Il ne s’agit pas ici de faire le panégyrique de l’œuvre de Pierre Palmade : on s’en occupera à sa mort, si tant est que sa vie en vaille le coup. Mais l’humoriste de 54 ans, avant qu’il ne frôle la mort sur la route le 10 février dernier avait déjà une belle carrière derrière lui, entre théâtres parisiens et service public télévisuel.
Quand il est sur les planches, rien d’extraordinaire : on ne rit pas mais on sourit parfois. C’est bien au dessus du niveau du stand up contemporain, et c’est moins militant que Jamel Debbouze ou Kev Adams. On arrive à tenir jusqu’à la fin de la vidéo : en s’endormant, certes, mais sans zapper.
Et puis, il y a la soirée spéciale qu’il a organisé sur France 2 le 14 janvier dernier. Casting prestigieux, avec une promesse de “rire, générosité, bonne humeur et complicité”. Imaginez une équipe de foot où tous les joueurs ont le talent politique de David Douillet et l’égo de Benzema. C’est un peu les Victoires de la musique de l’humour français : un supplice.
Les révélations, qui, au compte goutte, font la une des médias depuis vendredi, donnant au très sérieux Figaro des allures de Closer, pourraient mettre un arrêt brutal à la carrière du sympathique comédien dont le talent insipide aurait pu lui faire prétendre à une place parmi les personnalités préférées des français. Après 24 heures de partie fine avec d’autres hommes dans sa gentilhommière – l’endurance serait à saluer si elle ne rappelait pas celle de Lance Armstrong – Pierre Palmade se déporte soudain à gauche dans la ligne droite d’une départementale, encastrant sa 3008 dans le véhicule d’une famille kurde sans histoire.
Le comportement de la presse depuis l’accident est scandaleux. On enchaîne les portraits d’un homme rattrapé par son addiction, “un malade” en somme. Déjà condamné en 1995 et en 2019, il a plutôt le profil d’un multirécidiviste. Et les réactions sont à vomir : pensées pour les victimes, pour se donner bonne conscience, puis long discours dithyrambique sur le coupable : “Je ne te jette pas la pierre, Pierre” en somme.
Pierre Palmade aurait pu réaliser le rêve de Dalida, celui de mourir sur scène. L’accident aurait été un coup d’éclat, un couronnement d’une carrière médiocre, avec tous les éloges d’une presse qui ne voit pas plus loin que ses dépêches AFP. Il aurait rejoint les rangs des grands abîmés de la vie, aux côtés de Rimbaud, Elvis et Pierre Bérégovoy. On aurait dû subir en boucle son œuvre après le JT de 20h. Au lieu de cela il va survivre comme étant le nouvel ami gênant de tout le showbiz hexagonal.
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