L'Étudiant Libre

De l’évolution des paysages et de leurs impacts sur la France et l’identité des Français

Les paysages font partie intégrante de l’imaginaire collectif et identitaire d’un pays, et sont liés à une pluralité de composantes. Cet article a pour but d’être une introduction à ce sujet, afin de faire prendre conscience non seulement des dangers qui pèsent sur eux, et donc sur l’écologie, mais des causes de ceux-ci.

Qu’est-ce qu’un paysage ?

La définition la plus complète utilisée est : portion de territoire, d’un pays dont l’apparence découle d’une origine biotique (les espèces vivantes, qu’elles soient végétales ou animales) ou abiotique (topographie, climatique, roche mère) ainsi que du facteur anthropique (humain). Dans cette définition, on peut donc voir que les paysages sont façonnés par des facteurs naturels, et par l’Homme, comme nous le montre l’histoire de nos paysages européens.

Les paysages d’antan

Au Néolithique, on retrouve des traces de défrichement des forêts dans ce que l’on appelle la Gaule. Jules César bien plus tard attestera de l’existence de grandes forêts sur notre territoire dans La Guerre des Gaules, en décrivant une grande forêt qui part de l’actuelle Lorraine jusqu’à la Forêt-Noire. Contrairement aux idées reçues (dis donc Astérix…), l’agriculture, plus proche de la paysannerie, y est déjà pratiquée avec des techniques comme le brûlis. Entre 450 et 50 avant notre ère (Âge du Bronze), les outils laissent supposer des surfaces d’exploitation conséquentes pour l’époque. À l’époque médiévale, les paysans représentent la grande partie de la population, l’agriculture mono spécifique bat son plein jusqu’à une certaine époque. Par la suite, les paysans divisent leurs parcelles selon des rôles. On a par exemple les surfaces exploitées, qui deviennent les autres années des surfaces soit en pâturage, soit en jachère, ce qui donne ce que l’on appelle aujourd’hui des « rotations de cultures ». Très vite, notre civilisation se pare de forêts où l’on exploite le bois, et de paysages jardinés à grande échelle.

Conséquences : Tout espace naturel a pour vocation « la fermeture », ou plutôt son remplacement par les forêts. En maintenant des lieux ouverts, l’homme a permis la conservation de nombreuses espèces et milieux qui auraient disparu dans le cas contraire. C’est le cas notamment des chaumes dans les Hautes-Vosges, où l’on retrouve des espèces alpines, qui auraient dû laisser leur place à une forêt sans la main de l’Homme. Avec le temps, les espaces sont délimités par des haies (bocage) pour empêcher le bétail de s’enfuir. Dans certaines régions, on pouvait même ne trouver quasiment que des haies fruitières. Les paysages traditionnels battent leur plein, et chaque région possède différentes variétés de légumes (carotte au cœur rouge de Colmar, chou-fleur en Bretagne, haricot tarbais en Occitanie,…) ou d’animaux d’élevage (Limousine, Charolaise,…), ce qui contribue à accroitre la biodiversité.

Révolution agricole

Au XIXème siècle, la paysannerie connaitra son dernier âge d’or. Elle reste pendant un temps semblable à ce qu’elle était, avec quelques innovations techniques en plus, facilitant un peu la vie paysanne. Quelques tracteurs font leur apparition chez les paysans les plus fortunés. Au XXème siècle, suite à la Seconde Guerre mondiale vient le « baby-boom ». Tant de bouches doivent être nourries, que de ce fait nous entrons dans l’agriculture moderne. Très vite, la disparition des systèmes bocagers (petites parcelles entourées de haies) laissent place à des parcelles plus grandes et sans haies. La politique agricole mise tout sur les grandes exploitations, et s’en suit la monopolisation des cultures mono-spécifiques, type maïs (génétiquement modifié pour résister à nos climats) par exemple. Les nombreuses variétés de pommes régionales laissent place aux trois variétés de pommes qui se battent en duel dans nos supermarchés : les goldens, les grannys et les pink lady. La perte de diversité des cultures considérables, la suppression des haies et le travail du sol intensif ont contribué à la mort de la biodiversité de nos paysages, appauvrissant aussi les sols, mais pas seulement.

Déprise rurale

Aux XXème et XXIème siècles arrive un phénomène de dépopulation des milieux ruraux. Lors des Trente Glorieuses, la jeunesse est attirée par la ville, qui leur offre des perspectives plus attrayantes. Conséquence : la plupart des parcelles qui ont été si longtemps maintenues ouvertes se sont aujourd’hui refermées, laissant place à des forêts. Si celles-ci abritent en effet une part de la biodiversité, elles causent l’extinction d’espèces maintenues par la présence de l’être humain. Ainsi, la majorité des oiseaux en Europe voient leurs espèces s’éteindre, puisque ceux-ci vivent dans des strates basses (arbustes, haies …) et trouvent leur nourriture dans les prairies. De plus, une subvention va être créée dans les années 1960-1980, afin de favoriser la plantation de forêts afin de relancer l’industrie du bois. Dans certaines régions, on peut observer les plantations en grande quantité d’épicéas par exemple, qui acidifient le PH du sol et empêchent d’autres espèces de s’implanter. Celle-ci se reconnaissent généralement au fait que les arbres sont plantés en lignes à équidistance, chose que l’on n’observe pas dans une forêt primaire ou spontanée. Sur les photos de l’époque, on peut donc en général constater des paysages beaucoup plus ouverts, tandis qu’aujourd’hui ceux-ci ont tendance à s’être plus « fermés ».

