L'Étudiant Libre

Le Métaverse ou la nouvelle condition humaine

Le patron de Facebook a annoncé il y a quelques jours sa volonté de constituer un métaverse, un projet qui va forcément voir le jour et abîmer un peu plus nos relations. Julien - alias le Doc - décrypte ce phénomène et ses conséquences sur les relations humaines.

Mark Zuckerberg est un amoureux transi de l’humanité. C’est bien connu qu’il est seulement animé par une profonde volonté de faire progresser la condition humaine et les relations sociales. Cette volonté, on la retrouve dans les balbutiements de Facebook. Au départ un outil qui visait à attribuer des notes basées sur le physique, puis à faire un classement des filles les plus belles (et donc de facto aussi les plus moches) d’Harvard. On ne peut que constater à quel point Facebook a amélioré les relations entre les individus avec une nouvelle religion, celle du like et du réseau social. J’espère véritablement que vous avez décelé l’ironie qui suinte dans chaque mot de ce frêle paragraphe.

Bien sûr, ce serait un drame pour l’humanité de s’arrêter en si bon chemin. C’est dans cet esprit-là que Zuckerberg a annoncé travailler sur un projet aussi ambitieux que dangereux : le Métaverse. Un mélange habile du mot grec μετά qui signifie « au-delà », et de verse qui est une référence au mot anglais « universe ». Littéralement, un univers au-delà du prisme de la réalité, et c’est exactement le projet. En réalité, le grand gourou de Facebook n’a rien inventé. On retrouve déjà ce concept dans la littérature de science-fiction, il est possible de citer « Le Samouraï Virtuel » paru en 1992, de Neal Stephenson ou encore le plus connu « Player one » d’Ernest Cline et adapté au cinéma avec le film « Ready player one » de Steven Spielberg. Qui est soit dit en passant une bouillie de références à la pop culture ayant pour seul projet de faire ressentir un frisson de plaisir à n’importe quel fan de n’importe quelle licence, pourvu qu’elle soit américaine.

Le but est donc simple. Il s’agit de créer une réalité virtuelle où l’individu va pouvoir créer son avatar en fonction de ses traits (ou non). Il pourra ainsi entrer dans ce dit univers avec un casque de réalité virtuelle et évoluer dans un monde fictif où il va rencontrer des « amis » eux aussi grimés en avatars et interagir avec eux. Plus ou moins ce qu’on peut faire dans la réalité, mais il ne faut pas trop en demander aux prochaines générations déjà droguées à la lumière bleue. La différence est qu’il s’agira d’un univers fantasmé qui ne reprendra pas les codes du réel, puisque là-bas dans le métaverse, tout sera possible.

On peut donc déjà imaginer sans trop de difficulté que cet environnement sera un fameux « safe space » pour les wokes qui pourront jouir de leur petite crise existentielle jusque dans le monde virtuel. N’oublions jamais que les cerveaux de la Silicon Valley qui est aujourd’hui la capitale mondiale, sont obsédés par les concepts progressistes. Il sera donc probable que dans ce métaverse merveilleux les personnages n’auront pas de sexe spécifiquement binaire. C’est-à-dire que l’impossibilité d’échapper à la dure réalité de la biologie sera un problème réglé grâce aux paramètres prédéfinis par la petite armée de programmateurs de Saint Zuckerberg.

Le métaverse sera donc l’utopie virtuelle des wokes après avoir déjà pollué le débat du monde réel. Mais c’est bien ce dernier qu’il faut fuir, la réalité étant trop sombre pour cette nouvelle génération d’individus en manque de sens. Cet univers sera woke et progressiste ou il ne sera pas. Gare donc aux fameux oppresseurs qui pourraient avoir l’audace de violer les terres sacrées du metaverse avec leurs idées nauséabondes. Ils seront, comme c’est déjà le cas ailleurs, chassés et ostracisés. Est-ce d’ailleurs une si mauvaise chose que d’en être banni ? C’est une question légitime.

Dès lors le métaverse est une possibilité, celle d’échapper à un futur qui n’a rien de radieux.

Julien, alias le Doc

Mais la grande force du métaverse est qu’il est l’aboutissement ultime d’un capitalisme en fin de course qui a parfaitement saisi la difficulté de tenir un double discours. Il sera de plus en plus difficile pour les tenants de la croissance exponentielle de légitimer une surproduction de biens manufacturés et d’en même temps tenir un discours écologique probable. C’est ici que le métaverse apporte une solution miraculeuse, puisque nous allons désormais vers un marché de produits immatériels, qui n’existent pas physiquement mais seront pourtant omniprésents à travers des cosmétiques : vêtements, bijoux et autres skins et cosmétiques que l’on retrouve déjà dans les jeux vidéo. Il y aura d’ailleurs très probablement une logique de classe entre ceux qui posséderont le plus de biens immatériels et ceux qui gratteront le plus possible le contenu gratuit du métaverse jusqu’à la moelle. D’ailleurs, les marques seront probablement de la partie. À défaut d’avoir déjà des Nike Air à tes pieds dans la vraie vie (puisque le Français moyen est déjà américanisé), tu pourras avoir la même paire dans un univers alternatif. La marque est gagnante, cela lui enlève des coûts de conception et cela permet malgré tout d’assurer des ventes.

