L'Étudiant Libre

L’histoire du drapeau français : l’histoire de la France

Emmanuel Macron a modifié le bleu du drapeau français. Quand la nouvelle est tombée, beaucoup ont ri, peu ont remis en cause le choix du chef de l’État. En effet, pour sa défense, le drapeau est un symbole qui subit des évolutions voire des transformations depuis la nuit des temps. Mais ces évolutions vont de pair avec le cours de l’Histoire...
Emmanuel Macron a fait modifier le bleu du drapeau français ces derniers mois... sans en avertir le peuple français. (Crédits : Pixabay)
Le drapeau tricolore que l’on déploie dans la plupart des cérémonies officielles, civiles ou militaires, et sur les bâtiments étatiques, nous vient de la Révolution française. En effet, il est le fameux résultat de la réunion de trois couleurs : le blanc de la monarchie, et le bleu et le rouge de la ville de Paris. Bailly, le premier maire de Paris, évoque alors un symbole de patriotisme et « l’alliance auguste et éternelle entre le monarque et le peuple ». Mais certains monarchistes répugnent à se montrer aussi naïfs : si le blanc du monarque est placé entre les deux couleurs révolutionnaires, c’est aussi pour signifier que désormais la monarchie est encadrée et contrôlée. Qu’a-t-on fait de ce blanc uni, couleur du roi, de la paix, de la pureté, une couleur qui voulait dire « France » aux yeux du monde ?

L’histoire d’une puissance monarchique

Les trois couleurs du drapeau actuel ont traversé les siècles et ont perduré, chacune à leur manière, jusqu’à s’assembler à l’aube d’une nouvelle France. Le bleu est associé à la France depuis l’époque de Clovis. Il est le premier roi à avoir fait de cette couleur celle de l’armée. Comme une évidence pour les Français d’alors, le bleu est aussi la couleur du manteau de la Sainte Vierge, protectrice du pays. Le rouge, quant à lui, se fait plus discret sur les emblèmes nationaux. Il est l’emblème du sang versé, du martyre de la foi, mais aussi la couleur des cardinaux. Le blanc, c’est la pureté, la paix, l’allégorie de l’ange Gabriel aussi, promesse d’espérance.

C’est au Moyen-Âge que survient la tradition de l’étendard, de la bannière, comme un signe de reconnaissance dans les combats, que les soldats pouvaient remarquer de loin. Il est aussi et surtout un signe de ralliement. Ne dit-on pas couramment, lorsque l’on appelle les hommes à la guerre : « se réunir sous les drapeaux », ou bien « combattre sous les drapeaux » ? Tout un symbole. La première bannière française connue à ce jour est celle du roi Louis VII partant pour la croisade de 1147. Tels les vêtements du sacre, le bleu usuel est parsemé de fleurs de lys d’or. Comme un rappel que le monde des élus, la Jérusalem céleste, est appelée à venir en aide à la France. Par la suite, Charles V réduit le nombre de fleurs de lys à trois, en l’honneur de la Sainte Trinité. Cette bannière de France subsiste jusqu’aux obsèques de Louis XVIII en 1824.

Et dès le début du XIVème siècle, le blanc devient officiellement la couleur des Français, en opposition à la croix rouge des Anglais. Il est donc plus que jamais de mise durant la Guerre de Cent ans. Ainsi, l’étendard du « Roi du ciel » que brandit Jeanne d’Arc possède un champ blanc. Et, lors de l’entrée des troupes de Dunois à Bayonne en 1451, une croix blanche apparaît dans le ciel. De même, le pennon fleurdelisé qui suit le roi au sein de l’armée, en marche et au combat, est remplacé par la cornette blanche dès 1495. Celle-ci demeure, en signe d’autorité, jusqu’à Louis XIII. Quant à la croix, elle perdure aussi sur les drapeaux de l’infanterie française au XVIème siècle et sur les pavillons de la marine marchande. Pour le monde entier, la France c’est le blanc. Il est toujours arboré par le roi de France sur les champs de bataille. Ainsi, la célébrissime tirade de Henri IV à ses hommes, avant la bataille d’Ivry en 1590 : « Ne perdez point de vue mon panache blanc, vous le trouverez toujours au chemin de l’honneur et de la victoire ! ». Tout un programme.

Voilà une Cocarde qui fera le tour du monde.

Marquis de La Fayette

La Révolution : « les couleurs de la Liberté »

C’est en 1789 que tout change, on le sait. Et jusqu’aux plus petits symboles de la royauté. Le blanc est placé au second rang, tandis que les couleurs de la ville de Paris sont déployées à l’envi. Le 13 juillet 1789, les insurgés parisiens et la garde de la ville arborent la fameuse cocarde aux rubans bleus et rouges, « couleurs de la Liberté », avant d’y ajouter le blanc. Ainsi, avant d’être drapeau, le tricolore est cocarde. Une cocarde officialisée par La Fayette, trois jours après la Bastille, lorsque le marquis l’accroche au chapeau de Louis XVI à l’Hôtel de Ville : « Voilà une cocarde qui fera le tour du monde ». Il la définit donc comme symbole du patriotisme. Ce n’est que le début de l’histoire. À l’automne 1790, l’Assemblée constituante décide que tous les vaisseaux de guerre et les navires de commerce français doivent porter un pavillon à trois bandes verticales : le rouge près de la hampe, le blanc au centre, dans une bande plus large, le bleu à l’extérieur. Ce sens vertical permet de le distinguer des trois bandes horizontales néerlandaises. Puis, c’est sous la Terreur que la forme actuelle est adoptée : le 15 février 1794, la Convention décrète que le pavillon national « sera formé des trois couleurs nationales, disposées en bandes verticalement, de manière que le bleu soit attaché à la gaule du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant dans les airs ». La légende veut que l’auteur de cet ordre des couleurs soit le peintre Jacques-Louis David.

Le drapeau tricolore est par la suite plusieurs fois menacé : il perd son bleu et son rouge lors du retour à la monarchie, de 1814 à 1830. Puis il reparaît tricolore sur les barricades des Trois Glorieuses, du 27 au 29 juillet 1830. Enfin, le roi des Français, Louis-Philippe accepte le retour aux trois couleurs. Sous la IIème République, certains révolutionnaires réclament un drapeau qui soit totalement rouge, mais le ministre des Affaires étrangères et poète, Alphonse de Lamartine, les en dissuade par un discours convainquant le 25 février 1848 à l’Hôtel de Ville. Depuis ce temps-là, le drapeau tricolore a traversé les décennies et les guerres. Malgré les idéaux révolutionnaires qu’il représente, les plus fervents royalistes se sont attachés et s’attachent encore à reconnaître en lui le symbole de la France qui gagne, qui tombe et se relève, la France que nous ont transmise nos ancêtres. Et en fonçant le bleu, Emmanuel Macron a voulu rappeler aux Français que le pays qu’il gouverne a commencé, pour lui, en 1789. Car le bleu foncé est bien la couleur originelle, puisque c’est Valéry Giscard d’Estaing qui l’avait éclairci en 1976.
Pétronille de Lestrade

Pétronille de Lestrade

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