L'Étudiant Libre

L’immigration d’un point de vue philosophique : taire les débats

Aujourd’hui, la doxa est la suivante : tous les hommes sont semblables quel que soit leur pays d’origine et la nature les a conçus de telle façon à ce que tous puissent vivre en harmonie. Ainsi, la nationalité n’est qu’un petit détail qui ne porte pas son importance car nous sommes tous citoyens du monde… Pourtant la réalité n’est pas si rose, et cette utopie se heurte à une dure réalité.
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La pluralité du monde, synonyme d’inégalité, certes, mais aussi de richesse

Non, tous les humains ne sont pas identiques. Ils se diffèrent par leur nation dont chacune d’entre elles a ses spécificités : culture, religion, mode de vie, et sa façon de voir le monde qui lui est propre. En faisant partie d’un pays, l’homme adopte son histoire et ses mythes, admire ses héros et se forge un caractère.

De plus, nous remarquons qu’au sein même d’un pays subsistent des différences entre les régions et les villes. Effectivement, nous constatons bien des rivalités historiques entre la Bretagne et la Normandie, ou encore des divergences flagrantes entre les Parisiens et les Marseillais notamment à travers leur opposition dans le sport avec l’OM et le PSG. Pourquoi cela serait-il valable pour les régions et villes et non pour les pays ?

Délinquance et immigration

Le problème n’est pas l’origine d’un voyou car la délinquance n’a pas de passeport. En effet, même des Français de souche peuvent être des criminels et constituer un danger pour la société. Dans toute société et en tous temps, il y a des brigands qui enfreignent la loi. Le rôle de la politique est justement de prévoir ce qui est dangereux pour les citoyens et de les protéger au nom du bien commun. Elle doit établir les moyens nécessaires pour les empêcher de commettre des crimes et protéger le reste des citoyens contre ces menaces.

Mais la délinquance d’un étranger est différente. Contrairement à ce qui est énoncé précédemment, le crime d’un immigré est évitable : si la délinquance n’a pas de passeport, on peut néanmoins éviter qu’elle ne vienne chez nous en la contrôlant.

Thomas d’Aquin et l’immigration ( approche philosophique)

Le philosophe Thomas d’Aquin (XIIIème siècle) a établi les limites de l’hospitalité due aux étrangers en se basant sur la Bible et en prenant compte de la prudence aristotélicienne. Il rappelle tout d’abord l’inégalité présente dans nos relations avec l’étranger, puisque le peuple peut entretenir avec lui deux sortes de rapports : dans la paix ou dans la guerre. De ce fait, chaque nation a le droit de décider quel type d’immigration peut être considérée comme pacifique et donc bénéfique pour le bien commun, et quel type peut être rejetée comme hostile et donc nuisible à ce dernier. Par exemple, au vu du taux de natalité et de chômage, on comprend que l’Allemagne puisse accepter un nombre beaucoup plus grand de migrants que la France.

Ensuite, Thomas d’Aquin distingue deux sortes d’immigration pacifique : celle qui concerne les voyageurs étrangers qui traversent le pays, et celle qui porte sur ceux qui venaient s’y installer, notamment les commerçants, mais pour un temps donné avant de retourner dans leur pays. Dans ce cas, le philosophe affirme que ces immigrés doivent être traités avec courtoisie, respect et charité. Le pays qui accueille a donc des devoirs envers eux, la loi doit les protéger. À leur tour, ceux-ci doivent respecter les lois et coutumes du pays où ils séjournent. Par exemple, en Iran et en Arabie, les femmes occidentales doivent se voiler. Saint Thomas note que ce genre d’immigration ne pose pas de problème grave, et qu’au contraire du point de vue économique tout le monde en tire bénéfice.

Mais il y a un troisième cas : il s’agit de ceux qui veulent s’installer définitivement dans le pays d’accueil. Cela implique d’eux une volonté de s’intégrer dans la vie et la culture du pays hôte. C’est donc le refus du communautarisme, surtout quand les migrants ont une culture trop différente de celle du pays. Rappelons que la nation se définit comme celle qui lie un peuple vivant dans un même territoire, à travers une culture, une histoire, des traditions et une langue communes. Pour faire partie de cette communauté, l’étranger doit alors s’y intégrer et faire sienne son histoire. Toutefois, les règles ne doivent pas être rigides et comportent des exceptions. Lorsqu’un étranger agit de façon admirable pour le pays, il est normal qu’il soit récompensé : celui qui jadis était étranger, par son acte de bravoure devient l’un des nôtres. C’est par exemple le cas de ce Tunisien nommé Aymen, qui a sauvé des enfants d’un incendie.

Ainsi, l’immigration doit toujours viser l’intégration et non la désintégration ou la ségrégation, c’est-à-dire la création de communautés en conflit avec le pays. Elle doit viser aussi le bien commun, autant celui des migrants que de ceux qui accueillent. L’immigration proportionnelle a toujours été un facteur sain et fortifiant pour la société française en particulier, y apportant de nouveaux styles de vie et de nouveaux talents. Mais lorsqu’elle devient démesurée et incontrôlée, mettant en danger les fondements de la société et de l’État, elle devient préjudiciable au bien commun des personnes de souche comme d’anciens immigrants intégrés.

Pousser l’amour de l’autre jusqu’au mépris des siens, en particulier de nos chômeurs, n’est pas évangélique : la charité véritable pour Saint Thomas n’implique pas l’abandon des valeurs, de nos traditions, de notre existence nationale. Elle ne peut être irrationnelle et conduire à la guerre civile (l’exemple du Kosovo). Le démographe Hervé le Bras, pourtant favorable aux migrations, reconnaît d’ailleurs que ce sont les plus riches et non les plus pauvres qui partent de chez eux.

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L. Delayance

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