Reynald Secher, ou la possible mémoire des guerres de Vendée

Nous assistons aujourd’hui à l'histoire d’une épopée oubliée, passant de l’ombre à la lumière grâce aux travaux des historiens, et au film Vaincre ou mourir. L'historien Reynald Secher revient pour L'Étudiant Libre sur ce mémoricide, et adresse son message à nos lecteurs. Car, les pierres parlent à ceux qui s’abandonnent dans le sang de cette épopée. La mémoire se réveille...enfin.
Reynald Secher sur "Apostrophe", pour l'émission La France déchirée, le 11 juillet 1986.
Reynald Secher sur "Apostrophe", pour l'émission La France déchirée, le 11 juillet 1986.

L’Étudiant Libre : L’université vous a refusé l’enseignement à cause de votre thèse sur le génocide vendéen. Cette vérité historique a été dissimulée à de nombreux étudiants. Aujourd’hui, c’est à travers le spectacle et le cinéma qu’elle se fait connaître. Est-ce une porte plus facile à ouvrir que celle de l’Éducation ?

RS : Jusqu’en 1983, jamais l’université ne s’était arrêtée et n’avait réfléchi sur ce qui s’était passé en Vendée. C’était un sujet tabou, donc interdit d’étude à l’université. L’Éducation nationale est gérée par la gauche française, elle est inaccessible si on pense différemment. Cette gauche a mis en place un système de cooptation par le biais de concours, une sélection totalitaire.

La liberté ou la mort

Dans la presse, c’est la même chose. Pourquoi il y a eu cette violence à l’égard du film Vaincre ou mourir ? Parce que 95 % de la presse est à gauche. C’est le fruit de la formation et le courant de la mode actuelle. On est insulté, diffamé, mais on n’a pas le droit de se défendre, car on ne peut pas venir sur les grands plateaux. La liberté ou la mort. Mais, la liberté telle qu’ils la conçoivent, c’est-à-dire, la liberté enfermée dans un carcan idéologique.

EL : Dans votre livre Vendée du génocide au mémoricide, vous constatez que deux meurtres ont eu lieu en Vendée : le meurtre physique et le meurtre de la mémoire. Est-ce que grâce au film Vaincre ou mourir nous pouvons dire que la mémoire est ressuscitée et que la Vendée est réhabilitée ?

RS : Tout d’abord, il y a le meurtre physique, le massacre de minimum 117 000 Vendéens. Puis, il y a le meurtre de la mémoire. Dans ce meurtre, il y a deux phénomènes : les bourreaux sont les victimes, et les victimes sont les bourreaux.

Ce film est anti-mémoricidaire. Il ne parle pas de génocide et pourtant, il fait réagir car il parle de la Vendée. Que ce soit Philippe de Villiers, le Puy du Fou, l’association du Souvenir Vendéen ou moi-même, nous luttons pour ne pas que l’on vole la seconde mort des Vendéens. Pour qu’il y ait une reconnaissance au nom de la vérité et de la solidarité car demain, nous pourrons refaire les mêmes erreurs. Connaître les guerres de Vendée permettra d’empêcher que cela ne se renouvelle.

EL : La transmission sur la nature des guerres de Vendée a été interdite aux XIXe et XXe siècles. Pouvons-nous dire que ce vide historique est rempli grâce à vos livres et aux œuvres du Puy du Fou ?

RS : Mon œuvre est nationale, mais aussi internationale. Mes livres ont été traduits à l’étranger (États-Unis, Pologne, Hongrie, Espagne, Italie,…). La Vendée intéresse le monde entier, car tout le monde a subi directement ou indirectement ce système d’extermination et d’anéantissement (mis en œuvre par un pouvoir en place).

Tirons des conclusions

Par exemple, les États-Unis ont commis des crimes de même nature (extermination des peuples amérindiens, ndlr), mais ils ne sont pas encore identifiés. On n’en tire pas les bons enseignements, parce que l’histoire de la Vendée est inconnue. Tirons des conclusions. Demain pourrait être pire, puisque les moyens de nos États actuels sont nettement supérieurs aux moyens des États précédents.

EL : Pour qu’une mémoire soit durable, elle doit être transmise. Comment expliquer qu’au sein des familles vendéennes du XIXe siècle, cette transmission ne se soit pas faite ?

RS : Les Vendéens n’étaient pas au courant de ce qui s’était passé. Ce sont des histoires familiales, voire villageoises. Mais comme on ne sait pas qu’il y a un système d’extermination, on ne généralise pas les choses. Les gens n’avaient pas la connaissance des lois. Il a fallu attendre 1985 pour que les Vendéens apprennent qu’il y avait eu un système d’extermination et d’anéantissement chez eux, et 2011 pour voir la totalité de ce système… 

Le film va permettre aux gens de réfléchir et d’aller aux sources, avec mes livres par exemple. Le succès de Vaincre ou mourir est dû à cette vivacité de la mémoire populaire. Les gens ne se souviennent pas forcément des choses, mais ils savent que c’est une blessure.

EL : Vous êtes le premier historien à avoir reconnu les crimes subis en Vendée militaire durant la Révolution française entre 1793 et 1796. En quoi peut-on parler de génocide pour ces massacres commis en Vendée ?

