Pour la première fois depuis longtemps, les antifas et les étudiants en psychologie ont eu une bonne raison de se lever après 15 heures. À en croire Jean-Luc Mélenchon, il aurait suffi de 9 semaines de campagne électorale pour que le pays tout entier, comme un seul homme non genré, se convertisse à l’impérative nécessité d’interdire la chasse le week-end et à constitutionnaliser le droit à l’euthanasie. Heureusement, la réalité des chiffres est là pour révéler les dessous de ce que la NUPES présente comme une victoire.
Un net recul de voix par rapport à la présidentielle
En incluant les candidats d’outre-mer dans le total des voix, la NUPES a bénéficié de la confiance de 6,1 millions d’électeurs, soit 26 % des votants. Si l’on cumule les scores de l’ensemble des composantes l’alliance au 1er tour de l’élection présidentielle, on ne peut que conclure à une baisse autant relative qu’absolue : Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Fabien Roussel, et Anne Hidalgo, avaient totalisé 10,7 millions de voix[1], soit environ 30,6 % du corps électoral non abstentionniste. Il n’y a donc à mettre au crédit de la NUPES qu’une moindre démobilisation de son électorat, notamment si l’on rapporte ces chiffres à ceux de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour.
La candidate du Rassemblement National a perdu quasiment la moitié de ses électeurs du 10 avril dernier (4,2 millions de voix contre 8,3). Quant à Reconquête, il n’a réussi à motiver qu’à peine 38 % de ses anciens soutiens (2,5 millions de voix au 1er tour de la présidentielle, tout juste 950 000 dimanche dernier). Selon une enquête Ipsos publiée à l’issue du scrutin, l’électorat de Marine Le Pen est le seul à s’être majoritairement abstenu (52 %). Chez Éric Zemmour, les chiffres sont encore plus cruels. Si 55 % de ses soutiens du 1er tour se sont déplacés, seuls 46 % d’entre eux ont voté pour un candidat Reconquête aux législatives. 24 % ont préféré LR, l’UDI, ou les diverses droites, quand 18 % ont choisi le Rassemblement National. Reconquête paye là le prix de tout parti politique nouvellement créé : une mauvaise implantation locale, et des candidatures inexpérimentées. Tout ceci ressemble donc bien davantage à une défaite du camp national, plutôt qu’à une réelle percée de la NUPES.
À lire également : Jean-Luc Mélenchon : retour sur 50 ans de politique
Une structure sociologique embourgeoisée
Si vous croisez dans la rue un électeur de gauche qui affirme que la NUPES a réussi à rallier les classes populaires, eh bien déjà, changez de trottoir, mais surtout, dites-lui bien qu’il a tort ! Selon la même enquête Ipsos, ces élections traduisent d’abord et avant tout un accablement et une sortie du jeu démocratique des catégories les plus populaires. 62 % des ouvriers et 65 % des employés ont préféré passer leur dimanche à la pêche plutôt que dans l’isoloir. 60 % des individus qui se déclarent appartenir aux catégories défavorisées et populaires ont fait de même. Seuls les foyers gagnant plus de 3 000 euros net par mois ont été majoritaires à se déplacer (53 % de votants), alors que seuls 39 % des foyers au revenu inférieur à 1 250 euros mensuels les ont imités.
Du côté des votants, les chiffres montrent bien que l’électorat de la NUPES est tout sauf populaire. L’électorat ouvrier est resté extrêmement fidèle au RN (45 % des voix, soit plus de deux fois et demi le score de la NUPES), et les cadres ont davantage voté pour la NUPES que pour Ensemble (28 % contre 22 %).
Un jeu démocratique toujours confisqué par les inactifs
Sur la question de l’âge, les traits observés en avril dernier se sont largement radicalisés. Seuls les plus de 60 ans se sont majoritairement déplacés, et seuls les plus de 60 ans ont voté majoritairement pour l’extrême centre. Les chiffres sont diamétralement opposés : 70 % des moins de 34 ans ne sont pas allés voter, et 70 % des plus de 70 ans n’avaient de toute manière rien d’autre à faire ce jour-là. Les retraités, qui ont plébiscité la liste Ensemble à 35 %, sont la seule catégorie « professionnelle » à avoir placé en tête les listes macronistes.
Pour résumer, le score élevé de la NUPES à cette élection est en grande partie expliqué par l’effondrement du vote RN, réfugié dans l’abstention. La coalition de gauche, intelligemment, a su trouver un accord qui lui a permis de mieux s’adapter au mode de scrutin des élections législatives, et donc de faire passer la perte de 4,5 millions de voix pour une dynamique politique. Cependant, elle est loin d’avoir rallié à elle le vote populaire, malgré un programme très axé sur le social, ce qui montre bien l’intérêt des classes populaires pour les thématiques de l’identité et de la sécurité. Quant à la majorité présidentielle, elle ne tient plus que par un vote âgé, inactif, et traditionnellement participatif.
À lire également : La politique et les neurchis : entre influence et désintérêt
[1] Source : Ministère de l’Intérieur