L'Étudiant Libre

Paris 3 : le campus de la discorde

L'Etudiant libre revient aujourd'hui pour vous sur des événements révélateurs de la discorde universitaire contemporaine.

Il y a peu, la Sorbonne Nouvelle (Paris 3) a noirci le papier des journaux pour un fait divers. Mais qu’en est-il réellement ? Peut-être l’avez-vous lu dans la presse, une poutre serait tombée sur la tête d’une nouvelle étudiante lors de la pré-rentrée le 12 septembre 2022, au coeur du campus de La Sorbonne Nouvelle qui s’est établi à Nation. Cet événement témoigne d’une longue série d’événements en rapport avec l’université et son changement de campus.

 

Un nouveau campus dangereux ?

Voilà quatre ans que l’on promet aux étudiants que l’université déménagera au prochain semestre à Nation. Quatre ans d’attente et d’excitation. À chaque semestre nous autres, étudiants, tombions de haut « le déménagement n’aura pas lieu ce semestre, mais au prochain ». Il y a un an pourtant, la bibliothèque universitaire de la Sorbonne Nouvelle (BSN) avait bel et bien déménagée dans les nouveaux locaux, nous donnant un espoir. D’autant plus que le nouveau campus aurait été livré en décembre dernier. Allions-nous enfin déménager ?

Toujours pas. En effet, le Comité d’Hygiène de Sécurité et de Conditions de Travail (CHSCT) annonçait que les nouveaux amphithéâtres n’étaient pas aux normes et que si un incendie s’y déclarait, la fumée asphyxiante ne pourrait être évacuée.

Nous voilà en septembre 2022. La rentrée est prévue le 19 septembre. Cette fois, c’est la bonne, nous sommes sûrs d’étudier enfin dans le nouveau campus. Rebondissement, la rentrée est décalée le 3 octobre. Nous n’avons pas plus d’informations sur les motifs de cette décision. 

Vient ensuite ce triste incident. On le voit d’abord apparaître dans les groupes de conversations de promo, sous la forme d’une rumeur. Les étudiants, fabulant, imaginant ce qu’il se passe, n’ont aucune information de la part de la présidence. Difficile donc à croire, quand, soudain, les journaux se mettent à en parler.

Serait-ce vrai ? Suite à cette médiatisation, un courriel de la présidence est largement relayé à tous les étudiants. Dans ce mail, le président de l’université, Jamil Jean-Marc Dakhlia, s’adresse directement à l’ensemble de ses étudiants et collègues. Il informe que c’est une « corniche » qui se serait décrochée. Aucune mention d’une étudiante blessée. Dans la suite de son courriel, il assure que, la sécurité étant sa priorité, il a fait revenir le CHSCT et qu’à la suite de leur visite « elle a validé la sécurité de l’ensemble des installations, après avoir mis en place des mesures conservatoires immédiates là où elle a décelé des anomalies ». La société Vinci interviendra également pour vérifier les faux plafonds. Mais qu’en est-il en réalité ?

 

La réalité :

Après une semaine de cours dans ce nouveau campus, qu’en est-il ? Eh bien, à la grande surprise de tous, le campus n’est pas une geôle de torture où la mort vous attend à chaque carrefour. Ce campus, en réalité, est à la pointe de la technologie et de la modernité. Ces mots en effraieront peut-être, mais effectivement, il y a certains problèmes comme un manque de câbles HDMI (les enseignants étant obligés d’annuler leurs cours), un protocole de connexion au wifi illogique (car il faut être connecté au wifi pour s’y connecter), une panne électrique, …

Mais cela n’est-il pas normal ? Ne nous est-il jamais arrivé de ne pas comprendre toutes les fonctionnalités d’un nouvel appareil que nous venions d’acheter ? De ne pas comprendre comment fonctionne l’éclairage d’une pièce dans une maison que nous venions aussi d’acheter ? Surtout, nous sommes si loin des rumeurs qui affirment fermement qu’une passerelle ne serait pas en charge de supporter trois personnes (rumeur démentie par la présidence elle-même et vérifiée par l’usure du temps …). Bien sûr cela gêne des enseignants qui ne peuvent projeter leur diaporama, mais ne devrait-il pas être capable de professer sans ?

Il subsiste cependant un problème pour nos enseignements. La place. En effet, le nouveau campus de Nation dispose de moins de places que l’ancien campus de Censier. Face à cela la présidence s’est organisée et certains cours ont lieu dans d’autres endroits. Il est vrai que ce n’est pas réellement un problème, après tout, les étudiants de La Sorbonne Panthéon (Paris 1) n’ont-ils pas cours en L1 et en L2 à Tolbiac puis en L3 au Panthéon tout en ayant encre leurs cours de langue à Tolbiac ?  Non, le problème n’est pas là. Le problème, c’est l’autre solution que l’université a trouvé : les enseignants en distanciel asynchrone. Comme un goût de miel, il semblerait que l’université s’y soit enivré, rendant les cours de langues et CM à distance. Il n’est plus à prouver, à la suite des confinements de 2020, que ce mode d’enseignement est insupportable et terrible. Il est bien connu que pour apprendre une langue, il faut la parler et l’écouter, échanger. Ici, tout cela est impossible. Quels progrès promettre aux élèves ?

