En mai 1969, le Kremlin fustige le major général Grigorenko, héros de guerre. En effet, ce dernier s’émeut publiquement du sort des Tatars, peuple turcophone et musulman minoritaire de Russie et d’Ukraine, qui s’était vu persécuté par le stalinisme. Afin d’éviter un procès qui ne manquerait pas de faire du bruit, l’Etat se résout à employer la technique typiquement soviétique dite de « psychiatrie punitive ». Le principe est simple : décrédibiliser les propos de toute opposition sérieuse en faisant passer les dissidents pour des fous. Une commission de psychiatres inféodée au KGB diagnostique un « développement paranoïaque de la personnalité associé à des idées réformistes ». Le procédé, remarquable, sera reconduit pour museler nombre de velléités de remettre en cause l’ordre établi.
Certes, la France n’est pas un Etat communiste, et son président n’est pas Joseph Staline. Mais ce qui est sûr, c’est que la tactique soviétique de psychiatrisation des adversaires fleurit dans la classe bien-pensante du pays, qui, de plus en plus depuis quelques années, a tendance à vouloir diagnostiquer Zemmour comme un « Juif antisémite s’auto-haïssant », Rochedy comme un « bellâtre bodybuildé au virilisme compensateur » ou Marine Le Pen comme une « fille de. qui noye ses daddy issues dans le vin blanc et les chats ». Mais pour distribuer les inaptitudes médicales, juste ciel, y a-t-il un docteur dans la salle ? Que le monde soit rassuré : ce rôle est assumé dans le monde politico-médiatique depuis 2013 par Patrick Cohen. Et comme il est bien naturel de vouloir connaître son médecin de famille, que l’on paie de sa poche après tout, intéressons-nous au Monsieur Météo du service public.
Patrick Cohen naît à Paris en 1962 dans une famille d’origine juive marocaine, d’un père ingénieur et d’une mère femme au foyer. Il grandit à Montreuil. Attiré par Sciences Po, il échoue au concours et étudie le droit à Tolbiac, où il est vice-président de l’UNEF. Il réussit finalement à intégrer l’École Supérieure de Journalisme de Lille. Déjà à l’époque, « étudiant en droit à Tolbiac, Cohen militait à l’UNEF tendance coco. En 1981 il vote Marchais au 1er tour, puis Mitterrand au second. ”A l’ESJ il parlait de l’UNEF comme d’un truc révolu, mais il en a gardé une forte culture politique”, se souvient son camarade de promo ».[1] Dans la lignée idéologique cohérente de ses engagements de jeunesse, il se fait réformer de son service militaire en simulant la folie après avoir été affecté à la base aérienne d’Aix-les Milles.[2] Une tactique brillante : rester engoncé dans une parka par 30 degrés pendant 2 semaines. Libéré de ses obligations, il évolue entre différentes radios à partir des années 80 : France Bleu Nord, RFO Guyane, France info, RTL, France Inter entre autres. Il commence à se faire un nom dans le microcosme radiophonique en couvrant l’élection présidentielle de 2002 pour RTL. Il passe ensuite successivement sur Europe 1 et France Inter avant de revenir sur Europe 1. Parallèlement, il obtient des chroniques à la télévision où sa réputation de bosseur pointilleux le précède ; il est notamment depuis 2011 chroniqueur dans l’émission C à vous sur France 5, actuellement présentée par Elisabeth Lemoine.
C’est dans cette émission que le chroniqueur, qui aime à définir le journaliste comme un « producteur de vérité »[3](expression intéressante, puisqu’une vision plus orthodoxe de cette profession oscillerait plus vers un « héraut », un « interprète » ou un « transcripteur » de vérité, mais peut-être ce choix des mots correspond-il à une conception particulière du métier de journaliste), que Patrick Cohen a signé ce 1er novembre une chronique intitulée Éric Zemmour, le chalut de l’extrême droite. 3 minutes accessibles à tout le monde sur Facebook ou YouTube où notre chantre du journalisme objectif, rigoureux et non-biaisé, vomit sa haine d’Éric Zemmour et son mépris complet pour son électorat, en ces mots : « Éric Zemmour est parvenu à rallier l’essentiel de ce qu’on appelle la fachosphère : royalistes, identitaires, suprémacistes blancs, catholiques ultraconservateurs et même révisionnistes antisémites. Au premier rang de ses soutiens, de nombreux militants de l’Action Française (…) mais aussi tout ce que la toile compte d’influenceurs d’ultra-droite et de fanatiques de la pureté raciale : le néo-fasciste Papacito, le suprémaciste blanc Daniel Conversano, (…) Jean-Yves le Gallou, des cadres de La Manif Pour Tous. Hier soir Renaud Camus, le propagandiste du Grand Remplacement, idéologie meurtrière dont s’est réclamé le terroriste de Christchurch en fusillant les fidèles de deux mosquées (…), est venu en personne sur le plateau de Cnews pour dire la grande espérance que suscite chez lui la candidature Zemmour. Enfin, le négationniste Hervé Ryssen (…) vient lui aussi, dans la revue Civitas, d’affirmer sa préférence pour le programme Zemmour. » « [Éric Zemmour] dynamite tout l’héritage du dreyfusisme, de la Résistance et de la lutte contre l’antisémitisme. En contestant l’innocence du capitaine Dreyfus, en critiquant l’action de Zola et des dreyfusards qui auraient affaibli la France, en réhabilitant l’extrême droite vichyste et la Collaboration, en faisant l’éloge de Pétain (…), en dénonçant la Loi Plenel (…) ainsi que la Loi Gayssot, en rejetant le discours du Vel d’Hiv (…), en défrancisant les victimes juives de Mohammed Merah coupables d’être enterrées en Israël. Toute une réécriture radicale de l’Histoire au grand jour, impunément, sur des plateaux télé et dans des livres à succès, ce qui n’avait jamais été ainsi propagé en France depuis 75 ans au moment où disparaissent les derniers témoins directs des horreurs de Vichy ».
