L'Étudiant Libre

21 janvier : La mort de Louis XVI et les dernières heures de la monarchie

Le 21 janvier 1793 sonne le glas de dix siècles de monarchie de droit divin en France. Un jour inoubliable et charnière pour l’histoire de notre pays.
c. : Conservateur Punk

Louis XVI vivant, la monarchie n’est pas morte. La proclamation de la République à l’été 1792 ne signe pas encore la naissance officielle d’un nouveau régime. Aucun décret conventionnel n’a été retrouvé. De ce fait, le régime monarchique est logiquement achevé par l’exécution du dernier roi de France, le lundi 21 janvier 1793. Nul besoin d’une déclaration officielle du régime par la suite. La République est alors, depuis ce jour, établie et claire dans tous les esprits.

Le dernier jour du condamné

Le dimanche 20 janvier, la sentence tombe. Jusqu’alors, la famille royale ne faisait qu’attendre, attendre désespérément dans la tour du Temple, attendre l’annonce fatidique. Et peut-être était-ce pire de ne pas savoir quand l’exécution promise viendrait. Désormais, le roi est sûr. Une délégation du conseil exécutif de la Commune de Paris se rend dans la prison du monarque et lit alors à Louis XVI le funeste verdict. Elle l’informe des « dispositions cérémonielles » du supplice. Devant ces hommes, Louis XVI reste incroyablement calme, impassible même.Avec une étonnante tranquillité d’esprit, il se contente d’écouter.

Une fois son sort connu, il retient la délégation et lui adresse trois faveurs : « un délai de trois jours pour pouvoir me préparer à paraître en présence de Dieu », la libération de sa famille, et la possibilité de se confesser à un prêtre de son choix, face à face. Mais seule la dernière demande reçoit un geste affirmatif. Il n’est pas question de laisser la famille royale impunie. Quant à reporter le jour de l’exécution, cela serait bouleverser l’ordre établi par la Convention. Louis XVI ne se démonte pas, ostensiblement. Dès cet instant, il se prépare consciencieusement à paraître devant son Dieu. Il choisit l’abbé Edgeworth de Firmont, un Irlandais et non jureur, même anti-révolutionnaire. Un prêtre qu’il connaît bien et à qui Madame Élisabeth aimait aussi se confier. Celui-ci arrive à la prison du Temple à 19h. Sa mission commence alors, courte mais intense. Il ne quitte plus le roi jusqu’à son dernier souffle.

Au moment de son arrivée, le dernier dîner du monarque est servi. Une heure plus tard, à 20h, dans la salle à manger faiblement éclairée par deux chandelles d’argent posées sur la table, Louis XVI fait ses adieux à sa famille. Ou en tout cas à ce qu’il en reste : sa sœur Madame Élisabeth, le dauphin Louis-Charles âgé de huit ans, et enfin sa fille Marie-Thérèse, « Madame Royale », âgée de quinze ans. Une scène objectivement déchirante observée par les gardiens de la prison derrière une porte vitrée, ainsi que par Cléry, le valet de chambre du roi, devenu républicain. Nul ne peut entendre ce qu’il se dit. On aperçoit simplement les larmes couler. Comme le raconte Cléry : « On voyait seulement qu’après chaque phrase du roi, les sanglots des princesses redoublaient et qu’ensuite le roi recommençait à parler ». Au bout de presque deux heures, au moment d’ouvrir la porte pour séparer la famille, on voit le roi prendre la tête de son fils entre ses mains et s’adresser à lui en ces termes : « Mon fils, promettez-moi de ne jamais songer à venger ma mort. Vous avez entendu ce que je viens de dire ? Jurez que vous accomplirez les dernières volontés de votre père ». Louis XVI promet de revenir le lendemain matin : un prétexte pour mettre fin à ces adieux douloureux. À minuit et demi, le roi se couche.

Adieu la France

Louis XVI a demandé à Cléry de le réveiller à 5h. « J’ai bien dormi, j’en avais besoin ». Cléry prend du temps pour coiffer le roi et le raser. Le monarque vide ses poches. Il remet à son ancien valet son cachet aux armes de France pour le dauphin, et son alliance pour son épouse. Il garde à son doigt l’anneau du sacre : le roi n’est pas encore mort. En ultime pénitence, il jeûne, et s’enferme avec l’abbé de Firmont dans le cabinet de la tourelle du Temple pour se confesser et recevoir l’Extrême-Onction. Pendant ce temps, Cléry prépare le nécessaire pour la messe dans la chambre du roi : un autel de fortune, des objets bénits empruntés la veille par la municipalité à l’église des Capucins du Marais. Louis XVI et son confesseur sortent de la pièce à 7h. Cléry aide le condamné à s’habiller : une chemise fraîche, un gilet blanc cassé aux boutons dorés porté la veille, une culotte grise. La mission du valet est alors terminée.

À 7h45, la délégation municipale conduite par Santerre, commandant de la Garde nationale à Paris, arrive. Dans l’antichambre de la prison du Temple, dix soldats attendent, au garde-à-vous, sur deux rangs. Dans son cabinet privé, Louis XVI s’agenouille une dernière fois devant l’abbé de Firmont qui lui donne la bénédiction.

