L’utilisation à répétition du 49.3 ces derniers mois par le gouvernement Borne, qui a échappé à une motion de censure à 9 voix près, achevait de démontrer l’incapacité du Président Macron à gouverner en mars dernier. Les rumeurs ont fusé : Rachida Dati à Matignon ? Gérard Larcher ? Un mois et demi plus tard Elisabeth Borne est toujours là et tente de « relancer le dialogue ».
Pendant ce temps là, des cadres LR s’activent pour un accord de gouvernement. Dès le 10 avril, Philippe Juvin, député et candidat malheureux au Congrès des Républicains en 2021, signait avec Virginie Calmels, fille spirituelle d’Alain Juppé, et d’autres collègues, une tribune publiée dans Le Figaro appelant la nomination d’un LR à Matignon. Eric Ciotti se dit aussitôt opposé à tout accord de gouvernement.
Pourtant, en déplacement, Philippe Juvin confie qu’en coulisse, le président du parti soutient totalement son initiative.
Quelques semaines plus tard, Eric Ciotti dévoile un contre-gouvernement. Nadine Morano à l’Immigration, Valérie Boyer à la Santé, et Philippe Juvin aux Affaires sociales, l’Handicap et le Travail. Un contre-gouvernement que l’on presse en interne à se préparer à être un « gouvernement de cohabitation » qui ne pourra être que de coalition fusent d’autres. Car c’est là l’ambition que se donnent les ténors du parti en interne : obliger un Emmanuel Macron affaiblit par la réforme des retraites et de futures élections européennes probablement remportées par le RN à nommer un gouvernement LR en ne votant plus aucun texte de la majorité.
Un pari audacieux qui pourrait prêter à sourire tant le scénario est osé. Pourtant quelle issue pour Les Républicains ? Le parti est écartelé entre la majorité présidentielle, Reconquête et le Rassemblement National. Faut-il s’allier au Président comme l’encourage Jean-Pierre Raffarin ? Pour percer à droite, une liste menée par le conservateur François Xavier Bellamy serait la plus efficace, mais la place est prisée : Nadine Morano a soutenu Eric Ciotti à la présidence du parti. Son parlé plus « populaire » séduit pourtant moins l’électorat qu’ils devront partager avec Reconquête. Pour jouer plus au centre cela paraît compliqué. L’espace est étroit et la manoeuvre complexe : les militants LR ont signifié dans leurs votes le devoir de ne jamais faire d’accord avec le gouvernement. Les éléments de langage se préparent pour défendre cette volte-face. La présidence des Républicains aurait donc opté pour cette stratégie de la dernière chance : contraindre le chef de l’Etat à un grand tournant à droite en nommant un LR à Matignon. Difficile d’imaginer un Emmanuel Macron aussi affaibli et résigné.
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C’est là que Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac, peut s’avérer utile. Décoré de la Grand Croix de la Légion d’honneur en février dernier, il a accompagné le président Macron lors de sa dernière visite à Pékin. Ce proche conseiller, dont il est difficile de mesurer l’influence sur le chef de l’Etat, s’est prononcé publiquement pour un accord de gouvernement sur la chaîne BFMTV le 9 mai dernier. Agitant l’épouvantail de la montée des « extrêmes », il appelle à un accord de gouvernement qui ne durerait que deux ans et demi au plus, pour ne pas entraver le libre jeu de l’élection présidentielle de 2027.
S’il est compliqué d’imaginer un tel scénario, spéculer sur les conséquences qui en découleraient l’est davantage. Les Républicains arriveraient-ils à s’imposer de nouveau comme le parti de la droite traditionnelle en 2027 ? Ou ce rapprochement avec la majorité présidentielle viendrait-il renforcer RECONQUETE! et le Rassemblement National ? Le tout est de savoir si les électeurs LR ne sont plus à une trahison près.
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