L'Étudiant Libre

La mascarade des évêques de France : du virus aux concerts

Face aux dérives multiples et aux comportements douteux de l'épiscopat de France, peu de voix se font entendre. Pourtant, le nombre de croyants circonspects ne cesse de s'accroitre.
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Beaucoup de fidèles s’effarouchent à l’idée que l’on puisse critiquer ouvertement les évêques tout en étant soi-même catholique ; voilà bien une fausse posture d’obéissance, qui permet simplement de ne pas avoir l’esprit troublé par la déliquescence de l’Église, et qui évite d’avoir à se poser les bonnes questions. Il est tellement plus confortable de vivre sa petite religion dans une sphère protégée, dans laquelle tout semble aller pour le mieux. Tombée dans ce piège, l’Église ne voit alors plus le mal qui rampe insidieusement jusque dans ses propres rangs. Pas un jour ne s’écoule sans que les évêques français n’innovent dans l’absurde en s’enfonçant dans leurs travers, suivis par ces fidèles et prêtres mielleux, satisfaits des œillères qu’ils se sont eux-mêmes imposés, cloîtrés dans leur sentimentalisme abrutissant.

Il faut bien que certains se permettent de corriger les prélats, qui le fera sinon ? Les fidèles catholiques ont toujours dénoncé les abus et égarements des prêtres et des évêques : c’est ainsi grâce aux catholiques du IIIème siècle, qui affrontèrent une majorité d’évêques séduits par l’hérésie d’Arius, que fut conservée la pureté de la foi. Mettons donc de côté tout scrupule, pour le bien de l’Église et de ces évêques, que je vais me permettre de critiquer avec une certaine vigueur formelle, tout en restant dans un esprit filial qui ne transparaîtra sans doute pas, qu’importe. Je mettrais tous les évêques dans un même lot, sachant toutefois que certains demeurent dignes et exempts des critiques que j’adresserais ; ceux-ci se reconnaîtront et pourront s’extirper du sac dans lequel je les ai placés par commodité et, il faut le dire, par une logique mathématique implacable puisque les évêques dignes se comptent peut-être sur les mains.

Le rapport sur la pédophilie aurait du moins pu éveiller leur conscience et stimuler leur humilité – leur vraie humilité, celle commençant devant la face de Dieu seul, et pas cette humilité de volailles rampantes, que nous devons subir par leurs affligeants agenouillements et leurs gémissements de chiens battus, à Lourdes, dans cette posture de repentance historique qu’ils estiment tant. Ils dénoncent par endroits des problèmes, jamais sans heurter le monde toutefois : inutile de dénoncer des courants de pensée à la mode – humanisme, libéralisme, socialisme, tous condamnés à maintes reprises par l’Église – ; inutile de parler de l’existence du mal et du diable, puisque plus personne n’y croit ; inutile de remettre en cause l’ordre établi dans la société, avec ses dérives morales, ses lois iniques et ses politiciens anticléricaux. Autant de choses dont il ne faut surtout pas parler ; dès lors, il ne reste plus que la vergogne dans laquelle ils s’étalent publiquement.

Quand ils ne se rabaissent pas faussement, les évêques se pavanent dans les sphères de la mondanité, et s’enorgueillissent de toutes ces innovations profanes qu’ils défendent, promeuvent ou initient. On en voit participer aux dîners du Siècle, d’autres galoper après les politiciens pour espérer quelque médaille. Leur tolérance est sans bornes pour les vulgarités de ce bas monde ; c’est ce qu’est venu révéler cette affaire des concerts d’orgue. Une observation rapide du portrait et de l’œuvre d’Anna Von Hausswolff, pseudo-artiste suédoise, suffit pour constater le caractère douteux de sa musique : le style qu’elle affiche dans son œuvre est libidineux et sanglant, glauque au possible, surexploitant le rouge et le noir dans leurs teintes les plus sombres, et usant à n’en plus finir d’ignobles symboles ésotériques. Sa musique parle de drogue, de sexe, de violence. Mais les évêques n’en ont cure ; ils ne semblent plus s’opposer à ces notions-là, et pire encore ils en défendent la totale licence. Comment des évêques catholiques ont-ils pu accepter et même vouloir qu’une telle artiste se produise dans une église ? La question n’est pas nouvelle, puisque les églises servent aujourd’hui davantage pour la culture que pour le culte : partout les évêques et leurs curés s’esbaudissent devant l’art nouveau, ouvrant grandes les portes des églises à ces artistes, se moquant éperdument des immondices alors proférées. Ce phénomène est répandu dans toute la France, les évêchés étant friands de ces prestations saugrenues, et les curés toujours trop heureux de pouvoir appliquer cette bonne vieille « tolérance », seul concept de foi qui leur reste. Dans la splendide église de Saint-Eustache, un chanteur a pu sans opposition exprimer sa haine contre l’Église et Dieu ; cette fois, c’était un concert d’une artiste objectivement sataniste – que le programme musical n’inclue pas de parole n’y change rien –, et s’il a été annulé, c’est bien entendu au plus grand regret du curé, dépité de ne pouvoir laisser cette artiste mépriser l’Église et profaner le Christ – d’autant que, bien entendu, lors de ces concerts ou autres représentations, on ne prend même plus la peine de retirer du tabernacle la Présence réelle, puisqu’on n’y croit plus guère. Cette profanation n’est pas sans rappeler celle de la cathédrale de Vienne, dans laquelle le cardinal Schönborn accueillit joyeusement, plusieurs années de suite, le concert d’une association LGBT, avec des chanteurs et des danseurs dénudés ou habillés en démons, le Cardinal se faisant une joie de poser en photo aux côtés de ces artistes de porcherie. Le plus dramatique est cette absurde complaisance des prélats à l’égard du monde et des pouvoirs publics ; les deux années de crise sanitaire sont symptomatiques de cette complaisance. Nulle réaction lorsque le premier confinement interdisait la messe ; seules les communautés traditionnelles exercèrent avec succès des recours devant les juridictions administratives pour obtenir le retour de la messe, sans aucun remerciement de la part des évêques, sans doute trop occupés à ruminer dans leur orgueil. Pour récompense, ces communautés traditionnelles se voient désormais exilées loin des églises, privées de ministère par le motu proprio que certains évêques prennent un plaisir à appliquer avec une rigueur sadique et hypocrite. Les évêques allèrent jusqu’à renier leurs propres fidèles qui se réunissaient alors devant les églises en priant pour obtenir le retour de la messe. C’est ainsi que l’évêque de Saint-Brieuc déclina publiquement toute solidarité avec ces rassemblements et en condamna la tenue. L’archevêque de Paris s’emporta de la même manière contre les fidèles qui faisaient du grabuge en réclamant la messe et qui s’obstinaient à communier sur la langue.

