Il faut distinguer l’écologie de l’écologisme. La première est avant tout une science qui étudie les écosystèmes, les interactions entre les êtres vivants et leurs milieux. Le second est un mouvement politique et militant, comme en témoigne la manifestation des étudiants pour le climat. On sèche les cours pour la bonne cause, pour « sauver la planète », mais on laisse traîner nos canettes de bière industrielle et nos pancartes écrites au marqueur éco+.
L’écologie est souvent délaissée par la droite, et pourtant la préservation de la nature s’enracine pleinement dans la tradition. On y retrouve bien sûr l’aspect scientifique, mais c’est aussi une vision humaine et culturelle. L’auteur conservateur et philosophe Marcel de Corte évoque dans L’Homme contre lui-même la dislocation de la société naturelle, en passant par une critique de la société post-moderne et de la haine de l’homme pour lui-même. C’est, selon ses dires, « une infidélité essentielle de l’Homme à sa nature d’Homme ». Cette maladie qu’il nomme « la culture de la mort » ; le nihilisme. Nous voulons à tout prix protéger la nature tout en rejetant la nature en nous. Voilà un paradoxe intéressant porté par les mouvements « déconstructeurs » dont le wokisme, niant toutes limitent et toutes différences. Or, nous avons plus que jamais besoin de ces limites à l’exploitation des ressources naturelles, de ces frontières de la différence des sexes, des frontières entre les nations.
On voit souvent ces amoureux de la nature progressistes aux penchants végétariens végans, se découvrant une passion pour la permaculture et les méthodes de production alternatives du même genre. Ils se passionnent pour leur jardin tout en prônant un système sans élevage, sans agriculteurs. Mais les paysages sont façonnés par l’Homme et par l’agriculture depuis des millénaires. Certes, il a fallu déboiser pour cultiver, mais nous avons créé des milieux plus riches en biodiversité qu’une grande forêt. Les bocages, les haies champêtres, les prairies fleuries et non fauchées qui forment des habitats riches pour la faune : tout cela est l’œuvre de l’Homme et de l’activité agricole. C’est pour cela que les fédérations de chasse s’emploient tant à la replantation de haies dans nos campagnes. Sans intervention extérieure, tout espace en Europe est voué à se fermer, c’est-à-dire à être recouvert de forêts.
L’écologie conservatrice ce n’est ni les élevages intensifs, ni les industries agro-alimentaires qui s’enrichissent au détriment des agriculteurs (métier qui compte le plus de suicides), ni l’arrêt total de l’élevage sous prétexte d’émission carbone. Non. C’est soutenir les producteurs locaux, les circuits courts, le maintien de la ruralité, la beauté des paysages menacée par l’éolien. Car de tout temps où la France était prospère, les campagnes regorgeaient de vie, d’artisanat, d’économie et de lien social. Gustave Thibon, philosophe paysan, explique l’importance du lien social entre les individus dans une société traditionnelle. Ces liens sont forts justement parce qu’ils s’attachent au passé, aux traditions régionales et nationales. La ruralité, c’est le cœur de l’identité française avec ses églises et ses écoles, aujourd’hui en déclin. Loin d’être alarmiste, l’écologie comme préservation et transmission de l’héritage nous permet d’envisager des solutions.
Bien malin notre passionné de permaculture qui voudra se lancer dans la pratique en ne se basant sur aucune connaissance héritée. Ah, mais il dira que dans la tradition, il y a à prendre et à laisser ! L’expérience du passé vivifie le présent, disait Gustave Thibon. La tradition, c’est justement le fait de savoir ce qui a mal marché dans le passé pour ne pas le reproduire dans le présent. Un peuple sans passé est comme un arbre sans racines ; il meurt. L’avenir ne se rêve pas dans un monde utopique, vert et égalitariste, il se construit en se basant sur l’expérience ancestrale.
Le profit est devenu un impératif religieux, dans un monde où l’individu se voit comme seul outil de mesure. On peut dire que de locataires nous sommes devenus propriétaires. La terre n’est plus une valeur en elle-même mais une valeur de profit, une ressource à exploiter. En effet nous tirons nos ressources de notre environnement comme tout être vivant, mais la nature est aujourd’hui désacralisée. Elle eut toujours une dimension sacrée, en témoignent les nombreux contes et légendes, d’abord avec les croyances païennes puis avec le christianisme où l’homme peut chasser, pêcher, cultiver sans pour autant être le maître de la Création.
La mécanisation, tant décriée aujourd’hui, fut longtemps un progrès améliorant la santé et les conditions de travail de l’agriculteur. En fait, elle ne fut pas un problème tant qu’on ne rentrait pas dans un marché global. Mais dans un monde d’après-guerre où tout est à reconstruire, face à la mondialisation du marché, à une concurrence nouvelle, les pratiques agricoles ont évolué. Des machines agricoles démesurées mais adaptées aux exploitations de plus en plus grandes. L’utilisation d’intrants chimiques, pour produire toujours plus face à la hausse démographique et au défi de « nourrir l’humanité ». Nous devrions raisonner à plus petite échelle et se demander comment se nourrir soi-même, sa famille, sa commune, dans une idée de souveraineté alimentaire et de production locale. Ainsi, nous exploiterions les ressources de manière raisonnable, dans la limite de nos propres besoins. Qui niera aujourd’hui que nous avons des problèmes de surproduction et de gaspillage ? Comment parler de nourrir l’humanité alors que nombreux sont les agriculteurs qui n’arrivent plus à vivre de leur travail ?
Nombreuses sont les contradictions du capitalisme vert bien-pensant. On prône le tri des déchets, les déplacements à vélo, tout en important des produits du bout du monde qui ne respectent pas nos normes environnementales. Les entreprises de produits végan qui voient tout simplement un marché pour faire du profit. Les néo ruraux aspirent au retour à la nature tout en voulant faire taire le coq le matin, les crapauds des étangs et les cloches des églises. L’absurdité des mesures anti-voiture en zone rurale où le véhicule est une nécessité et non un luxe. L’artisan et le paysan, acteurs essentiels de la ruralité, furent moqués et méprisés, notamment dans ce que l’on nomme l’esprit Canal, sans parler des filières professionnelles et de l’apprentissage souvent dénigrés à l’école.
Les militants de gauche écologistes servent en réalité ceux qu’ils prétendent combattre, car les deux idéologies se rejoignent : celle du citoyen du monde sans frontières et celle du consommateur, individu déraciné purement économique. « Pourquoi l’alliance entre les mondialistes et les écolos-socialistes ? Parce que toute idée de limite et de distinction, de culture et de transmission, sont des obstacles à abattre pour imposer leurs utopies et leur intérêts respectifs. » Philippe de Villiers, Le jour d’après. « Du passé faisons table rase », chantait-on dans l’Internationale. L’Homme traditionnel ne les intéresse pas ; à l’instar des régimes fascistes ils veulent un Homme nouveau, un individu hors-sol, déconstruit, voir transhumain. Sachant que l’Homme est un prédateur civilisé, quelle erreur de vouloir cancel tout cadre culturel, toutes limites, tous piliers qui soutiennent la civilisation occidentale ! Je songe au militant d’extrême gauche faisant le procès sur Twitter de l’Européen-patriarcal-colonial responsable du réchauffement climatique, tout en utilisant un iPhone produit en Chine, le pays le plus pollueur du monde…
L’écologie réelle c’est la conservation et la transmission, la défense du terroir, c’est-à-dire la jonction du naturel et du culturel. Loin d’être un fantasme d’une époque passée, la tradition n’est pas contre le progrès comme volonté de se projeter dans l’avenir, elle en est le guide.
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