L'Étudiant Libre

Le mot de la Rédaction : Ciotti, Faure : la nuit des seconds couteaux

Alors qu’ils ont régné sans partage sur notre cinquième république, les deux partis traditionnels de la droite et de la gauche “républicaine” ont basculé en quelques heures vers un nouveau psychodrame, entre accusations de fraude et de parole non tenue.

Les petits chefs des deux partis qui, depuis la mort du Général, ont bercé notre cinquième République, parfois trop près du mur, se retrouvent atteints d’une endémie chronique de notre classe politique, le pinochioïsme, qu’il ne s’agirait pas de confondre avec les quelques nostalgiques héritiers d’un régime argentin aujourd’hui passé de mode, dont LFI semble pourtant vouloir plagier la gouvernance dans ses instances.

Éric Ciotti, qui partage déjà avec le célèbre pantin quelques ressemblances physiques frappantes, a le nez qui s’allonge au moment de déclarer avoir travaillé avec le patron du groupe LR au Palais du Luxembourg sur l’organigramme des Républicains. Olivier Faure, l’apparatchik sans militants dont on ne sait s’il est articulé par l’anti-capital ou par le grand capital, a le même rapport compliqué au réel quand il s’agit de décrire les résultats de sa propre réélection. 

Les deux ont de grandes ambitions : Faure, réaliste, se bat contre la présence de “l’extrême droite” au second tour des prochaines présidentielles, actant du même coup la relégation de son mouvement aux antiquités de notre République. Ciotti, sorte de de Gaulle derrière Twitter, promet la victoire en 2027 et la libération du joug de la macronie. “Plus c’est gros, mieux ça passe” : celui qui a en réalité plutôt ses vues sur la mairie de Nice aura tout du moins retenu une leçon de Chirac.

Ciotti, c’est un peu un soldat de 14, si les retraités avaient été appelés au front. Le capitaine, le lieutenant, fauchés par une mitrailleuse. Le sergent, déchiqueté par un obus. Si Éric Ciotti avait effectué son service militaire, en 1991, au lieu d’en être dispensé sur intervention – très républicaine – d’un certain François Fillon, il aurait sans doute pu prétendre au commandement à ce moment-là. Mais non. Il faut que le caporal Bertrand meurt à son tour, que la cantinière Pécresse tente de rallier les hommes d’un vigoureux “Debout!”, que les premières classes Woerth et Peltier désertent, que Bachelot quitte tout pour le show business, que Morano dérape (encore). Et c’est là, enfin, réalisant la vocation qui est sienne depuis les élections de délégués du lycée du Parc-Impérial de Nice que le pantin Ciotti s’anime. Surprise ! Il parle. Mais cela ressemble plutôt à un disque rayé qui tourne en boucle, entre zemmourisme responsable, progressisme béat et  totalitarisme libéral. On a envie d’aller dans les paramètres son du député des Alpes Maritimes pour augmenter les basses et diminuer les aigus. Et toujours ce sourire coincé, vampirique, qui casse les écrans pour provoquer chez le téléspectateur une furieuse envie de zapper. Celui qui rêve de conquérir le viager le plus rentable de la Côte d’Azur -après celui de David Lisnard, bien entendu – des mains de son némésis historique n’est en fait que l’ultime instrument de la macronie, avec son précieux groupe de rescapés à l’Assemblée Nationale et ses hordes de retraités fanatiques qui, la vue baissante, l’ouïe chancelante et la mémoire désespérément circoncise à leur patrimoine, voient dans le nouveau patron de ce qu’on ne peut décidément plus taxer de gaullisme un homme – à un centimètre près – de la taille de Sarkozy.

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Faure ne vaut pas mieux. Parcours classique qui se devine dès la lecture de son acte de naissance : père français agent des impôts. Alors, à ce moment, tout défile. 16 ans, carte au PS puis militant à l’UNEF. Colocataire de Benoît Hamon. Collaborateur politique sous Cresson et Bérégovoy, il effectue un vrai métier quand Balladur remporte les législatives de 1993, avant de repartir dans les arcanes du pouvoir à la faveur de la dissolution ratée de 1997. 

 

LR et PS, à leur échelle microscopique, nous donnent une vision plus globale de ce qu’est la vie politique française contemporaine. Une fausse démocratie partisane, rongée par les amitiés d’appareil. Les deux grands matriarcats de droite  ne valent guère mieux que les fils bâtards de Pompidou et de Mitterrand. De même, les chamailleries à gauche, menées par des parlementaires hystériques qui, à défaut d’avoir passé le cap de la puberté se complaisent dans leur crise d’adolescence, sont au même niveau que le duel d’anthologie entre Copé et Fillon. Tous, hors de la macronie, partagent la même tare : celle de n’être que des seconds couteaux qui ont perdu leur maître. Alors, comme dans les sagas mérovingiennes qui n’intéressent guère que quelques chartistes passionnés, on assistera aux inexorables coups de palais qui feront rentrer ces immenses Titanics partisans et leurs très nombreux capitaines dans l’oubli.

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Image de François de Montmorillon

François de Montmorillon

M2 Sciences Po Paris
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