RS : À l’intérieur de la guerre civile, il y a un plan qui consiste à exterminer une population. Non pas pour ce qu’elle avait fait, mais bien pour ce qu’elle était. Je le constate à La Chapelle-Basse-Mer où l’armée républicaine va massacrer 850 habitants sur 1 350, allant jusqu’à détruire 350 maisons sur les 950 que compte le village. Alors, pourquoi avons-nous fait cela ? Qui a fait ça ? Comment l’avons-nous organisé ? Je vais m’apercevoir que c’est l’armée républicaine. Ce qui est incroyable !

Des généraux obéissent aux ordres du ministre de l’armée, qui lui-même s’inscrit dans une logique de la loi. Cette même loi ayant été initiée par le Comité de salut public.

Le Comité veut repeupler la Vendée

L’histoire commence le 26 juillet 1793. Le Comité de salut public se réunit. Robespierre est présent, mais il n’est pas encore élu. Ils décident d’éliminer la Vendée, pour ce qu’elle EST et non pas pour ce qu’elle FAIT. Ils décident l’extermination à travers un texte rédigé par le Comité de salut public et voté in extenso le 1er août suivant. Ce texte écrit qu’il faut arracher les femmes, les enfants, les vieillards, les déporter puis tuer tout le reste, brûler le territoire et nationaliser la Vendée. Mais, ils s’aperçoivent qu’ils ne peuvent pas déplacer tout le monde. 

Ils votent donc une deuxième loi le 1er octobre 1793, pour exterminer toute la population ; Bleus et Blancs compris (républicains et royalistes, ndlr). Dans le cadre d’une troisième loi, le 7 novembre 1793, ils décident de déposséder les Vendéens de leur terre. Le Comité décide de repeupler la Vendée avec une population venue de l’extérieur. Symboliquement, ils vont rebaptiser la Vendée pour exprimer le renouveau : “le département Vengé”.

En somme, à l’intérieur de la guerre civile, il y a un système d’extermination et d’anéantissement. Alors, comment appeler ça ? Le seul mot qui correspond à ce qui s’est passé est celui de génocide, qui à la définition juridique suivante : “conception, réalisation partielle ou totale de l’extermination partielle ou totale d’un groupe humain de type ethnique, racial, politique ou religieux”. La Vendée constitue bien un groupe humain de type religieux ou politique. C’est pour cette raison que l’on doit l’éliminer. Les Vendéens ne se font pas tuer par ce qu’ils ont fait, mais par ce qu’ils sont (ce qu’ils représentent). Tout est daté et très précis.

EL : Quels sont les arguments des historiens qui contredisent votre thèse et refusent le mot de “génocide” ?

RS : Ils s’appuient sur plusieurs éléments. Premièrement, qu’il n’y a jamais eu de loi, or il suffit d’ouvrir le journal officiel pour s’en rendre compte. Les lois sont là. Deuxièmement, le comité n’est pas responsable de ce qu’il s’est passé, sauf que j’ai retrouvé tous les écrits du Comité, grâce aux archives et aux sources ouvertes. C’est bien ce dernier qui était à l’initiative.

Troisièmement, les généraux ne font qu’exécuter les lois. Quatrièmement, ils disent que c’est une réaction idéologique de ma part. Les faits sont les faits. Je suis historien, je ne fais que raconter les choses en m’appuyant sur les textes officiels et les écrits des victimes. La plupart du temps, ce sont des hommes de gauche, des robespierristes, des marxistes, appartenant tous à cette “école républicaine”. Ils veulent que la République soit sans taches, quitte à mentir et inverser les choses.

EL : Depuis 2007, certains députés déposent des tentatives de reconnaissance du “génocide vendéen” alors que, la République glorifie les bourreaux de cette période : Tureau et Amey figurants sur l’Arc de Triomphe, des rues portant le nom de Robespierre, allant même jusqu’à poser la statue de Fourcroy dans l’une des niches de l’hôtel de ville de Paris… Est-ce-que la République est prête à reconnaître ce génocide ?

RS : La France est le seul pays à avoir voté des lois d’extermination et d’anéantissement d’une partie de son peuple. C’est unique dans l’histoire de l’humanité, car des députés déposent des lois d’abrogation. À l’heure actuelle, le Parlement refuse par son silence d’abroger ces lois. C’est gravissime.

Cela veut dire qu’aujourd’hui, le Président de la République peut envoyer l’armée française éliminer la population vendéenne sans aucun problème. Il peut nationaliser le Puy du Fou et le repeupler avec les migrants, par exemple. La loi actuelle le permet. Abroger ces lois, c’est reconnaître l’extermination et donc le génocide. Les hommes d’État ne sont pas capables de le faire car ils se considèrent comme les héritiers (les défenseurs, ou protecteurs) de la Révolution française. Ils ne connaissent pas la nature de ce conflit.

EL : Qu’avez-vous à dire aux lecteurs de l’Étudiant Libre qui veulent dédier leur vie à l’amour de la vérité comme vous l’avez fait ?

RS : La vie est un pari. Il faut prendre des risques. Il faut ÊTRE, et s’en donner les moyens. Jean-Paul II le répétait sans arrêt : Engagez-vous ! Faites de la politique, de la recherche, etc.” La vie est merveilleuse et il faut se battre pour la vérité. Donnez-vous les moyens d’être. André Malraux disait : “le XXIe siècle sera religieux, ou ne sera pas” et je vous le dis, il le sera !

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Marthe Reullier

Marthe Reullier

Rédactrice en chef adjointe du site de l'Etudiant libre
Reynald Secher, ou la possible mémoire des guerres de Vendée
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