C’est avec une grande surprise – et non sans mécontentement pour la plupart – que les utilisateurs Vélib’ ont découvert, ce matin du 25 mai, leurs engins décorés. Depuis cette nuit, tous les garde-boues des fameux vélos parisiens sont habillés d’un autocollant anti-IVG, qui affiche une question ouverte : « Et si vous l’aviez laissé vivre ? ». Le visuel est signé du collectif Les survivants, un collectif militant qui se définit comme des rescapés de l’avortement (rappelons que 1 enfant sur 5 est avorté, les 4 autres sont alors lesdits rescapés), s’opposant à cette pratique. En dessous, de la phrase, une illustration représentant un fœtus grandissant petit à petit pour devenir… un jeune cycliste. Le mouvement explique, dans un communiqué de presse publié dans la nuit sur son site, le sens de cette action.
Cette dernière est particulièrement d’actualité, dans ce contexte où de nombreux politiques se battent pour la constitutionalisation de l’IVG. “Chaque vie vaut la peine d’être vécue. […] Les Survivants ont décidé d’agir au nom de tous ceux qui nous manquent. Nous ne tolérerons pas une norme suprême dichotomique où l’avortement, au même titre que le droit à la Vie deviendrait un droit fondamental.”
Patron de l’étiquette collée sur les Vélib’
Les survivants, mouvement actif depuis 1997, réunit des jeunes nés après 1975 (année de légalisation de l’IVG), qui partagent une révolte face à la “planification froide des naissances et aux souffrances et injustices provoquées par l’avortement.” Si 1 enfant sur 5 est avorté (chiffre de 2016 qui a augmenté depuis), ceux qui sont nés peuvent alors se considérer comme des rescapés de l’IVG, des “survivants”. Le mouvement nous parle d’ailleurs d’un “syndrome du survivant”, qui s’applique selon eux, aussi bien à une situation de catastrophe naturelle par exemple, qu’au problème de l’avortement.
Ce collage, qui s’est organisé discrètement jusqu’alors, s’est déroulé dans la nuit d’hier à aujourd’hui, sur la quasi-totalité des Vélib’ de la métropole. Au moins 13 000 stickers ont alors été collés sur 900 stations de vélo, sans que les riverains ne s’en aperçoivent trop, jusqu’à ce matin. Depuis lors, sur les réseaux sociaux, et notamment Twitter, on s’indigne, s’énerve, on parle de “propagande dégueulasse”, de “groupuscule d’extrême droite”, de “minorité extrémiste conservatrice”. Certains ont même d’abord cru, avec effroi, à une campagne organisée directement par Velib’, dont Les Survivants ont repris la charte graphique. Le syndicat auto-lib Vélib Métropole et Smovengo n’ont alors pas attendu pour réagir sur Twitter, condamnant fermement cette campagne, et invitant les utilisateurs « à retirer les autocollants qu’ils trouveraient sur leurs vélos ». Une plainte va être déposée, et Anne Hidalgo a indiqué qu’elle allait “prendre toutes les mesures pour que cela ne se reproduise pas », qualifiant elle aussi l’action comme une “honte pour notre République, pour Paris et ses valeurs”.
L’Etudiant Libre a pu recueillir le témoignage d’une jeune militante, Marie, 17 ans* :
“C’était une première pour moi. Nous étions tous très motivés, surtout en sachant que d’autres, à tous les coins de Paris, menaient le même combat que nous. Etant la plus jeune du groupe, je suivais mes ainés plus expérimentés, me sentant réellement à ma place : je me battais avec des personnes qui ont les mêmes valeurs que moi. Il fallait agir vite : préparer les autocollants, coller, récupérer les papiers qui volaient au vent, s’assurer que tout tenait bien avant que quelqu’un ne vienne nous interrompre. Bien que nous agissions en petite bande, je restais nerveuse : on ne sait jamais sur qui on peut tomber.
Certains diront que cela n’a servi à rien, que le message était mal fait etc. Détrompez-vous. On se bat pour se faire entendre, pour faire entendre des millions de petites voix qui ne peuvent, elles, rien dire. Alors non cela n’a pas servi rien. C’était ma première véritable action, ça ne sera certainement pas la dernière. Soyez sûrs que la jeunesse a encore des valeurs et qu’elle est prête à tout pour les défendre !”
* : le prénom a été changé pour respecter la volonté d’anonymat de la personne concernée
Le syndicat Vélib’ et la mairie n’ont pas été les seuls à réagir. De nombreux politiques ont dénoncé l’action, le groupe Renaissance, Isabelle Rome (ministre à l’Égalité entre les femmes et les hommes) François Braun (ministre de la Santé), Clément Beaune (ministre des Transports), de nombreux députés NUPES ou EELV … se sont tous indignés devant cette action jugée écœurante, et Hélène Bidard (conseillère municipale et membre du PCF) demande “la dissolution des #Survivants, groupuscule intégriste proche de l’extrême-droite qui multiplie les actions illégales contre le droit à l’#avortement, ainsi que la fermeture immédiate de son site internet et de ses réseaux sociaux”. Le site a ensuite été, quelque temps, inaccessible, censure ou simple saturation ?
Cette opération s’avère être une réussite pour Les Survivants, qui ressortent avec un gros coup de com’, apparaissent en tendance Google et Twitter, et qui ont alors plus que réussi à se faire connaître et faire passer le message, qui bien que pas toujours partagé sur le fond, a été remarqué par sa pertinence sur la forme.
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