Le mot de la Rédaction : De l’obstruction au délit de démocratie
C’est sans surprise que le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, portant en son sein la réforme des retraites, a quitté l’Assemblée nationale ce vendredi, à minuit (tel que prévu par l’article 47-1 de notre Constitution). Mais voilà, l’absence d’étonnement ne nous a pas empêchés d’avoir un peu d’amertume… Comme une sensation de débat volé, oui, d’une discussion essentielle qui n’a pas eu lieu - la faute à qui ? Et si l’obstruction avait joué contre l’opposition à la réforme ?
Finalement, la politique n’est pas si loin de l’amour : ce sont les non-dits qui creusent le cœur. Et Dieu sait que des non-dits, dans cette histoire de réforme des retraites, il y en eût.
Une navette parlementaire est arrivée au Sénat, avec en son sein une réforme de retraite à peine débattue à l’Assemblée nationale. Vous pensez que c’est un euphémisme : que nenni ! Et oui, en 20 jours de débats et plusieurs journées de grèves, ce n’est pas plus de deux articles (l’article liminaire et le l’article Ier) qui ont été mis sur la table…
La raison à cela ? 20 500 amendements déposés. Et cerise sur le gâteau : le revirement d’une partie de la NUPES et des syndicats, qui déplorent que cette politisation du débat, qui s’est accompagné de plusieurs sanctions pour les députés LFI, ait empêchée d’aborder les véritables problèmes de cette réforme (dont le fameux passage de 62 à 64 ans, dans l’article 7). Ce que LFI nie pourtant…
La tendance est lourde : l’obstruction est en vogue. Particulièrement chez LFI qui, avec la technique de la demande de suspension de séance, n’en est pas à son coup d’essai ; qu’on se souvienne l’obstruction, en 2020, du projet de loi relatif au système universel de retraite (40 000 amendements), par exemple.
Mais voilà, à une époque où l’on remet de plus en plus en cause la légitimité de la classe politique française, oui, à l’époque de l’abstention de masse (plus de 50% aux deux tours des dernières législatives), de la hausse des violences contre les Parlementaires et du regain des extrémismes, on peut se poser la question de la nécessité de ce genre de pratique… Et le risque est grand, car il n’y a plus qu’un pas avant de déclarer, aux côtés de Léon Daudet : « L’Assemblée se compose de hâbleurs que le peuple nomme sans les connaître, car comme tous le pays tyrannie, celui-ci possède le suffrage universel (…) En réalité, ce Parlement n’a pas plus d’influence que les éphémères gouvernements et ministres qu’il se donne ! »