L’éco-anxiété : lâcheté et humanité

"La désertion contemporaine : un mode hypocrite et lâche. Certains fuyant les responsabilités, se réfugient dans une ruralité idéalisée, protégés par le système. Leur oisiveté rappelle le hameau de la reine, loin des philosophies antimilitaristes. Face aux crises guerrière et écologique, l "immobilisme prévaut. Faut-il espérer l'angoisse sans action ou une communauté organisée ? Frédéric Lordon dénonce l'éco-anxiété comme une dépolitisation. Il est temps de braver l'inertie et agir.

Il est une mode renouvelée – car déjà ancienne – chez les culs-bénits de la mondialisation : diplômés des grandes écoles de commerce, d’ingénieur, universitaires médiatiques et militants, normaliens ennuyés ; tous veulent se faire « déserteurs ». Rien à voir avec la célèbre chanson de Boris Vian qui célèbre, avec un certain talent, le mouvement des objecteurs de conscience, ici nous parlons bien d’une désertion vile et lâche, concertée et faiblarde, qui témoigne d’une fuite plutôt que d’un courage réel. Sous prétexte de l’effondrement du système productiviste qui entraînerait une chute inexorable de la civilisation occidentale qui lui est adossée ; ces résistants de papier fuient les postes à responsabilités, les instances de direction : ils sont effrayés et se terrent. Comportement « naturel » s’il en est, nous ne pouvons ici leur reprocher leur déconnexion d’avec le règne animal. Ils agissent comme des proies à l’approche d’un danger, à la différence près que leur abri a été façonné par leurs prétendus prédateurs.

 

En effet, que font les « déserteurs », ceux qui fuient la ville pour une ruralité idéalisée, si ce n’est rester confortablement installé dans les contreforts de la civilisation européenne ? Ils sont protégés, nourris et même payés par des « aides à l’installation/à la conversion ». Ils profitent d’un système social gavé par la culture du profit et de la consommation, ils gaspillent les surplus de l’industrie, ils vivent des rentes de la sécu : la parenthèse sur-privilégiée de leur existence rappelle celle du hameau de la reine ; à la conquête d’une oisiveté antimétaphysique contre le labeur du vrai monde, caprice parmi les caprices, ils bouffent et vivent au mépris de tous. Rien à voir avec les postures philosophiques antimilitaristes et pacifistes comme celles d’Alain ou d’autres figures du Quartier latin de l’entre-deux-guerres, dont témoigne Robert Brasillach dans Notre avant-guerre. Jeune khâgneux droitier, le futur poète-collabo est malgré tout fasciné par la puissance d’un discours de refus des combats, qui n’est pas un discours de refus de la réalité, comme peut l’être « l’éco-anxiété ».

 

Finalement, le parallèle entre deux formes de crise réelles : guerrière et écologique, nous permet de constater une fracture dans les positions humaines face aux périodes de trouble. Si la posture saine est plutôt d’affronter le problème, la tendance contemporaine est à un immobilisme inquiétant, promu, envié et admiré.

 

Que faut-il espérer pour le futur ? Une génération qui angoisse et qui n’agit plus ou une communauté qui s’organise et qui n’abandonne pas.

 

Comme je tiens à l’importance de penser contre moi-même, je vais citer Frédéric Lordon pour conclure ce petit billet : « l’éco-anxiété, cette merde psycho-sociétale ». Attention à la dépolitisation qu’amène « l’anxiété », elle ne vise qu’à voler aux citoyens leurs envies et leurs moyens d’action. Peur sans objet, l’anxiété vous vole votre destin, et tant mieux car d’autres agiront à votre place !

 

Ne te morfonds plus jeunesse, ose !

Image de Guy Sablon / Instagram : @palingenesia_ / L'Étudiant Libre - Lille

Guy Sablon / Instagram : @palingenesia_ / L'Étudiant Libre - Lille

Guy Sablon est rédacteur pour l'antenne de L'Étudiant Libre à Lille.
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