et une maîtrise de leur vie, au lieu d’imposer un pouvoir centralisé décisionnaire qui s’impose au peuple. Enfin, il faut que cette monarchie soit antiparlementaire. Le terme peut prêter à confusion, et il ne faut pas comprendre par-là que la monarchie est opposée à l’idée démocratique. Seulement, le jeu parlementaire comme jeu des partis politiques est incompatible avec le Bien commun.  Le Roi doit être non pas l’homme d’une coterie ni d’un parti, mais de tous les Français. C’est l’une des forces de la pensée royaliste : elle propose des compromis acceptables pour tout le monde. Nous proposons un compromis d’organisation économique, sociale, et politique, qui, à notre sens, doit pouvoir être accepté par tous les Français.

La monarchie au XXIe siècle, ça ne fait pas un peu dépassé ?

C’est une question qui nous est régulièrement posée. C’est toujours assez comique, car il s’agit souvent de gens qui ont la prétention d’être européistes et qui oublient légèrement que la moitié des pays européens actuels sont encore des monarchies. Ce sont souvent des gens qui nous expliquent que nous avons beaucoup à apprendre du continent africain, et qui oublient qu’il existe énormément de monarchies en Afrique (on citera à titre d’exemple, le Maroc). Ce sont des gens qui souvent s’intéressent à l’humain, et qui oublient que le royaume du Bhoutan a été le premier à proposer des alternatives au PIB, avec l’indicateur de bonheur. Des monarchies, il en existe encore beaucoup dans le monde, et il y en a toujours eu. Si vous remontez à Hérodote, au VIe siècle avant J-C, on vous propose déjà le choix entre la monarchie, l’aristocratie, et la démocratie. Quelque part, la République est aussi vieille que la monarchie, donc je ne vois pas très bien pourquoi la monarchie serait dépassée, et non la République sauf si on a une vision du monde dans laquelle l’Histoire est figée et répond à des cycles qui s’enchaînent. À ceci près que les penseurs qui ont théorisé des grands cycles historiques nécessaires se sont toujours trompés. Marx s’est trompé : il n’y a toujours pas eu de société prolétarienne anti-bourgeoise. Auguste Comte s’est trompé : nous n’avons toujours pas atteint l’état positif régi par la seule science. Hegel s’est trompé: une philosophie a continué après lui. Et Fukuyama, qui a tenté de dire la même chose, s’est largement trompé aussi. Après, il existe aussi un argument récurrent, selon lequel : « Il y a eu une monarchie en France. Elle a perdu la tête. C’est fini, et tout du moins, vous n’êtes pas dans une position de force vis-à-vis du corps social pour renverser le cours des choses. » C’est souvent une approche limitée. Les grands bouleversements politiques sont préparés sur des décennies, mais éclatent sur une période extrêmement brève. Qui, en 1988, aurait pu croire que l’URSS allait tomber en deux ans ? Qui même, en 1788, aurait pu prévoir la fin de la monarchie française dans les trois années suivantes ? Non, la monarchie n’est pas dépassée et, de plus, elle est loin d’être une idée entièrement rejetée. Nous aurons peut-être dans dix, quinze ou vingt-cinq ans, une royauté.

 A lire également : Le fantasme d’une société sans réel

Quels enjeux nationaux principaux souhaitez-vous mettre en avant dans votre mouvement ?

Les enjeux principaux de notre mouvement sont d’abord les enjeux du peuple français. Ce qui nous intéresse, ce n’est pas d’avoir raison dans un petit monde abstrait, mais d’instaurer les conditions permettant d’assurer le bien commun, de réconcilier les Français, et de les protéger au mieux contre un monde de plus en plus hostile et complexe. Nous sommes très modestes, au fond.

Pour ce qui est des grands enjeux sur lesquels nous aimerions travailler, au-delà de la critique des institutions (la démocratie est le principal problème actuel), nous sommes également très concernés par la désindustrialisation du pays. C’est un enjeu majeur que de faire revenir en France la production de biens indispensables. Cela permettrait également de développer les économies locales. Quand on voit la manière dont notre Président a brillé en vendant Alstom à la découpe, on peut légitimement s’inquiéter de la capacité de nos hommes politiques à gérer la guerre économique, qui est une guerre mondialisée, et dont nous refusons en France d’accepter la réalité effective. Pourtant, nous vendons nos vignobles à des Chinois, afin de leur permettre de commercialiser en Chine, ce que nous n’osons même pas appeler un vin chinois affublé du nom d’étiquette d’un grand cru bordelais. Un autre objectif du mouvement, dans le cadre de cette élection présidentielle, est de rappeler que la démocratie est décevante, et que si vous voulez servir véritablement l’intérêt national, il faut dénoncer l’imposture du jeu électoral : seul le Roi est capable de protéger le petit.

Pour finir, on connaît votre attachement personnel au mouvement babariste. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le mouvement babariste est le mouvement de défense du roi-éléphant Babar dans la société française, et de promotion de la culture de Babar. Cette fameuse BD pour enfants un petit peu oubliée aujourd’hui, qui a été dénoncée pour ses relents néo-colonialistes, présente pourtant un trait extrêmement élégant qui anticipe de quelques décennies la fameuse ligne claire belge. Mais surtout, Babar au-delà des histoires pour enfants, c’est une véritable réflexion politique car Babar est Roi, un Roi qui doit apprendre à gouverner seul et à recréer une filiation pour le bien de son royaume. C’est aussi un Roi aux prises avec un impérialisme qui est celui du rhinocéros Rataxes, et qui travaille à réconcilier et à rapprocher les intérêts mutuels pour assurer la paix. À un moment où l’Ukraine est envahie par les tanks russes, on peut se demander si Babar ne contient pas un certain nombre de leçons assez importantes de géopolitique : comment assurer la paix et l’équilibre des petites puissances, comment juguler un voisin impérialiste afin de lui faire comprendre que l’impérialisme est le pire des maux, un facteur de guerre, de désunion, et de discorde. Je ne peux donc qu’encourager les gens à lire Babar.

A lire également : Dans les pas des croisés, Sylvain Tesson à la rencontre des chrétiens de Syrie

Entretien avec Francis Venciton, nouveau secrétaire général de l’Action Française
Retour en haut