Article paru dans le numéro papier de janvier-février 2022.
L’étudiant français a souvent la sensation légitime d’être pris pour cible, entre deux feux. Ceux des moutons de panurges d’un côté, qui aimeraient lui faire payer son anticonformisme, et ceux d’une jeunesse scotomisée de l’autre, faussement éveillée, dont la douleur fantôme de l’œil énucléé lui fait miroiter une réalité imaginaire.
L’étudiant isolé en milieu hostile a devant lui des uniformes, qui tels des automates ressassent les mêmes lieux communs, véhiculent les mêmes idées pernicieuses, et idolâtrent les identiques imposteurs. Comme un fond sonore, ces massives nappes verbales se diffusent sans entraves et font ainsi planer au-dessus des têtes des étudiants un voile omniprésent et étouffant qui accompagne le discours péri-universitaire (séminaires, conférences, ateliers, expositions, débats…).
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Résister à la pression impétueuse de ce torrent totalitaire demande aux étudiants une force de caractère hors du commun à laquelle doit se joindre une forme de renoncement définitif. Il suffirait alors de se taire, d’abdiquer sa pensée et sa parole pour enfin s’extirper de la fange où l’on range les infréquentables et ainsi réintégrer le troupeau du campus. C’est contre ce mutisme de la sottise et de la lâcheté que la cocarde espère lever des digues. En réaffirmant les positions d’une génération nouvelle, et en l’incarnant sur les campus. Cette mission préalable est indispensable à tout progrès qualitatif et numéraire. Nous voulons devenir une cellule de coagulation pour tous les étudiants et lycéens français qui souhaitent s’arracher de la nasse dans laquelle ils sont empêtrés. Notre mission est d’abord de fournir un espace à tous les étudiants et lycéens français, de droite et d’ailleurs. Un espace où règne l’esprit français, en dépit des massicots du conformisme qui sévissent machinalement, et dans lesquelles, à notre grand dam, il n’est plus admissible de produire une pensée autonome ou une réserve critique, sous peine de déroger à l’article de la bienséance ou de heurter les petites sensibilités meurtries en contestant l’idéologie des logocrates.
Nous assistons en France, et depuis longtemps déjà, au spectacle inouï d’une Université, naguère surélevée au pinacle de l’édifice civilisationnel, désormais déchue, privée de sa splendeur nitide, tombée si bas qu’elle est maintenant soumise aux vicissitudes du monde.
Le regretté Simon Leys dans un discours prononcé en 2005 à l’Université Catholique de Louvain, comparait l’Université à une tour d’ivoire, précisant ainsi sa nature intemporelle et intangible, ne varietur, vierge de toute intrusion. En effet, si l’on s’en tient à la définition platonicienne de la connaissance, celle-ci doit demeurer comme un îlot de stabilité fixé au milieu des flots héraclitéens en perpétuel mouvement. Elle est d’abord et avant tout un legs reçu en héritage que les enseignants ont le devoir de transmettre aux nouvelles générations. Pierre Lasserre écrivait « il existe une tradition de pédagogie et de culture […] Nous n’hésitons pas à dire que cette tradition est immuable, pour qui du moins ne consent pas à un abaissement de la civilisation occidentale et à une défiguration nationale de la France ».
Le drame dans lequel nous sommes plongés est celui d’une Université jadis rétive, désormais docile devant les exigences d’une société malade. Sous l’influence réticulaire du libéralisme, la voilà souillée, corrompue, mélangée, ouverte aux quatre vents, quémandant son quitus, se soumettant aux impératifs de la société, pire, précédant parfois ses injonctions. Parmi les menaces qui pèsent sur elle. Simon Leys évoque notamment « la tentation utilitariste », « les impostures intellectuelles et les charlataneries à la mode ».
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Ces dernières décennies, nous avons vu surgir des tournures telles que “rentabilité” “utilité” ou encore “insertion professionnelle”. Si forger des esprits libres était sa vocation initiale, celle-ci devient une entreprise caduque quand l’Université tend à se transformer en une usine à produire des salariés du tertiaire. “Les écoles professionnelles et techniques sont fort utiles, tout le monde comprend ça ; les Universités sont inutiles – transformons-les donc en un ersatz d’écoles professionnelles : telle est la mentalité qui menace aujourd’hui la survie de l’Université.” note Simon Leys. Face à ce péril grandissant, symptôme d’un paradigme matérialiste dans lequel l’économie jouit d’un primat absolu, il nous faut défendre mordicus une conception classique de l’Université nationale. Or, si cette tendance invasive et réifiante tend à se répandre, nous arriverons fatalement à l’abolition nette et définitive de l’enseignement des humanités. Guidé par “la tentation utilitariste” et plus encore lorsqu’on est “pressé par de cruelles contractions budgétaires” nul ne peut justifier l’enseignement d’une discipline qui n’est “ni productif ni rentable” mais au contraire onéreuse, qui n’offre “nul débouché à ses diplômés”, et qui d’ailleurs ne rend “aucun service à la société ni à l’État.” Ainsi la pierre d’achoppement de l’Université sera gentiment congédiée, pire, on sacrifiera les humanités sur l’autel de la rentabilité.
L’Université ayant été divertie (au sens étymologique du terme) de sa nature profonde, elle est maintenant malléable et labile comme le Protée de la mythologie, en proie aux infiltrations de toutes sortes. C’est en réaffirmant une vision traditionnelle de l’Université, et en la diffusant tous azimuts que nous pourrons retrouver cette “commune mesure” dont parlait Julien Gracq. Malheureusement la masse aphasique des étudiants sont dupes des « impostures intellectuelles et des charlataneries à la mode » que représentent ces courants de pensée qui, par le truchement académique – qui n’est qu’un vernis – cherche une caution scientifique, un imprimatur, à même de créditer, de frapper du sceau de “la vérité” les inepties sans nom qu’ils débitent sans vergogne. Il faut dire qu’on leur a préparé le terrain. Sans remonter jusqu’à Descartes, Kant ou Auguste Comte, on peut aisément dire que wokisme, intersectionnalité, études décoloniales, cancel culture et indigénisme sont les épigones des figures de la postmodernité, les maîtres à penser de la déconstruction. Engouffrés derrière le sillon tracé par Derrida, Deleuze, Guattari et tutti quanti – bien qu’ils rejettent cette « filiation blanche et patriarcale » – ces militants déguisés en conférenciers, ces matassins de seconde zone prétendent maintenant faire la loi dans nos Universités.
Pour nuire à ces idées pernicieuses et à leur propagation nous estimons urgent de se plonger dans le dédale bibliogragique de cette mouvance afin de débusquer noir sur blanc les erreurs et les mensonges dont il est clouté. C’est pourquoi nous avons mis en place à la Cocarde étudiante, un cycle de recension dont les premières ne tarderont pas à sortir. Contre les diktats lacrymaux qui massicotent l’histoire en fonction des sensibilités hypertrophiées qui ne perçoivent l’horizon qu’à travers un trou de serrure narcissique. Et contre le relativisme ambiant, producteur d’une multitude de réalités illusoires, Nous voulons rétablir une épistémologie sincère et authentique dont le mécanisme suppose une adéquation entre l’objet et l’entendement qui perçoit l’objet.
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