L'Étudiant Libre

Découvrir le phénomène des « manifestives »

Depuis mai 68, l’heure n’est plus aux Révolutions mais aux manifestations. Depuis quelques années toutefois, l’instant n’est plus aux manifestations, mais aux manifestives ! Qu’est ce nouveau phénomène de revendication en détente ?

Cette semaine comme chaque semaine, le pays a été le théâtre de nombreuses manifestations. Cette semaine aussi, notre ciel brillait et propageait la douce lumière du soleil. D’apparence, il n’y a aucun lien direct entre ces deux éléments, pourtant si. Aujourd’hui une grande partie des citoyens français ne manifestent plus pour défendre des réclamations, non, mais simplement pour se divertir, pour se détendre sous couvert de prise de position. Cette pratique possède d’ores et déjà une appellation : « les manifestives » ! Ce mot-valise en dit long sur le rapport qu’entretient notre société avec la notion d’engagement.

L’engagement, originellement, induit le risque, le péril, le danger. On ne s’engage normalement que pour de grandes causes qui réclament un véritable combat contre un puissant pouvoir. Aujourd’hui, certains citoyens sortent pour un oui ou pour un non et une fois dehors, se baladent plutôt que de s’insurger, afin de revenir la semaine d’après. Désormais, les personnes s’engagent en postant des publications politiques sur les réseaux sociaux depuis leur confortable siège, davantage pour produire de l’ostentation morale que pour espérer provoquer un changement quelconque. Les manifestations sont initialement une forme concrète de témoigner son désaccord, pour les plus braves ou les plus persuadés, je dirais même d’imposer son désaccord. Manifester c’est s’exposer aux coups pour crier ses revendications.

Aujourd’hui en France, il est difficile d’user ce terme tant il est dévoyé par le réel et ce pour plusieurs raisons. D’abord, dans un premier temps, il n’y a plus aucun risque à descendre dans la rue pour insulter le gouvernement ou la police, les mouvements sont encadrés et le gouvernement accepte le blocage de la circulation et la décoration des façades par des tags. De plus, quand bien même les institutions répondraient à l’agression, la société protège les persécuteurs des forces de l’ordre en les décorant du rang de martyr en cas de représailles. Puis, dans un second temps, au sein de notre nation nous possédons déjà un socle fort étendu en termes de libertés. Ainsi, il n’y a plus de véritables raisons de se battre si ce n’est pour en perdre puisque c’est le règne des caprices individuels qui sont en partie responsables de la mort de la communauté. En somme, les manifestations sont vaines dans ce pays depuis plusieurs décennies mais les citoyens continuent de les pratiquer pour se persuader illusoirement d’exister politiquement. Enfin, après une myriade de tentatives, certains membres des cortèges ont réalisé la vanité de leur déplacement. Alors plutôt que de perdre la face en quittant la masse, le parti ou l’idéologie défendue, ils continuent de se rejoindre dans les centres-villes mais désormais pour discuter et rire plutôt que pour hurler et revendiquer. Par cette démarche, on montre sa moralité et on masque le voile vide de l’engagement. Les individus manifestent par des temps magnifiques sous l’encadrement du pouvoir mais ils ne s’engagent plus. C’est génial de parader au soleil en buvant des bières et en fumant des joints pour soutenir l’Ukraine ou les droits homosexuels, mais c’est aussi utile que de jeter de l’eau dans la piscine d’une maison en proie aux flammes.

Donc plutôt que de manifester en France en hurlant aux oreilles d’un gouvernement et d’une population qui a déjà accepté vos revendications, partez dans les pays qui bafouent les droits que vous revendiquez, et vous retrouverez une parcelle de votre dignité si vous osez seulement y chuchoter.

Charles Émile

Charles Émile

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