Stanislas Rigault : « On ne parle jamais de la famille en France ! »

Stanislas Rigault nous a accordé une interview concrète et franche sur la famille, les européennes et Chat GPT.
Le président de Génération Z, Stanislas Rigault © LOUAI/SIPA

Qu’avez-vous pensé du dernier livre de Patrick Buisson, Décadanse ?

C’est toujours passionnant de voir un intellectuel prendre la parole dans ce débat médiatique aseptisé où le temps est très court et où la parole tend à la punchline. D’autant que ce n’est pas simplement un plaisir d’esthète : ce qu’il décrit, les années 60/70, a une conséquence immédiate sur la société d’aujourd’hui.

Le regard plein de hauteur et iconoclaste de Patrick Buisson est précieux. Il a le mérite d’avoir écrit un livre sans tabou, sans concessions, plein de lucidité sur notre époque et les racines du mal qui la détruit.

Patrick Buisson est un homme d’une génération politique passée. La campagne de Sarkozy en 2007 est bien lointaine. Comment peut-il être aussi lucide sur la société actuelle ?

Premièrement, ce n’est pas parce qu’on est d’un autre âge que l’on perd ses qualités d’analyse. Patrick Buisson est un contemporain et vit dans la même époque que nous. Ensuite, c’est un homme qui travaille ! Prenez l’exemple de la loi Veil, il s’est replongé dans les débats parlementaires de l’époque pour produire un ouvrage de cette qualité.

Troisièmement, en refusant le commentaire permanent, je crois que Patrick Buisson a acquis une certaine hauteur sur tous ces sujets. Je ne doute pas que son expérience lui donne un regard différent sur les sujets qui nous occupent aujourd’hui.

Enfin, il a vu le système de l’intérieur. Vous m’accorderez que c’est assez rare chez nous ! Il est sans doute l’un des seuls à droite qui ait été au cœur du pouvoir.

La réforme des retraites a soulevé le problème de la natalité. On en a d’ailleurs fait une des causes premières de l’échec du système actuel. Quels sont les problèmes de cette panne démographique ?

On a le taux de natalité le plus faible depuis 1945. Le système des retraites est basé sur la solidarité nationale et sur le lien intergénérationnel : les actifs cotisent pour payer la retraite des plus âgés qui ne travaillent plus. L’équilibre financier tient donc sur le rapport démographique entre jeunes et retraités. Donc, quand le nombre de retraités augmente chaque année, soit on remet en cause le système en lui-même, soit on parle de la natalité.

Le RN est le seul parti qui ait parlé de natalité à l’Assemblée nationale…

C’est vrai : mais pas que Bruno Retailleau au Sénat a beaucoup travaillé le sujet ! C’est ce qui fait la proximité, quoi qu’on en dise, entre les LR, Reconquête et le RN. Notez d’ailleurs que ce sujet est curieusement devenu tabou, alors qu’il n’y a rien de plus naturel et sain qu’une société heureuse de faire des enfants.

Alors, concrètement, comment fait-on pour relancer la natalité ? Comment le faire sans que l’État vienne s’ingérer dans les familles à l’heure du « mon corps mon choix » ?

L’État n’a pas à imposer, mais il peut inciter. Par exemple, pour redynamiser les zones rurales et stimuler la natalité, Reconquête! proposait une bourse de naissance à 10 000 euros.

Cette mesure est purement économique. Pensez-vous réellement que les femmes ne font plus d’enfants par précarité ?

Il n’y a évidemment pas que ça. Cependant, pour les familles qui s’agrandissent aujourd’hui, il ne faut absolument pas négliger les coûts ! De la voiture à la taille de l’appartement, des écoles à la crèche, tout cela a un coût. Beaucoup de couples ne se marient qu’une fois qu’ils ont obtenu une certaine sécurité économique, ce qui est aujourd’hui très difficile.

Prenons l’exemple de Paris. Avoir un appartement à un prix décent est aujourd’hui impossible. Même constat pour les places en crèche, qui se décident un an en avance ! Le prix d’une poussette de qualité est également hallucinant. Tout cela mis bout à bout fait que non, il n’y a pas de politique de natalité dans ce pays.

Mais c’est vrai, on ne réglera pas ça uniquement à coups de milliards. Il faut aussi un rapport à la famille sain : il y a 19 millions de familles en France, et on n’en parle jamais ! Aucune communication d’État sur les bienfaits de la famille qui rassurerait les gens…

Les sujets de l’immigration et de l’islam ont dominé la campagne d’Éric Zemmour. La démographie peut-elle être plus porteuse ?

