2013-2023 : Dominique Venner, chevalier des temps modernes

Il y a des hommes qui ne laissent pas indifférent… Qu’on les apprécie ou non, leur rencontre –physique ou intellectuelle – est toujours un bouleversement. On pourrait citer parmi eux Brasillach, Huguenin, Jünger, Drieu la Rochelle ou encore Moeller von den Bruck. Plus proche de nous, il faudrait également compter dans cette liste Dominique Venner.

Activiste, militant, écrivain, chasseur, spécialiste des armes et historien méditatif, Dominique Venner eut au cours de sa vie une multitude d’existences… Qui se croisent, se complètent et se répondent avec une incroyable cohérence. Né en 1935, il s’engage dans l’armée à sa majorité et part pour l’Algérie, cette « petite guerre médiévale » qui fut pour lui une aventure de jeunesse fondatrice, sans laquelle il dit lui-même qu’il ne serait sûrement pas devenu l’homme qu’il fut ensuite.

« Sans le militantisme radical de ma jeunesse, sans les espérances, les déceptions, les complots ratés, la prison, les échecs, sans cette expérience excitante et cruelle, jamais je ne serais devenu l’historien méditatif que je suis. C’est l’immersion totale dans l’action, avec ses aspects les plus sordides et les plus nobles, qui m’a forgé et m’a fait comprendre et penser l’histoire de l’intérieur, à la façon d’un initié et non comme un érudit obsédé par les insignifiances ou comme un spectateur dupe des apparences. »

Après un engagement militant intense au sein de Jeune Nation, Europe Action et l’échec au législatives du Rassemblement Européen des Libertés, il quitte l’activisme politique et commence une vaste entreprise d’écriture qui fait de lui un spécialiste reconnu des armes à feu, puis un historien autodidacte – « historien méditatif » pour reprendre une terminologie qui lui était chère –. Ses livres sont salués par les noms les plus éminents de la matière, allant de Jean Tulard à Stéphane Courtois, en passant par Sylvain Gouguenheim ou par le prix de l’Académie Française reçu pour son Histoire de l’Armée rouge.

Mais chez Dominique Venner, contrairement à nombre d’universitaires, l’histoire est comprise à la fois comme le fruit de notre longue mémoire – dont la torpeur des idéologies modernes tente de nous couper – et comme le socle qui nous permettra de bâtir notre destin, un destin qu’il nous convient de choisir et de construire.

Le 21 mai 2013, sous les voûtes de Notre-Dame, Dominique Venner se donne la mort pour « réveiller les consciences endormies ». Il n’a pas conçu sa mort comme une renonciation, mais comme un germe. Il a voulu qu’elle fut une provocation à l’espérance et à l’émeute, pour faire émerger une nouvelle jeunesse.

Fondateur posthume de l’Institut Iliade par sa mort volontaire, Dominique Venner entendait offrir aux Européens la conscience de leur identité face aux dangers que connaît aujourd’hui notre civilisation. Amoureux de « l’Europe secrète » dont parlait Louis Pauwels, il en trouvait la quintessence dans l’œuvre poétique d’Homère. Et le poète de toutes les valeurs traditionnelles de l’Europe est aussi l’initiateur de la célèbre triade homérique, chère à Dominique Venner : 

«  La nature comme socle, l’excellence comme but, la beauté comme horizon »

Cette triade qui sonne comme une règle de vie, témoigne avant tout d’une vue du monde, d’une éthique de la tenue, dans un monde où éthique et esthétique ne font qu’un. Car la tradition, chez Dominique Venner, est à la fois permanence au-delà des mouvements du temps, et particularité d’une culture unique. Si tous les peuples connaissent la vie, la mort, l’amour et la nature, chacun d’entre eux a sa manière spécifique de les vivre. Volonté, honneur et amour du geste s’inscrivant eux-aussi comme composantes de notre identité ; identité qui n’est pas figée dans un passé mort que nous voudrions conserver à tout prix, mais comme un élément en constante évolution, nécessaire à la reprise en main de notre destin.  

S’il a été pour certains un chef, pour d’autres un ami ou une relation de travail, Dominique Venner est pour beaucoup de jeunes aujourd’hui une inspiration, un exemple de passion, de force et de vie, porteur d’un élan vital anti-bourgeois et non conforme, témoignage d’une jeunesse qui refuse l’illusion d’une vie sans danger, sans effort, sans foi et sans vraie joie – en somme, qui refuse la mort du vivant !

Eternel intranquille en quête de « plus de vie », Dominique Venner transmet le rêve d’un monde indicible – inaudible à la masse – mais toujours ouvert aux cœurs purs, aux âmes aventureuses, à tous ceux qui refusent de céder à la mort du sens.

Le 21 mai 2023, 10 ans jour pour jour après sa mort volontaire à Notre-Dame, un hommage sera rendu à celui qui fréquentait aussi bien François de Grossouvre lors des chasses présidentielles sous François Mitterand, que les cercles de la Nouvelle Droite dont il apparaît désormais comme une figure éminente. Plus qu’un hommage, il s’agira de reprendre les thèmes qui forgent notre vue du monde… non pour vénérer des cendres mais pour allumer des feux. Inspirateur des jeunesses d’Europe, de Rome à Paris, en passant par Madrid, Dominique Venner reste aujourd’hui une source d’inspiration pour les jeunes français, européens, qui restent attachés à leur identité, « aux murmures des temps anciens et du futur ». Ceux qui ont décidé de faire face, de croire en l’avenir et d’agir sur lui.

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Solenn Marty

Solenn Marty

2013-2023 : Dominique Venner, chevalier des temps modernes
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