Entendons-nous bien ; il est normal que des candidatures telles que celles d’Éric Zemmour suscitent de vives réactions chez un certain cercle parisien pour qui l’immigration n’est qu’un lointain problème réservé à l’autre côté du périphérique ou aux bouseux des villes de province. Mais dans ce cas précis, Patrick Cohen est un journaliste du service public, payé par nos impôts, pour cracher à la face des quelques millions de Français qui ne se situent pas volontiers dans le camp « libéralo-progressiste ». Sous couvert d’information objective, il déblatère depuis des années contre-vérités, dénis de réalité, biais idéologiques et analyses truquées, se faisant le relais des Laurent Ruquier (en moins drôle), Jean-Michel Apathie, Léa Salamé, Clément Viktorovitch et consorts. La chronique en question en est un exemple saisissant. Déjà, un empoisonnement de puits remarquable où le « Juif sépharade républicain » Zemmour est mis en relation avec des royalistes catholiques révisionnistes. C’est un bon début, culpabilité par association classique, on croirait voir apparaître Maurras avec une kippa. On apprend par la suite que l’un de ses soutiens, le youtubeur d’origine espagnole Papacito (dont la compagne fut Congolaise), serait un « néo-fasciste », ce qui pourrait faire l’objet d’une attaque en diffamation si le cœur lui en disait. On apprend ensuite que le Grand Remplacement, théorie démographique émise par Renaud Camus, serait en fait une idéologie au nom de laquelle Brenton Tarrant a commis l’attentat de Christchurch. Ce truchement scandaleux qui fait passer un constat démographique pour une idéologie comme le communisme, l’islamisme ou le nazisme, n’a suscité aucun questionnement sur le plateau, alors même qu’il reviendrait à accuser l’historien Pierre Vidal-Naquet d’être responsable des attentats du FLN pour avoir, entre autres, signé une tribune décrivant l’action de l’armée en Algérie comme « un combat criminel et absurde » et les actions armées du FLN comme « une guerre d’indépendance nationale ». Ou comment passer d’une description historico-politique, correcte ou non, à une justification des actes de toute personne adhérant au constat. La suite n’est qu’un long couplet déjà servi à toutes les sauces aux cadres du Front National depuis les années 1980 sur le sabordage de la lutte contre l’antisémitisme à la française, où l’on remonte à Dreyfus en passant par Vichy, pour terminer en beauté avec la Loi Gayssot et le discours de Chirac sur la Rafle du Vel d’hiv. Pour un peu, on viendrait à penser qu’Éric Zemmour est le petit-fils improbable d’Egard Puaud et Martha Goebbels. Bref, vous serez ravi d’apprendre qu’on paie avec de l’argent public un personnage qui considère manifestement les sympathisants d’Éric Zemmour pour des candidats potentiels au recrutement de la LVF, et qui estime d’autre part que Dreyfus et Pétain sont les horizons indépassables de l’Histoire de France…
L’ennui, c’est que Patrick Cohen n’en est pas à son coup d’essai, et qu’il ne se contente pas de décider, du haut de son trône de juge omniscient, de qui est fasciste et qui ne l’est pas. En 2013 déjà, il gagnait ses galons de commissaire politique au service de la Raison et de la Vérité en suscitant une polémique nationale pour ses propos tenus à l’encontre de l’invité du jour Philippe Taddei. Ce dernier avait longtemps représenté une exception dans le paysage audiovisuel français par la liberté qu’il prenait d’inviter des personnalités éclectiques et controversés, du chanteur populaire engagé Damien Saez à l’écrivain phalangiste Richard Millet, dans son émission Ce soir ou jamais. « Vous invitez des gens que l’on n’entend pas ailleurs, mais aussi des gens que les autres médias n’ont pas forcément envie d’entendre, que vous êtes le seul à inviter. […] En passant sur France 2, est-ce que vous continuerez à inviter Tariq Ramadan, Dieudonné, Alain Soral, Marc-Edouard Nabe… C’est-à-dire des gens que vous êtes le seul à honorer à la télévision ? Et à mon avis, pas seulement pour de bonnes raisons !» Ce à quoi Taddei avait répliqué qu’il n’avait « pas de liste noire » et que le service public ne lui appartenait pas. Et Cohen de préciser sa pensée : « Quand on anime une émission de débat public, on a une responsabilité, par exemple de ne pas propager de thèses complotistes, de ne pas donner la parole à des cerveaux malades. » L’animatrice du jour, Alessandra Sublet, l’avait alors pris à partie : « Mais on a quand même le droit de penser ce qu’on veut, Patrick ?! » et s’était vue répliquer un « Non » catégorique et définitif. « On a le droit de penser ce qu’on veut dans les limites de la loi ».