On observe ainsi une disparition de la campagne pittoresque et authentique, et ce au détriment d’une « boboification » de celle-ci.

Thomas CHristophe

Menaces contemporaines sur nos campagnes et leurs paysages

Nos paysages ont une forte valeur patrimoniale. Les paysages ruraux que vous pouvez observer sont uniques, et introuvables dans d’autres régions. Ils correspondent tous à une identité paysagère qui leur est assignée dans l’atlas des paysages de chaque département (la France comptabilise environ 2 800 unités paysagères). Cela veut dire que la diversité paysagère est telle que le paysage d’un village à un autre peut avoir une autre identité au vu de ses spécificités écologiques et culturelles. Avec la déprise rurale, c’est la disparition de ces identités qui a été amorcée.

Le changement climatique n’aide pas, puisque certaines espèces tendent à disparaitre à cause de la sécheresse, quand d’autres remontent tendanciellement vers le Nord. Le fait que les villes empiètent sur la ruralité perméabilise les sols, ce qui peut causer de multiples problème tels que des inondations en ville plus fréquentes, de la pollution des sols ou encore une perte de surfaces cultivables (chose non-négligeable quand on voit la faible autonomie alimentaire dont disposent les villes). De plus, il est fréquent de voir un non-respect des villages par les néo-ruraux (nouveaux habitants des compagnes) qui s’empresseront d’empêcher les quelques agriculteurs restant de travailler correctement sous prétexte de nuisances sonores (quand ceux-ci ne veulent pas faire abattre un coq dans le voisinage ou empêcher les cloches d’une église de sonner), mais bref… Ne nous dispersons pas. Ces mêmes personnes ont tendance par ailleurs à vouloir faire transformer les campagnes en les rendant plus confortables, ce qui finit par tuer celles-ci. Enfin, vient la dénaturation de ce que je qualifierais « le faciès de nos villages » par l’implantation d’architectures inadaptées ou irrespectueuses de l’environnement. Il est étonnant de voir autorisée par exemple la construction de maisons de style californien à coté de vieilles bâtisses typiques régionales. On observe ainsi une disparition de la campagne pittoresque et authentique, et ce au détriment d’une « boboification » de celle-ci. Les problématiques engendrées par les prétendues « énergies vertes » n’aident pas, avec par exemple les éoliennes qui en plus de n’être absolument pas « écolo » et rentables énergiquement parlant, font fuir les quelques espèces d’oiseaux qui auraient éventuellement essayé de s’implanter. On a notamment le cas d’une espèce de vautour récemment réintroduite, dont des individus ont été retrouvés mort à cause… D’éoliennes.

Enfin, il convient de rappeler que même les espèces qui survivraient éventuellement à tout cela se verraient remplacées par des espèces que l’on qualifie « d’exotiques envahissantes ». Celle-ci empiètent et empêchent les espèces autochtones de s’installer, comme la renouée du Japon ou la balsamine de l’Himalaya. Certaines sont même dangereuses pour l’Homme lui-même. Ces espèces de plus en plus nombreuses à cause de la mondialisation sont légions : écrevisse de Louisiane, berge du Caucase, ragondin, silure, bambou,… – et ne cessent de proliférer. À terme, c’est le remplacement total d’une énorme partie de la faune et de la flore qui pourrait être causée, et donc d’une partie des écosystèmes eux-mêmes, ainsi que les espèces qu’elles abritent avec. La plupart du temps, nous sommes limités dans les méthodes de lutte contre celle-ci. Les rares exemples de succès sont majoritairement sur des espaces restreints et de petite taille, mais leur vitesse d’accroissement laisse craindre le pire pour nos paysages chéris.

Pour conclure

Nos paysages encore présents aujourd’hui sont naturellement en changement. L’abandon de la ruralité et l’instauration d’une relation dominatrice de l’homme envers la nature peut à l’avenir empêcher nos enfants de les connaitre tels que nous les avons appréciés. Avec leur disparition, c’est aussi notre terroir, nos traditions, notre folklore qui sont mis en danger. Une partie de la culture française ainsi que de ces cultures régionales tant appréciées dépend de l’identité de nos paysages. Pour les sauver, nous devons impérativement remettre en valeur le patrimoine rural, que ce soit les bâtisses qui aujourd’hui tombent en ruine (aux dépends de constructions modernes sans identité plutôt que l’inverse), en cultivant les variétés locales, ou en mettant en valeur nos paysages. La solution la plus souhaitable découlerait d’une réappréciation de nos campagnes et de nos cultures. Toutefois, cela est insuffisant, car la meilleure méthode serait aussi de retourner à la ruralité, réanimer nos villages, et aider un retour, non pas de l’agriculture mais de modèles plus proches de la paysannerie traditionnelle. Pour que nous puissions léguer ce beau patrimoine que nos ancêtres ont travaillé avant nous. Ne devrions-nous pas en faire de même alors que les villes deviennent un enfer sur Terre ?

Thomas Christophe

Thomas Christophe

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