Oui, après plusieurs journées de mobilisations, on remet le couvert. Mais cette fois, quelque chose a changé ; un sentiment d’urgence pousse les gens à manifester. L’urgence d’un rejet de la réforme des retraites, actuellement débattue au Sénat.
On se souvient des invectives, des cris et des mouvements d’énervements qui ont saisi l’Assemblée nationale 20 jours durant. Point de cela ici ; dans la plus pure tradition parlementaire, le Sénat, chambre haute de notre système bicaméral, appelle à la sérénité. Déjà les 5 premiers articles adoptés, quand l’Assemblée nationale n’avait pas dépassé l’examen du deuxième. À ce train-là, on se rapproche dangereusement de l’article 7, sur le passage à 64 ans. Ce qui, toutefois, n’inquiète en rien le gouvernement qui s’attend à le voir confirmer sans heurt, avec le soutien des Républicains derrière Bruno Retailleau (président du groupe des sénateurs républicains).
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Tout cela n’est pas pour déplaire à LFI, mis en doute sur sa capacité à diriger le bloc NUPES après l’échec monumental du débat avorté à l’Assemblée nationale. En effet, le groupe frondeur, mis à mal par sa propre base, retourne enfin sur son terrain de prédilection : la rue. C’est que dehors, voyez-vous, il n’est en rien nécessaire de débattre, les slogans suffisent. Et cela, Louis Boyard l’a bien compris. Avec son #BlocusChallenge, le député du Val-de-Marne a ramené la politique à son état primaire et bassement démagogique. Le 7 mars, ce n’est plus un journée de grève pour montrer son désaccord avec le gouvernement en place, au nom d’un droit ô combien fondamental, mais c’est blocage party. À qui postera la meilleure story de tout le mobilier payé par le contribuable qu’il aura réussi à cramer devant son bahut.
LFI est un bon exemple de notre époque : au fond, ce qu’ils font, c’est de la stratégie d’intérêts, pas de la politique au service d’idées. Oui, ils sont bons – ils ont compris qu’il est plus facile de mobiliser contre plutôt que pour. Alors on va chercher les jeunes, chez qui ce sentiment de rejet est le plus fort, et on l’exacerbe en les poussant avec des effets de modes (les # et autres médiatisations qui sont aujourd’hui la norme).
Notre démocratie est bien engagée dans sa désagrégation. Tocqueville, au milieu du XIXe siècle, nous mettait pourtant déjà en garde. Arrivée à un certain stade, le système démocratique se met à produire des démagogues, promettant aux citoyens ce qu’ils veulent entendre, pour les satisfaire. Et alors, plus de politique, plus de générosité, mais une morne clique de discoureurs n’ayant pas d’autres idées que ceux de l’opinion publique.
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