Plus qu’un accusateur public, Cohen estime que, chevillé à sa vocation de journaliste, se trouve l’impérieux devoir d’être le censeur de l’audiovisuel français afin que les auditeurs, sans doute trop bêtes et trop influençables, ne soient jamais tentés de réfléchir par-delà les frontières mises en place par… lui-même, ou plus largement, le système politico-médiatique dont il est l’incarnation la plus archétypale. L’étiquette de « cerveau malade » est suffisante pour inclure dans une liste noire des personnes à qui il ne faut plus donner la parole, parce que défendant des idées ou des points de vue jugés inacceptables. D’autant que cette liste noire met dans le même panier un théologien, un humoriste, un polémiste et un écrivain… La sphère de surveillance inclut donc la société tout entière. Le journaliste Daniel Schneidermann, que l’on ne peut pas vraiment qualifier de réac, avait réagi avec force à l’époque : « Qu’on s’entende bien : c’est parfaitement le droit de Cohen, de ne pas inviter Ramadan, Soral, Nabe ou Dieudonné. Aucun cahier des charges du service public ne l’oblige à le faire. On a le droit d’estimer que Dieudonné n’est pas drôle, ou que Nabe n’est pas un grand écrivain. Cohen serait parfaitement fondé à dire «j’estime qu’il existe des théologiens plus pertinents, des humoristes plus drôles». Manchettes, sujets, invités : être journaliste, c’est choisir, trier, hiérarchiser. Mais aucune raison d’en faire une question de principe, et de proclamer que même la baïonnette dans les reins, on n’invitera pas Bidule. En reprochant à Taddéï d’inviter les proscrits, Cohen dit en fait « ce n’est pas parce que je ne les juge pas intéressants, que je leur barre l’accès au micro de France Inter. C’est parce qu’ils ont contrevenu à un dogme ». Se priver d’invités intéressants parce qu’on n’est pas d’accord avec eux est, pour un journaliste payé par le contribuable, une faute professionnelle. Et non seulement c’est indéfendable, mais c’est contre-productif. Aujourd’hui, les dissidents n’ont plus besoin de Cohen et de ses homologues, pour trouver un écho sur Internet. Avant, il était possible de décider qui étaient les « cerveaux malades », et de les condamner pour crime de pensée, comme dans 1984. »[4]. Schneidermann mettait également le doigt sur un point intéressant, qui était de comparer ce que les 4 proscrits d’office avaient en commun par rapport à un Brice Hortefeux, condamné pour injures raciales envers les Maghrébins en 2010 et invité par Patrick Cohen à de nombreuses reprises. Et la réponse est éloquente : « les quatre proscrits, sous une forme ou une autre, ont dit des choses désagréables sur les juifs, Israël, ou le sionisme. (…) Là aussi tout le monde a entendu pointer son nez l’éternelle concurrence victimaire : il est légitime d’être désagréable aux Arabes, mais pas aux Juifs ». Cette sensibilité communautariste ne se retrouve pas démentie par l’argument de la condamnation par la justice (car Brice Hortefeux a été en effet relaxé) : ni Nabe ni Ramadan n’ont été condamnés pour racisme ou antisémitisme… Dans le même temps, Matthieu Kassovitz, qui fut invité dans C à vous, et qui avait confié des déclarations ambigües sur la version officielle du 11 septembre, ne semble pas être inclus dans les « thèses complotistes » … Bref, Patrick, dans la grande lignée de ses confrères Bernard-Henri Lévy ou Arno Klarsfeld, semble se montrer plus prompt à défendre Israël que le pays dans lequel il est né…
Difficile alors d’imaginer, ou plutôt de continuer à croire bon gré mal gré, que Patrick Cohen constitue le paroxysme de la neutralité journalistique (lui qui reprochait à Zemmour d’avoir « trahi » sa profession de journaliste en se mêlant de politique) … Yann Moix s’était d’ailleurs emporté contre le journaliste qui aurait tenté de le faire renvoyer du Figaro en écrivant un courriel incendiaire à son rédacteur en chef pour une chronique littéraire qu’il n’aurait pas apprécié… Quand on connaît la jeunesse de l’ancien chroniqueur d’On est pas couché, on est en droit de se poser la question de la classification comme « cerveau malade » … Pareil pour l’opposition frontale à l’arrivée de Louis de Raguenel à la tête du service politique d’Europe 1, sous prétexte qu’il venait de Valeurs actuelles. « Mais quand j’ai demandé à le voir, il m’a affirmé qu’il n’avait rien contre moi », se souvient Raguenel. « Cela ne l’a pas empêché de dénoncer ensuite mes papiers qui lui déplaisaient à la Société des rédacteurs d’Europe 1, dont il était l’un des principaux membres. Mais sans jamais me le dire en face. »[5] Radio qu’il a d’ailleurs quittée pour déplorer un virage éditorial visant à « à créer des controverses, des fractures, à dresser une partie de la France contre l’autre, y compris par des appels à la haine jugés par les tribunaux ».
