Vous n’avez pas pu passer à côté de la couverture du mois de mars de l’Incorrect où les trois patrons des mouvements jeunes de droite Stanislas Rigault (Génération Z), Guilhem Carayon (Jeunes LR) et Pierre-Romain Thionnet (RNJ) s’affichent ensemble tout sourire. En plein emballement médiatique et politique, Wandrille de Guerpel, journaliste à l’Incorrect revient sur cet entretien qui a déchaîné bien des passions.
Ce mardi 14 février, jour de Saint-Valentin l’excitation est palpable dans les locaux de la rédaction de l’Incorrect. C’est aujourd’hui que nous recevons les trois figures de la jeunesse de droite pour un entretien croisé qui balayera les grands sujets d’actualité : retraites, école, guerre en Ukraine, immigration… Le débat s’annonce haut en couleur !
Les rideaux sont tirés, les meubles font des va-et-vient avant de trouver leur place définitive et le fond bleu clair du photographe est installé. Juliette Briens, directrice de la communication s’affaire à régler les lumières de notre studio vidéo improvisé pendant qu’Arthur de Watrigant, directeur de la rédaction s’allume une dernière cigarette. Je relis une énième fois les questions avant que la sonnette se fasse entendre.
Pierre-Romain Thionnet, tout fraîchement nommé président du RNJ par Jordan Bardella est le premier arrivé. Polo Fred Perry marron sur le dos, celui qui représente la nouvelle élite frontiste affiche une décontraction rassurante. Quelques minutes après, Stanislas Rigault arrive casque de moto sous le bras et clope au bec suivi de près par Guilhem Carayon, reconnaissable dans son imperméable vert. Après une courte séance photo et une tasse de café, nos trois compères s’assoient autour de la table ; le débat peut commencer. Il durera près de deux heures.
Le premier sujet abordé est la question brûlante des retraites qui les oppose sans surprise. Guilhem et Stanislas s’accordent sur le constat : il faut rééquilibrer les comptes publics et travailler plus longtemps. Ils reconnaissent la nécessité d’une réforme, défendant une vision incontestablement libérale. Le président de Génération Zemmour commence son propos par : « Je souscris à 99,9 % à ce qu’a dit Guilhem ». Tandis que Pierre-Romain Thionnet y est totalement opposé et juge la réforme « illégitime et injuste ».
Passé cette question, les trois s’accordent sur quasiment tous les sujets et chacun développe ses arguments. Le débat laisse finalement place à la discussion. Quelques « piques » sont tout de même à relever, mais visent plutôt les écuries politiques et leurs responsables, à l’instar du « Tremblez ! » ironique envoyé par le jeune lieutenant d’Éric Zemmour lorsque Guilhem Carayon défend le fait qu’il n’y aurait plus de « fausse droite » chez Les Républicains et cite les noms d’Éric Ciotti, Rachida Dati, Olivier Marleix…
La dernière question est celle qui fera couler le plus d’encre : Diriez-vous que vous appartenez au même camp que l’on pourrait qualifier de national, et que vous avez plus de points communs que de divergences ? A cette question, ils répondent unanimement par la positive. Pierre-Romain « n’éprouve aucune difficulté à dire que c’est le cas ». De son côté, le président des Jeunes LR ne défend pas une possible alliance, mais explique : « L’avantage de notre génération de droite est que l’on se connaît tous, que nos différends peuvent être clairs, mais que nous nous traitons les uns et les autres avec respect et sans tabou ». Pain béni pour Stanislas Rigault, dont le parti a justement pour projet de rassembler les camps de la droite : « Si des divergences réelles existent, je mets au défi tous les lecteurs de cet entretien croisé de nous classer comme adversaires » avant d’ajouter : « ce dialogue est un premier chemin ? »
Les réactions ne se sont pas fait attendre. À peine la Une et le titre – Les jeunes coupent le cordon – dévoilé sur Twitter, la presse parisienne et ses journalistes politiques ont réveillés une vieille idée : l’Union des Droites. « Union des droites : les patrons des jeunes LR, de génération Z et du RNJ jouent avec le fantasme » titre le JDD, « Comment, sous les radars médiatiques, les jeunes LR, RN et R ont fait tomber les digues » pour le Figaro, « Quand la jeunesse de droite ose se parler » Boulevard Voltaire ou encore « Quand les patrons des jeunes LR, de Génération Z et du RNJ se disent oui » pour l’Opinion. Chacun y va de son petit titre enjôleur et la meute médiatique est lâchée. Pourtant, qui a parlé de s’unir ? Personne.
Interrogé le matin même au micro de France Inter, Jordan Bardella concède : « On se parle et les personnes que vous citez sont des gens avec qui on a tous grandi politiquement. On était dans les mêmes soirées étudiantes, et on savait qu’on finirait par se retrouver ». Éric Zemmour et Marion Maréchal saluent l’initiative de ce débat. Les réactions sont toutes autres chez Les Républicains. François Durovray, président du conseil départemental de l’Essonne s’empresse de tweeter : « Inadmissible de mettre en avant des points communs avec les partis d’extrême droite sans parler de ce qui nous différencie d’abord fondamentalement ». Les castors et autres résistants de salon sont de sortie et étonnement, le sectarisme de ceux qui se réclament de droite s’avère plus virulent que celui de l’extrême-gauche. C’est le cas du candidat malheureux à la primaire de la Droite de 2022, Xavier Bertrand qui ira même jusqu’à pousser un véritable coup de gueule sur le plateau des Grandes Gueules : « ça commence à bien faire les conneries ». Grâce à Dieu, le ridicule ne tue pas.
L’extrême-gauche reste fidèle à sa bêtise quand Benjamin Lucas, député NUPES des Yvelines dérape en insultant Guilhem Carayon de « jeune con » et qualifie Stanislas et Pierre-Romain de « néonazis et ventilateurs de haine ». Idem, lorsque notre Jean-Michel Aphatie national écrit : « eh oui, les jeunes de Reconquête, du RN et de LR sont d’accord : il faut que toutes les femmes de France se prénomment Corinne pour sauver la Nation ». Les chiens aboient, la caravane passe…
Quand bien même, l’entretien n’aboutit pas sur une possible union, mais sur un premier pas vers la réconciliation, je terminerai mon propos en citant Marc Eynaud, journaliste chez BV qui écrit très justement : « Personne ne serait outré de voir les présidents des Jeunes socialistes, communistes et NPA débattre ensemble dans Libé ou Politis. Au fond, cette histoire est simplement celle d’une gauche qui n’a pas compris que cette génération décomplexée de droite et de droite décomplexée entendait débattre avec qui elle voulait et sans avoir à s’en excuser. C’est aussi cela, l’insolence de la jeunesse ».