Et dans tout cela, qu’en est-il de cette histoire d’étudiante qui aurait reçu une poutre sur la tête ? Face à cette histoire, il existe trois types de réactions de la part du corps enseignant. Certains ignorent cette histoire ne sachant déceler le vrai du faux, sûrement la plus sage des décisions, et vantent les avantages d’un nouveau campus encore vierge de graffitis politiques. Là où d’aucuns disent être témoin de la scène, quand d’autres affirment qu’une corniche est tombée et que dans sa chute, elle a seulement frôlé une étudiante qui ne fut que choquée. Aucun blessé, donc. Il est ici un fait intéressant : dans un courriel clarifiant les faits, la présidence a ajouté que l’incident avait eu lieu le 12 septembre dans l’amphithéâtre BR03. Si l’on interroge ces deux dernières catégories d’enseignants, les premiers vous diront être témoins, mais ne pas savoir où et quand l’incident a eu lieu. Les seconds sauront vous répondre.

Qui croire ? Pour en avoir le cœur net, rendons-nous dans l’amphithéâtre BR03 : il n’y a aucune poutre géante telle que décrite par les ragots, mais seulement une petite corniche en bois. Voilà le problème résolu.

Mais quelles leçons tirer de cette histoire ? Car il y en a au moins une qui comprend une terrible réalité que tout le monde sait, feignant de l’ignorer, par complaisance, ou par crainte. 

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Les leçons 

Voyez-vous, une conclusion hâtive pousserait à dénoncer le rôle de la médiatisation de l’évènement. Il n’en est rien. Le vrai problème est le rôle des ragots et rumeurs. Le plus effrayant est que ces derniers provenaient parfois des enseignants. Un enseignant n’est-il pas là uniquement pour transmettre son savoir ? Cela fait longtemps qu’il n’est plus là pour ça et La Sorbonne Nouvelle en est l’archétype. Ces ragots ne sont que la partie visible de l’iceberg.

En effet, beaucoup de cours ne sont pas ce qu’ils devraient être. Normalement, les étudiants reçoivent des brochures avant le début du semestre dans lesquelles ils peuvent retrouver les cours proposés, avec un descriptif. Malheureusement, beaucoup de professeurs ne se tiennent pas à ces descriptions. Par ailleurs, lorsque vous finissez vos inscriptions, vous recevez un « contrat pédagogique ». Ce contrat vous lie avec l’enseignant : il doit vous enseigner ce qu’il a promis d’enseigner. Beaucoup trop de contrats sont rompus. Des enseignants profitent de leur rôle et abusent de leurs pouvoirs pour prodiguer leur credo politique. Cette foi est bien souvent en accord avec celle des étudiants, mais qu’en est-il de ceux qui n’en ont pas ou qui ne partagent pas la même ? Le mot peut paraître fort mais il est juste : il s’agit d’embrigadement, de prosélytisme politique. Il n’est pas normal de signer pour un cours de langues et de se retrouver à écouter les louanges d’une personnalité politique ou de son programme. Certains enseignants vont même jusqu’à dire aux élèves pour qui voter et dénigrer les personnes votant à l’opposé. Cela peut être mal vécu par certains étudiants. Imaginez-vous : un professeur adulant devant vous un parti et des idées qui sont aux antipodes des votre puis, affirmant que ceux qui ne pensent pas comme lui ne sont pas dignes et ne méritent pas d’être écouté. Sur des esprits moins fort que d’autres, cela peut voir des conséquences désastreuses. Ajouté à cela des étudiants embrigadés et fanatiques qui sont encensés et qui vont jusque’à harceler ceux qui ne sont pas d’accord avec eux. Ce dangereux mélange peut être mortel pour ceux que l’on fait alors passer pour des minorités barbares.

Bien sûr le fruit n’est pas entièrement pourri, certains enseignants n’outrepassent pas leur rôle. Quel bonheur que de trouver ces rares professeurs. Mais malheureusement, ils sont minoritaires. L’école ne devrait-elle pas être qu’un lieu du savoir, devant laquelle on laisse ses idées politiques, sans les y faire rentrer de force ? Que fait la présidence pour contrer ce phénomène car, oui, ils sont au courant de ce qu’il se passe dans leur université, du moins nous l’espérons. Sinon le problème serait encore plus grave. Cela signifierait que les universités n’appartiennent plus à l’Etat, laïque et neutre, mais à des partis politiques embrigadant la  jeunesse dans leurs extrémismes.

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Jean Fégnache

Jean Fégnache

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