Bref. Les faits sont têtus, c’est une évidence. Mais les apparences peuvent parfois être trompeuses. Patrick Cohen, qui se définit lui-même comme « Mainstream, conventionnel, attaché à la hiérarchie des informations et à la clarté »[6], traîne malgré tout une réputation largement usurpée de journaliste objectif et factuel. Il n’en est rien, et cet article a pour but de rappeler à nos lecteurs que, sous des dehors de juge impartial et de fin analyste, se cache un militant non-avoué et zélé emblématique de la gauche caviar, un Torquemada en herbe, dont le fantasme serait vraisemblablement de purger l’audiovisuel français de toute voix trop dissidente. Il constitue la facette la plus répugnante du journalisme de l’école de France Inter, dégoulinant d’idéologie se parant de faux airs d’objectivités, et prompt à disqualifier la moindre dissidence par des réductions ad fascisum éculées. Il rejoint ainsi la longue liste de ces chroniqueurs se voulant subversifs qui, payés par l’argent du peuple sur le service public, se régalent de lui cracher leur mépris, gavés de subventions ; les Vanhoenacker, Meurice, Fromet, Ruquier, et plus récemment Aymeric Lompret qui déclarait récemment, hilare, sur… France Inter : « Ca y est, la paye de l’année est tombée, les Français ont payé la taxe audiovisuelle, you-hou, merci les gens d’extrême-droite d’avoir payé pour qu’on dise que vous êtes des gros cons ! Si j’étais à votre place je serais dégoûté de me faire insulter toute la journée, et en plus de devoir payer pour ça ! ».
Si je devais vous donner deux conseils, ils seraient simples : défenestrez votre télévision car, comme le disait Serge de Beketch, vous n’avez aucune raison de laisser un égout se déverser dans votre salon, et surtout décochez la case de la redevance télévisuelle sur votre prochaine fiche d’impôts ; c’est elle qui engraisse tous les Patrick Cohen de France et de Navarre pour qu’ils puissent affirmer à une heure de grande écoute que les patriotes sont le problème de ce pays et les islamistes un dommage collatéral. Patrick Cohen est un de ces escrocs, un de ces journalistes éminemment politiques qui ont droit à la parole depuis des années sur le service public parce que libéraux-progressistes, mais qui s’offusquent lorsque Cnews donne la parole à Charlotte d’Ornellas ou Matthieu Bock-Coté… Nous pourrons méditer la réflexion édifiante du défunt Alexandre Zinoviev, qui pourtant s’y connaissait en matière de totalitarisme idéologique : « Le mensonge médiatique, ayant monopolisé les appréciations morales, prend la forme du bien, tandis que les tentatives de le dévoiler prend la forme du mal. Les démagogues affolés manipulent les masses (…) sans prendre en considération les lois de l’Histoire. L’appareil de propagande de Staline et de Brejnev semble, en comparaison, un jeu de faussaire amateur ».
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[1] Les Inrockuptibles, article d’Anne Laffeter, 30/11/2016
[2] Le Monde, article de Sandrine Blanchard, 29/01/2017
[3] Chronique du 03/06/2021 dans l’émission C à vous
[4] Libération, article La liste de Patrick Cohen, 17/03/2016
[5] Observatoire du Journalisme, article Patrick Cohen : contre la liberté de penser, 26/11/2021
[6] Les Inrockuptibles, article d’Anne Laffeter, 30/11/2016