Comment une telle déliquescence a-t-elle pu se produire ? Comment peut-on avec sérieux, en étant prêtre ou évêque, refuser la messe à des fidèles catholiques, mais accepter à bras ouverts des concerts anticléricaux ou satanistes ? Et comment peut-on alors s’étonner de la crise que traverse l’Église actuellement ?

Joseph Marmagnant

Défendre le Christ, défendre la foi catholique, en sont-ils capables ? Ils tolèrent des concerts satanistes, des artistes anticléricaux ; ils s’extasient devant des œuvres licencieuses et outragent les églises, qui ne sont plus des temples pour le culte de Dieu, mais des salles de fêtes qui bénéficient de voûtes avantageuses et d’une acoustique intéressante. On peut tout y faire, tout y dire, mais mieux vaut éviter d’y faire des choses trop ouvertement catholiques. Alors, vous comprenez, permettre à des catholiques de dire la messe dans une église, voilà qui est bien trop leur en demander. Comment une telle déliquescence a-t-elle pu se produire ? Comment peut-on avec sérieux, en étant prêtre ou évêque, refuser la messe à des fidèles catholiques, mais accepter bras ouverts des concerts anticléricaux ou satanistes ? Et comment peut-on alors s’étonner de la crise que traverse l’Église ? Les faits que nous décrivons devraient suffire à tout expliquer, tous les maux de la foi catholique semblent y résonner. En matière bioéthique, ils ne disent pas mot : où sont les évêques de France, à l’heure où l’avortement est passé à quatorze semaines, et à l’heure où la PMA et la GPA gagnent du terrain dans les mœurs comme dans les lois ? On ne les entend guère, pas plus qu’on ne les a entendus en 1975, alors qu’était votée la loi Veil ; la politique excuse le reniement. Assumant leur posture de « ministres du culte », ils préfèrent ne pas se faire entendre : point de critiques trop vives à l’encontre des dérives sociales et des manipulations politiques ; point de discours trop surnaturels pour la raison moderne. Les évêques oublient que la foi catholique engage justement à déranger le monde en lui rappelant le gouffre dans lequel il s’enfonce. Le chrétien n’est pas dans la tiédeur, mais une attaque zélée, comme le dit Saint Augustin : « là où il n’y a pas de zèle, il n’y a pas d’amour ». Cette attitude de reniement permanent et de concessions n’a pas servi les intérêts de l’Église, qui perd tous ses combats. Elle s’applique à ressembler au monde, en espérant être plus perceptible ; elle ne comprend plus l’évangile, et s’est adaptée à la pensée moderne en sacrifiant une part d’elle-même, sans succès. La religion catholique n’est alors rien d’autre, pour les non-croyants et pour la république, qu’une activité publique comme une autre, qui peut être suspendue si le contexte l’exige ; elle n’est plus qu’un service privé s’appuyant sur des infrastructures étatiques – les églises – qui n’ont plus qu’un lien indirect avec la foi catholique.

Cette affaire des concerts satanistes prouve à elle seule toutes les piteuses contradictions sur lesquelles s’énasent les prélats. Certains diront que ce n’est pas quelque chose de très grave, que cela permet aux églises de vivre, et que cela donne aux athées l’occasion d’entrer à l’église pour des motifs culturels. Pourtant, jamais la conversion des âmes ne pourra se faire si nous occultons ainsi le Seigneur dans sa propre demeure. Jamais nous ne pourrons montrer aux hommes la pleine et entière vérité si nous la cachons dans les sacristies des églises. Les conversions se font par une rencontre avec le Christ dans toute sa plénitude. Claudel se convertît en entendant à Vêpres le chant du Magnificat. Laissons à Dieu un endroit qui lui appartienne exclusivement ; après l’avoir chassé des cœurs, des institutions et de l’espace public, nous voudrions maintenant le chasser des églises, pourtant construites pour abriter son Corps ? Le monde n’a-t-il pas déjà pour lui suffisamment d’espace pour exprimer des choses profanes ? Ce qui fait aujourd’hui la merveille d’une église, peut-être davantage qu’autrefois, c’est qu’elle est un lieu de paix et de surnaturel touchant à l’éternité dans un monde bruyant, matériel, et limité. Entrer dans une église, c’est sortir de ce monde. C’est seulement ainsi que les âmes entrant dans les églises seront touchées : elles verront la plénitude de la vérité présente dans le silence du tabernacle, et la gloire de Dieu manifestée par l’intense et fière prière des fidèles catholiques.

par Joseph Marmagnant
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