The Fabelmans : naissance d’un génie ou tragédie familiale ?

Après plus de 50 ans de carrière dans l’industrie du cinéma, Steven Spielberg a décidé de se pencher sur son enfance et d’en faire un film The Fabelmans, sorti en France le 22 février dernier. Cependant, si le spectateur est immédiatement séduit et captivé ; à la sortie du cinéma, il ne saura pas avec certitude s’il s’agit d’une réelle autobiographie ou du récit intime du divorce des parents de Sammy.
(from left) Burt Fabelman (Paul Dano), younger Sammy Fabelman (Mateo Zoryan Francis-DeFord) and Mitzi Fabelman (Michelle Williams) in The Fabelmans, co-written and directed by Steven Spielberg.

Après Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi, c’est au tour du très grand cinéaste Steven Spielberg de faire un film autobiographique. Ne nous y trompons pas, le petit Sammy est bien le double de Steven. Après avoir expliqué à Vanity Fair qu’ « [il]ne peut pas penser à un seul de [ses] films qui ne contiennent au moins un élément personnel », Spielberg a enfin sauté le pas, il a montré les premières années de sa vie et sa famille. 

76 ans, serait-il l’âge propice pour regarder en arrière et raconter sa vie ? On connaît tous un vieil homme dans notre famille qui un beau jour, après avoir vécu une existence sans paroles inutiles, décide de se confier à un jeunot qui l’écoute avec attention. Eh bien, quand on est un très grand réalisateur, on en fait un film, et un très bon film.

La passion du cinéma et prémisses d’un génie

Il est évident que l’histoire de Sammy Fabelman va permettre à Spielberg de parler de sa passion du cinéma et de ses premières expériences. Ce projet aurait pu devenir une glorification du génie en herbe qu’il fût, prenant les risques conjoints de la vanité et de l’étalage indiscret de son intimité. 

Il n’en est rien, et les toutes premières images l’indiquent avec subtilité au spectateur. Un tout petit garçon aux tendres joues rondes et à la casquette bleue est conduit par ses parents voir son 1er film. 

On lui promet de l’émerveillement, mais c’est une scène d’accident de train qui le marque profondément. À la sortie de la salle, le bambin est figé. Au-dessus de la tête de leur fils, les deux adultes échangent des coups d’œil inquiets, manifestement, ils n’avaient pas prévu cette violence. 

Cette scène choque profondément l’esprit de l’enfant. Elle est le point de départ de son existence, car pour lutter contre ses cauchemars, il voudra recréer infiniment cet accident ; ce sera son premier film. Mélange de hasard, de précocité et de circonstances favorables. 

Cependant, ces premiers tableaux ne décrivent pas seulement les prémisses d’un talent, autre chose se détache. Dans la voiture du retour de cette séance de cinéma, Sammy est placé entre ses deux parents qui malgré l’évident traumatisme de leurs garçons s’embrassent hors champ. Ce sera le seul moment de tendresse entre ses deux êtres dont le destin est inextricablement lié à celui de leur fils aîné. Ils lui ont donné son premier choc cinématographique, lui ont permis d’utiliser une caméra pour extirper les images qu’il avait en lui et leur amour représente le monde entier aux yeux de l’enfant.

Ou l’histoire d’un divorce mal vécu ?

Mais l’image idyllique du couple de ses parents se fissure dans l’œil de la caméra de Sammy. Un père informaticien brillant et d’une grande gentillesse, mais balourd à souhait n’arrive plus à faire rire son épouse, fine pianiste au caractère fantasque. 

Progressivement, l’histoire ne montre plus la passion cinématographique du jeune Sammy qui s’efface pour explorer avec brio la lente déchirure d’une famille. Les parents Fabelman divorcent et c’est un drame pour Steven-Sammy. Entre sa mère qui le supplie de lui pardonner pour son égoïsme, la colère des trois sœurs qui implorent leurs parents de ne pas divorcer et le chagrin immense du père, les yeux de Sammy deviennent de plus en plus tristes. 

On se demande alors, si peindre la naissance de sa passion, n’est pas surtout le prétexte que Spielberg a trouvé pour de montrer les ravages d’un divorce. Il n’accuse, ni ne renie sa mère, mais montre les blessures qu’elle a infligé, avec sa beauté, sa joie, sa fantaisie et ses frustrations. 

On regrette presque qu’au lieu de son autobiographie, il n’ait pas exécuté le portrait de sa mère ; le but de cette réalisation en eut été considérablement éclairci.

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Agnès Auzies

Agnès Auzies

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