Ce capitalisme immatériel et virtuel existe déjà avec l’explosion du marché des NFT où l’image d’un simple pingouin peut valoir presque 6000$. Ainsi, désormais, il est possible d’acheter des NFT pour se sentir le propriétaire exclusif d’une image qui vaudrait trois fois rien dans la réalité objective. Mais c’est toujours intéressant de pouvoir inviter ses amis virtuels dans son appartement virtuel du métaverse pour leur montrer ses œuvres d’arts virtuelles. Le capitalisme obsédé et effréné a donc trouvé une solution, encore une fois, pour se réinventer. D’autant plus que ce dernier a parfaitement compris que l’adulescent d’aujourd’hui déteste sa propre existence : la vie d’adulte n’est pas drôle, surtout quand on a jamais été préparé à cette dernière et que l’on est infantilisé au dernier degré. En effet, n’importe quel néo-occidental urbain va rêver d’une autre vie dans le métaverse. Après un trajet en métro à sentir la sueur des autres esclaves de notre nouvelle société, il va pouvoir enfiler ses lunettes de réalité virtuelle et tomber dans un monde merveilleux médiéval ou de science fiction. Comment lui en vouloir ? Lui qui est déraciné jusqu’au dernier atome qui le compose. Cependant, il ne se rend pas compte que tout cela est une chimère. Soit il se rendra compte du décalage entre le virtuel et le réel, soit sa tête va être greffée à son casque pour vivre dans un monde fantasmé, certes faux mais plus beau que son triste quotidien. Car en soit le néo-occidental est déjà en fait absent de notre réalité sans besoin de métaverse, lui qui est biberonné aux différentes séries Netflix, Amazon Prime ou autres plateformes de streaming hautement politisées aux contenus médiocres.

Dès lors le métaverse est une possibilité, celle d’échapper à un futur qui n’a rien de radieux. Zuckerberg a très bien compris une chose. L’avènement des réseaux sociaux a éveillé en nous les plus bas instincts et en somme les péchés capitaux : l’orgueil via les images, la paresse de ne rien faire devant ses écrans, ou encore l’envie face à la vie des autres qui est un miroir nous renvoyant à notre propre médiocrité. Plus généralement, c’est le libéralisme qui sait parfaitement appuyer sur la faiblesse de l’Homme. Sa profonde et tellement humaine volonté de jouissance.

De plus, dans un siècle où l’on assiste à une déliquescence des relations hommes-femmes, le métaverse va forcément bousculer le marché du sexe. Il faut rappeler que selon un sondage récent presque 48% des hommes sont prêts a avoir des relations sexuelles avec un robot qui pourra prendre les traits d’une véritable femme, et selon le même sondage 43% pourraient même tomber amoureux. Ainsi, pourquoi alors être en recherche d’un véritable partenaire si le métaverse peut le servir sur un plateau d’argent. D’autant qu’il est là encore très fortement probable qu’il sera possible de choisir des skins qui pourront représenter des fantasmes ultimes pour certains hommes ; et les femmes de leur côté ne seront d’ailleurs très probablement pas en reste. Le métaverse en somme terminera de parachever les dégâts du porno, sauf que dans cet univers alternatif cela semblera encore plus vrai.

Il ne faut pas oublier aussi que le métaverse demeure un type de réseau social qui va avoir un impact beaucoup plus profond que Facebook ou Instagram. Du fait que son interface plonge littéralement l’individu dans ce nouvel univers. Il n’y a plus aucune distance, et avec les améliorations graphiques qui deviennent exponentielles il sera de plus en plus difficile de démêler la réalité du virtuel. La ligne risque d’être floue, voire peut-être un jour imperceptible. Cela ouvre le champ des possibles à des nouvelles pathologies, voire même peut-être la possible survenance de traumatismes chez certains. Il y aura également toutes les dérives des réseaux sociaux traditionnels qui seront de facto amplifiées, comme l’addiction ou le harcèlement en ligne.

Alors dans ce futur où le métatarse va forcément prendre une place très importante dans le quotidien des individus, deux camps vont se former. Ceux qui refuseront cet abrutissement, ce qui sera une véritable épreuve dans un monde ultra connecté, où si tu n’as pas aujourd’hui Facebook par exemple ou Instagram tu es le dernier des tocards. L’autre camp quant à lui embrassera sa nouvelle condition humaine fictive. Il ne pensera qu’à se connecter une fois rentré du travail (probablement un métier du tertiaire) et se coupera de tout ce qu’il y a de plus sacré : les véritables relations sociales. Mais bon, il s’en moque puisqu’il retrouvera sa propre propre copine virtuelle aux allures de Anna de Armas et qu’il fumera un faux cigare acheté X euros sur le métaverse. Et vous, quel camp allez vous choisir ?

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Julien, alias le Doc

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