« Je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’impute »

Dehors, il fait trois degrés. Un brouillard épais enveloppe la capitale. Comme une ultime faveur accordée au roi, c’est le carrosse vert du maire de Paris qui l’attend, et non la charrette des condamnés à mort. Deux gendarmes pénètrent dans la voiture avec Louis XVI, tandis que l’abbé de Firmont s’installe sur la banquette de devant. Cent cavaliers de la gendarmerie précèdent le carrosse, et cent cavaliers de la Garde nationale le suivent. C’est ainsi que le lugubre cortège quitte le Temple, au son des tambours et des trompettes.

Le trajet jusqu’à l’échafaud dure deux longues heures, rythmées par le murmure de Louis XVI qui récite la prière des agonisants. Dans les rues encore enneigées, la foule se tient derrière les soldats, muette. La Commune de Paris a en effet pensé aux moindres détails : il faut à tout prix éviter un coup d’éclat royaliste. Le chemin est extrêmement surveillé. Les personnes « soupçonnées » d’être trop favorables au roi, ou même considérées comme trop compatissantes à son destin sont tenues à l’écart : les royalistes, les femmes, car davantage sujettes à la pitié. « Tout homme qui criera grâce ou qui s’agitera sans considération sera arrêté et conduit en prison », avait déclamé dans un arrêté la section des Gravilliers. « Les femmes ne sortiront pas de chez elles.Les sections seront en armes à leurs différents postes ». Seule l’armée est en charge de la cérémonie. 12 000 hommes des sections de Paris ont été mobilisés. Des canons ont été placés aux postes stratégiques. C’est ce qui cause l’échec de la révolte du baron de Batz qui, avec quelques royalistes, attendait l’escorte, dans le quartier de Bonne-Nouvelle, pour tenter de sauver le roi.

Peu après 10h, le carrosse pénètre sur la place de la Révolution. Pour l’occasion, on a déplacé l’échafaud entre le piédestal de l’ancienne statue de Louis XV et les Champs-Élysées. Presque 80 000 hommes, gardes nationaux et gendarmes, y sont déployés, avec 84 pièces d’artillerie. L’escorte stationne cinq minutes dans le silence. Puis l’assistant du bourreau Sanson ouvre la porte. Louis XVI descend, refuse qu’on le touche, selon le rituel royal. Mais l’abbé de Firmont fait entendre au roi que son sacrifice doit être complet. Celui-ci s’incline. Suivant les instructions du bourreau, il ôte sa cravate, ouvre le col de sa chemise et le rabat sur ses épaules pour dégager le cou. Il refuse d’abord qu’on lui lie les mains, mais son confesseur le convainc de se laisser faire. C’est alors avec son propre mouchoir que le roi se laisse attacher. On lui coupe les cheveux.

S’appuyant sur l’abbé, il monte les marches raides qui mènent à la guillotine. Les trois bourreaux présents l’attendent, mais échappant à leur emprise, Louis XVI s’avance brusquement sur le côté gauche de l’estrade et crie d’une voix forte : « Peuple, je meurs innocent des crimes qu’on m’impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort, et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France ». Mais les tambours ont ordre de couvrir ses dernières paroles. On l’attache sur la planche, le couperet tombe : il est 10h22. Le bruit de la lame tranchante brise le silence mortel qui planait jusqu’alors sur la place. C’est au cri de « Vive la liberté ! Vive la nation ! » que les Parisiens accueillent la mort de la monarchie française. Seuls quelques-uns ôtent discrètement leur chapeau et laissent perler une larme.

Dans la prison du Temple, Marie-Antoinette perçoit la salve d’artillerie qui, à 10h30, annonce la mort de son mari. Fondant en larmes, elle regarde alors son fils, et d’un geste gracieux, s’incline devant celui qui entame son règne si court : Louis XVII.

Sur la place de la Révolution, les soldats des premiers rangs se sont joints aux acclamations de la foule. Ils trempent leurs armes dans le sang répandu. Et très vite, les cheveux du roi et son habit en lambeaux sont proposés aux enchères par les officiers municipaux.

Le cadavre de Louis XVI est aussitôt transporté à l’église de la Madeleine. Là, deux vicaires assermentés officient pour le court service funéraire. Puis le corps est jeté au fond de la fosse sur un lit de chaux vive. Sa tête est placée à ses pieds. On recouvre l’ensemble d’un lit de chaux vive, puis de terre, en battant le tout plusieurs fois pour corrompre le corps et lui éviter toute future vénération.

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Le 19 janvier 1815, devant Madame Royale devenue duchesse d’Angoulême, on déterre officiellement les restes du roi, déposés le 21 janvier dans la crypte de la basilique de Saint-Denis avec l’inscription : « Ici est le corps du très haut, très puissant et trèsexcellent prince Louis XVIe du nom par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre ».

 

Pétronille de Lestrade

Pétronille de Lestrade

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