L'Étudiant Libre

Le problème migratoire russe en Allemagne : une politique à rebrousse-poil ?

10 April 2022, Hessen, Frankfurt/Main: "Stop hating Russians" is written on the sign of this participant of a pro-Russian demonstration. The police accompanied the rally with several hundred units. The demonstration was announced under the motto "Against agitation and discrimination of Russian-speaking fellow citizens/Against war - for peace". Photo: Boris Roessler/dpa (MaxPPP TagID: dpaphotosfive704363.jpg) [Photo via MaxPPP]

L’offensive russe contre l’Ukraine fait rage depuis 8 mois déjà, au grand dam des citoyens victimes de ce conflit majeur aux portes de l’Europe. Depuis le décret de mobilisation de Vladimir Poutine le 21 septembre dernier, mobilisant environ 300 000 réservistes dans tout le pays, des dizaines de milliers de familles russes ont fui le pays pour échapper à l’enrôlement dans cette guerre ayant déjà entrainé la mort d’au moins 50 000 civils. Plusieurs pays européens se sont portés volontaires pour accueillir les déserteurs russes. La France, évidemment très timide sur la question, notamment à cause de son soutien inconditionnel à l’Ukraine, annonce le lendemain de l’allocution du président russe ne pas vouloir mener « d’autres politiques que celle d’accueil selon les conventions internationales telles que nous les pratiquons aujourd’hui », selon la ministre des affaires étrangères. En revanche, l’autre moitié du couple emblématique franco-allemand est bien plus ouverte à la question : “Celui qui s’oppose courageusement à Poutine et se met ainsi en grand danger peut demander l’asile politique en Allemagne”, déclare la ministre de l’intérieure allemande, déclaration qui suit celle du ministre de la justice allemand, rédigée la veille sur Twitter : “Tous ceux qui haïssent la voie choisie par Poutine et aiment la démocratie libérale sont les bienvenus en Allemagne”.

Seulement voilà : encore une fois, vouloir accueillir la planète entière sur le même territoire n’est pas toujours bénéfique. Le cas de l’Allemagne s’explique en deux parties : d’une part, une crainte de tensions et d’affrontements entre les deux camps en conflit, d’une autre part, l’impossibilité matérielle d’accueillir de nouveaux immigrés pour le pays.

Une (nouvelle) chimère :

 En effet, l’Allemagne accueille donc des réfugiés russes, aux côtés de réfugiés ukrainiens. Seulement, dans les consciences russes, la guerre menée par leur président est de la responsabilité seule de l’Ukraine, tandis que les Ukrainiens voient les Russes, militaires comme civils, en tant qu’envahisseurs. Un climat de peur et de tensions réciproques s’installe donc entre les deux camps. Comment donc faire cohabiter deux peuples qui se craignent et se haïssent mutuellement ? Certainement pas en se fondant sur le système actuel allemand : en autorisant régulièrement des manifestations en soutien à l’Ukraine et en lui livrant régulièrement des armes, le climat n’est pas propice à la paix entre ces deux peuples en conflit cohabitant sous le même toit. 

D’un autre côté, la terre d’accueil allemande rencontre un problème que beaucoup d’autres pays rencontrent également : le manque de moyens matériels pour accueillir de nouveaux immigrés. Kateryna Rietz-Raku, docteure ukrainienne en littérature contemporaine et vivant en Allemagne depuis plus de 20 ans, organisatrice de manifestations pro-Ukraine en Allemagne, déclare que « Nous sommes déjà débordés ici en Allemagne par l’accueil des femmes et des enfants ukrainiens, par la recherche de logements et la vérification des documents. De nombreuses régions disent être surchargées et qu’elles ne peuvent plus accueillir de réfugiés. Où iront ces hommes venus de Russie ? ». 

Un débat que nous connaissons bien 

L’accueil de ces déserteurs russes parait donc être une aberration tant sur le plan de la sécurité de chacun que sur le plan matériel. Le débat fait d’ailleurs rage dans la classe politique Allemande ; tandis que la gauche martèle que « toute personne qui ne veut pas participer à la guerre d’agression de Poutine contre l’Ukraine […] et qui fuit la Russie, doit se voir accorder l’asile en Allemagne » selon les termes de la secrétaire du parti écologiste allemand, le parti conservateur dirigé par Friedrich Merz est davantage opposé à la question. Débat très intéressant, que nous pourrions retrouver trait pour trait en France, si le gouvernement se positionnait enfin clairement sur la question … 

Matteo Gille

Matteo Gille

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