Alors que les élections législatives de 2022 n’ont offert à Emmanuel Macron qu’une majorité relative, la réforme des retraites, véritable ADN de la droite, pouvait permettre aux Républicains de revenir sur le devant de la scène politique. Le besoin pour la majorité présidentielle d’obtenir les voix des Républicains aurait pu permettre à ces derniers d’imposer leurs mesures et récupérer enfin ce caractère de parti de gouvernement auquel ils s’accrochent désespérément. De plus, la majorité sénatoriale détenue par les Républicains leur assurait un boulevard pour maîtriser ce projet de loi jusqu’à la commission mixte paritaire.
Cependant, les Républicains naviguent à vue, sans réelle direction et sans leader naturel. La « valeur travail », si chère à la droite depuis des années, semble avoir disparu. Et pour cause, les tensions internes du parti minent le peu de visibilité politique qu’incarnaient encore les Républicains. Voir la NUPES applaudir Aurélien Pradié fut l’humiliation de trop pour Éric Ciotti qui évincera son premier vice-président exécutif de son statut de numéro 2 du parti. Le parti meurt lentement, fragilisé par des guerres internes empêchant une véritable ligne politique lisible par les Français.
Conscient que leur base politique rétrécit de plus en plus, les Républicains ne savent pas quelle droite incarner. Ciotti, Retailleau et Pradié partagent ensuite un même dilemme : consolider le socle dur et fidèle de l’électorat LR ou aller aux « périphéries » de la droite pour s’adresser à des électeurs qui ne pensent pas ou plus à elle. Pourtant aujourd’hui, ni les électeurs macronistes enclins à la réforme ni la droite populaire du RN ne sont satisfaits. « LR peut mourir de nos contradictions », met en garde Retailleau. Et pour cause : « cette réforme devait dégager des marges de manœuvre de 17 milliards, aujourd’hui on a dû en consommer 6 ou 7 ou 8 », prévient toujours le patron de la majorité sénatoriale. Ces pertes budgétaires ayant notamment été mises à mal par les revendications d’Aurélien Pradié.
Eric Ciotti, le nouveau patron des LR, depuis sa prise de fonction a énormément de mal à maintenir une unité de parti. Les rancœurs personnelles sur les nominations de l’équipe dirigeante ont démontré l’impossible réconciliation entre Retailleau et Pradié. Ces tensions permanentes ont atteint leur point d’orgue sur les retraites où la droite supposée sociale de Pradié n’est pas du goût du sénateur favorable à la réforme.
Mais le patron des LR connaît des difficultés face au virevoltant, ex-numéro 2 du parti : une vingtaine de députés LR suivent le jeune député du Lot et ne soutiennent pas la réforme en l’état. Le divorce n’a pas éclaté, sauvé par le temps parlementaire limité, ayant restreint l’examen du projet de loi qu’aux deux premiers articles. La macronie est d’ailleurs sauvée par cette procédure où un examen plus prolongé aurait conditionnée la réforme à une poignée de députés minoritaires des Républicains.
La discipline de votes des Républicains est inexistante. On parle en effet du parti ayant le plus de votes divergents parmi ces membres sur l’ensemble des projets de loi de la nouvelle législation. Éric Ciotti souffre du manque d’appui de celui qu’il a d’ores et déjà désigné comme le candidat à la prochaine présidentielle : Laurent Wauquiez. Ce dernier observe son parti se déchirer et ne cherche pas à y rétablir l’ordre. Cette inaction interroge au sein de la direction des Républicains : « il cherche à passer entre les gouttes », balance même un dirigeant LR. Ce dernier ne veut pas endosser la responsabilité de cette réforme très impopulaire auprès des Français. Pourtant, dans son duel à distance avec Édouard Philippe, Bruno Le Maire ou encore Gérald Darmanin, il perd peu à peu sa crédibilité d’incarner une droite privée de leader naturel.
Cette situation est d’autant plus inconfortable qu’une partie de ces troupes désavoue cette réforme et soutient Aurélien Pradié. Élus dans des territoires ruraux, ils ne veulent pas perdre l’électorat qui les a menés à l’Assemblée nationale.
Irrémédiablement, Laurent Wauquiez se décrédibilise progressivement dans sa course à l’Élysée. En ne se présentant ni aux européennes de 2019, alors qu’il dirigeait le parti, ni à la primaire présidentielle ni à la présidence du parti à l’automne dernier, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes continue d’éviter de se confronter à ces électeurs.
Alors que l’ensemble des oppositions ont rejeté en bloc le projet de réforme des retraites, les Républicains par leur majorité sénatoriale et leur collaboration à l’Assemblée nationale sont devenus la béquille de la macronie. Dans cet espoir d’incarner la droite de gouvernement, ils peuvent au moins se rassurer en regardant du côté du parti socialiste qui a perdu totalement cette crédibilité au profit d’une existence conditionnée par la NUPES, nouveaux zadistes de l’assemblée. Mais cette incarnation inquiète les dirigeants du parti comme en témoigne le communiqué délivré aux adhérents mardi dernier. « Nous sommes un parti de gouvernement. « Nous sommes un parti de droite » rappelle Eric Ciotti en n’oubliant pas d’égratigner Jupiter : « François Hollande et son héritier Emmanuel Macron partagent cette nostalgie de la dépense publique comme remède à tous nos maux ».
Il poursuit en expliquant qu’il connaît « votre envie de sanctionner Emmanuel Macron, mais ne le faisons pas au prix d’approuver Jean Luc Mélenchon. Quand la droite devient de gauche, elle se fourvoie ». Et pourtant, c’est bien le virage que semblent prendre Les Républicains qui semble s’imposer comme le réformiste tenant d’une corde sociale à travers les 64 ans ou les carrières longues.
La droite dite républicaine ne veut pas sombrer dans le macronisme. Et pourtant, c’est bien elle qui garantira la stabilité gouvernementale en rejetant les motions de censure et votant ses textes de loi, pour une « opposition constructive ». Plus que divisés, ils sont un allié fragile, mais nécessaire à Elisabeth Borne sans être capable d’y retirer le moindre bénéfice.
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