L'Étudiant Libre

La jeunesse emmerde La République en Marche

Les classes d’âges ont encore davantage déterminé les suffrages que les classes sociales lors de cette élection. Si le Président sortant n’est en tête dans aucune classe d’âge inférieure à 65 ans, 4 retraités sur 10 lui ont donné leur voix, lui assurant le socle inamovible qui a permis le score que l’on connaît. Malgré tous les efforts qu’il a investi dans sa communication, Emmanuel Macron reste plus que jamais le candidat des vieux, et incarne la continuation d’un système que les jeunes et les actifs ont de plus en plus de mal à accepter.

Dimanche dernier, ils y sont allés à cœur joie. Munis d’un passe sanitaire affichant entre 3 et 4 doses (après tout, on ne sait jamais), foulard rouge autour du cou et drapeau ukrainien sur les épaules, les boomers ont comme de coutume déposé fièrement leurs bulletins dans les urnes funéraires de la Nation. Plus citoyens et républicains que jamais, ils ont approuvé le bilan du quinquennat Macron et plébiscité le maintien en place du système actuel. Plus d’Europe, plus de restrictions « sanitaires », plus d’immigration incontrôlée, plus de quoiqu’il en coûte, le tout justifié par un égoïsme latent qui ne les a jamais quittés en 40 ans de vie active. Que les jeunes persévèrent dans l’absence de repères et dans l’incertitude, que les travailleurs continuent de se saigner pour leur payer leur séjour au Costa Rica, bref, que chacun joue son rôle et les vaches sauront bien pour qui voter ! Le résultat est sans appel. Un troupeau de 6 millions d’électeurs a beuglé sa peur d’un avenir qu’elle ne connaîtra pas. Au-devant d’un monde promis à la désolation, ils ont à nouveau sacrifié les conditions de leurs descendants à l’autel de leurs retraites. Le tout au nez et au menton dégarni d’une jeunesse plus que jamais avide de rupture.

Car on ne le martèlera jamais assez. En dépit de ses promesses d’il y a cinq ans, en dépit des moyens que le Président a mis dans sa communication, en dépit surtout des efforts honorables d’Ambroise Méjean et de sa dizaine de compagnons pour masquer l’évidence, Emmanuel Macron reste plus que jamais le gardien d’un ordre ancien, né dans la jeunesse de mai 68, pouponné à la mondialisation néo-libérale bienveillante, et ébranlé par les crises sanitaires et gilets-jaunistes. Cet ordre ne tient plus que par le pire vice qu’il ait engendré : sa haine de la succession. Pour jouir parfaitement sans entraves, les boomers n’ont pas voulu d’enfants. Leur poids électoral s’est alourdi au fur et à mesure que les ventres de leurs femmes ne s’accomplissaient plus, et voilà qu’en 2022 ils devenaient assez nombreux pour s’assurer seuls de la continuation d’un système parasitaire qui, de façon éperdument anti-civilisationnelle, ne maintient leur niveau de vie que parce qu’il décharne la population active de son salaire et de ses libertés.

Emmanuel Macron aura sans doute comme projet de faire passer les partisans de Marine Le Pen pour une France rabougrie, dépassée par la modernité, incapable de s’adapter aux nouveaux enjeux. Les chiffres, implacables, le font déjà (et encore) mentir. La jeunesse s’est abstenue par indifférence, a voté Mélenchon par idéalisme (et par vote utile), ou bien a voté pour Marine Le Pen par contestation de l’ordre établi. Quant à la jeunesse zemmourienne, si elle n’est certes pas la plus nombreuse, elle a ébloui la campagne de son enthousiasme militant, et compte parmi ses rangs les premiers bourgeons de la fine fleur nationaliste de demain. À l’inverse, les 14% de jeunes qui ont voté pour Emmanuel Macron sont tout sauf une élite intellectuelle et avant-gardiste. Que l’on ne s’y trompe pas sur la longueur de leurs études. Dieu a fait les ânes obstinés car les champs ne se labourent point avec des contradictions. Au reste, la comparaison n’est pas tout à fait juste car les ânes, les vrais, ont pour eux d’avoir connu une terre qui ne soit pas goudronnée. Mais comme les ânes, les JAM ont cette fâcheuse tendance d’être moins guidés par des idées que par des intérêts, quand ce n’est pas par naïveté ou par ignorance. Ainsi ne brillent-ils que par des banalités rosanvaliennes et un conformisme creux qui les prive de tout destin à la mesure de l’Histoire.

Cela dit, la médiocrité des uns fait l’espoir des autres. Car l’authentique vitalisme intellectuel, le véritable fourmillement idéologique et militant, n’est plus dans ces cerveaux individualistes archaïques. Si l’on dépasse le nihilisme woke voué à l’autodestruction et dépourvu d’existence concrète en dehors du pays légal des universités, la modernité semble promise aux cœurs patriotes et aux idéaux enracinés. Les projets médiatiques et culturels se multiplient, la préoccupation civilisationnelle se répand comme une tâche d’huile à travers les contrées. Partout l’on aspire à l’identité, à l’esprit communautaire, à l’appropriation du passé et à la fertilisation des jours futurs. Il est une jeunesse à qui l’on a parlé que de réussite sociale et d’hédonisme consumériste, et qui répond par une demande de sens et de destin commun. Cette jeunesse a les moyens de renverser les aspirations des générations qui l’ont précédée, et de rebâtir un pays digne de son nom, à savoir un peuple de paysans, dans ce que ce terme a de noble et d’habité. Encore pour cela ne faut-il pas céder au désespoir trop facile des résultats du premier tour, et garder à l’esprit que le combat civilisationnel est tout sauf une guérilla politicienne.

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Antoine Aymon

Antoine Aymon

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