L'Étudiant Libre

Le mot de la Rédaction : Du plaisir d’imposer sa loi

Le titre du mot de la Rédaction de cette semaine sonne comme celui d’un traité du XVIIIe, et pour cause ! C’est que chez LREM, on s’évertue à élever au rang d’art le systématique refus de réalité.

1,12 million de personnes dans la rue selon Beauvau (plus de 2 millions selon la CGT), la réunion inédite de l’ensemble des syndicats derrière une première journée de grèves annonçant une seconde, ce mardi 31 janvier, une majorité de Français hostile au projet de loi – résultat : une Élisabeth Borne déclarant que le passage de la retraite à 64 ans « n’est plus négociable » (FranceInfo, 29 janvier). Bref, un déni de réalité. 

Oui, cette réalité de la démocratie que le jupitérien Emmanuel Macron s’empresse de piétiner et en même temps de vanter – c’est très i-democratic tout ça. Comme quoi, il n’y a pas que chez LFI que le dédoublement de personnalité est un modèle à promouvoir. 

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Et oui, cela est triste à dire, mais manifester ne semble plus servir du tout… Drôle de droit, totem d’une gauche façonnée par le mythe sorellien de la grève générale, et d’une droite chrétienne exercée par La Manif pour tous. 

Après les grandes victoires contre la loi Devaquet, pour l’école libre, en 1986, ou bien celle de 2006 contre la loi des contrats première embauche qui n’entrera jamais en vigueur, la grève a perdu de sa prestance. Atteinte au droit de grève ou fin d’une représentation populaire ? Nous n’en savons rien, sinon que la grève a toujours été dans l’esprit de nos institutions l’un des derniers avertissements populaires contre un projet qu’un gouvernement technicien pouvait vouloir imposer contre l’avis général. 

 

Et qu’en est-il de cet avis ? Il est bafouillé. Les ministres ne cherchant pas à comprendre, mais à imposer. En témoigne la diffusion d’une vidéo de « propagande » du ministre de la transformation et de la fonction publique, Stanislas Guérini, propagée sur les boîtes mail privées de fonctionnaires. 

Notre justicier s’est en effet permis de récolter les adresses privées des agents, présentes sur les fiches d’impôt, afin de convaincre de l’apport en « justice et progrès » de la loi. Deux valeurs qui parlent à tous, mais ne veulent absolument rien dire… Et cela, les Français s’en rendent compte. Comme le prouve ce sondage montrant que les 3/4 des Français s’opposent à la mesure (« L’Opinion en direct », institut Elable, 25 janvier) – et cela même chez les personnes âgées, pourtant majoritairement derrière Macron lors des dernières élections. Comme quoi, même chez les boomers ça dérange – c’est dire…

Alors quelle solution ? Un nouveau petit 49-3 ? Et oui, bien que l’article a été dans un premier temps mis de côté, il va falloir y songer, car les personnes âgées, c’est aussi l’électorat principal de nos camarades des Républicains. Ce qui est dommage lorsqu’on se souvient que c’était l’amas de parlementaires républicains qui assuraient la majorité relative pour faire passer la loi au Parlement. Et au rythme où ce parti en phase terminale de cancer électoral est en train de sombrer, peu sûr qu’Eric Ciotti, notre Emma Bovary du Midi, réussisse à fédérer ses troupes. 

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Tout cela servira au moins aux essayistes qui ont sous les yeux un bel exemple de coup de force politique contre les Français. 

 

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Aurélien Charvet

Responsable du site internet de L'Étudiant Libre, étudiant en grande école
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