L'Étudiant Libre

Retour à la case départ. Qu’est ce qui se cache derrière la restitution d’oeuvres d’art africaines ?

Malgré l’avis contraire d’experts arguant l’inaliénabilité des œuvres d'art françaises, Emmanuel Macron a annoncé en 2018 que la France restituerait les œuvres volées au Bénin dans un contexte de colonisation et de pillage. Outre une auto-humiliation, que se cache t-il derrière ce retour à la case départ ?
Statues des rois d'Abomey au XIXe siècle. Musée du Quai Branly. (Domaine public)

Entre le 26 octobre et le 1er novembre, l’exposition « Bénin, la restitution de 26 œuvres des trésors royaux d’Abomey », présentée par le musée du Quai Branly Jacques Chirac, a accueilli 15 000 visiteurs avant le retour des œuvres en République béninoise.

Malgré l’avis contraire d’experts arguant l’inaliénabilité des œuvres d’art françaises, Emmanuel Macron a annoncé en 2018 que la France restituerait les œuvres volées au Bénin dans un contexte de colonisation et de pillage. Une loi organisant le transfert de propriété définitif des œuvres à la République du Bénin a donc été votée et promulguée par la France en décembre 2020. Désormais, se pose la question de la conservation des œuvres une fois qu’elles seront au Bénin et de la manière dont la France promeut cette restitution.

Toute œuvre d’art nécessite un endroit adapté pour être valorisée et conservée dans des conditions optimales. On pourrait imaginer que ces trésors d’Abomey retournent aux palais royaux d’Abomey, inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985.  Or, il a été décidé de stocker les œuvres dans un bâtiment éphémère en attendant qu’un autre bâtiment, mieux aménagé, soit prêt. La question se pose alors : si le bâtiment n’est pas encore fini, si finalement la république du Bénin n’est pas encore prête à recevoir, conserver et valoriser ces œuvres, pourquoi se presser et ne pas attendre de meilleures conditions pour les transférer ? Une seule réponse s’impose : M. le président préfère instrumentaliser ces œuvres pour être celui qui les a restituées, en omettant de leur donner la valeur artistique, esthétique, historique et symbolique qui leur est due. Mais il faut croire qu’il n’est pas le seul à vouloir faire le minimum sans valoriser les œuvres en tant que telles. Pour preuve, l’absence de publication à la suite de l’exposition comme s’il ne fallait pas laisser de trace écrite de cet événement, et comme s’il fallait minimiser les enjeux de la restitution d’œuvres d’art. Tout comme la très courte période d’exposition : 5 jours prolongés à 6, c’était une exposition plus que temporaire.

En bref, la France préfère se cacher et restituer les œuvres de manière discrète, comme s’il valait mieux avoir honte et se flageller de son passé. La France donne l’impression d’agir dans la précipitation et le déshonneur, d’où le silence qui entoure le geste. Rendre ces œuvres en catimini, c’est prendre une posture de honte publique du passé, renier l’Histoire devant la face du monde. 

La réalité géopolitique 

Le discours prononcé par Emmanuel Macron à Ouagadougou (Burkina Faso) en novembre 2018 est au fondement de cette restitution et permet de bien comprendre la démarche française. « Je veux que d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». « Je veux que l’Afrique soit une priorité de la diplomatie économique française, que les entreprises françaises investissent davantage en Afrique » ; « Je veux une francophonie forte, rayonnante, qui illumine, qui conquiert parce que ce sera la vôtre ». Dans quel but ? « Il s’agit bien ensemble de peser sur les grands équilibres du monde de demain ». 

L’hypocrisie est à peine cachée. Sous des grands principes moraux de réparations envers les peuples anciennement colonisés, se trouvent les intérêts géopolitiques en Afrique. Les richesses fabuleuses des sols, la croissance démographique élevée du continent, son terrain d’expansion chinois et russe font de l’Afrique une map fondamentale du Grand Jeu mondial. La France compte bien profiter de son ancienne position. Que valent quelques oeuvres face aux intérêts géopolitiques et économiques ? Sous couvert d’une restitution hypocrite, elle  entend continuer à développer sa position en Afrique.

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