Permettez-moi une incise : je ne pense pas que la radicalité sur ces sujets fasse peur aux Français. Preuve en est que, pour la première fois, les classes bourgeoises ont voté pour un candidat qualifié d’ « extrême-droite ». Je pense d’ailleurs que ce n’est pas la radicalité d’Éric Zemmour qui l’a conduit à perdre : tous les sondages sur le Grand Remplacement ou sur la remigration le prouvent. Si ce n’était que ça, on gagnerait.

Peut-être, mais vous avez aussi pu souffrir de notions négatives comme l’insécurité et l’immigration au lieu d’utiliser des notions bien connotées comme la natalité ou la famille.

Je pense que cela est faux. Prenons de la hauteur : aujourd’hui, tout ce qui vient de la droite est mal vu. La natalité, notion positive s’il en est – il n’y a rien de plus positif que la famille – est désormais classée comme d’extrême droite !

Maintenant, sur la démographie, c’est un sujet inséparable de l’immigration. Si la natalité d’un pays baisse, c’est déjà une mauvaise chose ; si vous y ajoutez de l’immigration, un processus de remplacement se met en œuvre. C’est pour cela qu’il faut une fermeté totale sur l’immigration, et une incitation à la natalité. L’un ne peut aller sans l’autre.

Les élections européennes auront lieu dans un an. Quels sujets souhaitez-vous porter ?

Ces derniers temps, avec Éric Zemmour et le bureau exécutif de Reconquête!, nous avons beaucoup parlé de droite civilisationnelle. Si chaque pays a ses spécificités, il y a tout de même une identité commune.

Les élections de mi-mandat que sont les européennes permettent aussi de faire exister des clivages politiques. Nous voulons en profiter pour mettre en avant ces visions de l’immigration, de l’identité, etc. Ce sera aussi l’occasion de réaffirmer la France dans l’Union européenne, et l’Union européenne dans le monde.

Par ce prisme, beaucoup de sujets peuvent et doivent être abordés : la réindustrialisation, le développement de notre armée, la lutte contre l’immigration à l’échelle européenne, la lutte contre la fraude sociale.

Par ailleurs, les européennes seront pour nous l’occasion de faire éclore de nouvelles idées, de nouvelles figures.

Dernière question, sur un sujet différent. Vous avez écrit récemment une tribune dans l’Opinion sur l’IA qui a été bien perçue. Récemment, Libé a parlé de votre position favorable sur le sujet. Que répondre à ceux qui ont peur de l’Intelligence artificielle et de Chat GPT ?

« N’ayez pas peur », disait Jean-Paul II. Je comprends tout à fait que cela effraie, car la chose est vertigineuse. Même si nous n’en sommes qu’aux balbutiements, tout cela est impressionnant.

Pourtant, si lors de la création de l’imprimerie, on avait répliqué que l’invention allait détruire des emplois de copistes ou fragiliser la capacité à mémoriser, la France aurait encore du mal à sortir des livres.

Aujourd’hui, Chat GPT est encore très marqué à gauche. Peut-on laisser une telle révolution à ce mouvement politique ? Il faut investir dans la recherche, garder nos ingénieurs sur notre sol. On ne peut pas se permettre d’être moins innovant que le reste du monde et de baisser les armes devant les multinationales de la tech.

De même, il y a un chantier à réaliser sur l’école. Aujourd’hui, alors que n’importe quel élève peut utiliser Chat GPT pour rendre un travail, doit-on conserver les devoirs maison ? Faut-il davantage développer l’oral ? Mettre en place des systèmes de détection efficaces ?

Si les Français sont aujourd’hui opposés à la réforme des retraites, il faut aussi se dire que la question dans dix ans sera peut-être : avons-nous encore un travail ? Certains métiers sont amenés à disparaître, d’autres sont à transformer intégralement.

Au contraire, les métiers manuels sont difficilement remplaçables : il serait de bon ton d’inciter les jeunes à se plonger dans ces métiers : boulanger, ouvrier, artisan, agriculteur…

Il nous faut poser la question dès maintenant. À la fin de l’année, une nouvelle version de ChatGPT sortira, qui sera trente ou quarante fois plus performante ! C’est une question de semaines. Soit on prend le train à son départ, soit on sera toujours à courir derrière lui. La décision se saisit maintenant.

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Image de Alexandre de Galzain

Alexandre de Galzain

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