Après deux ans de pandémie pendant lesquels l’économie de nos régions montagneuses a tourné au ralenti, la saison 2021-2022 a dépassé les chiffres d’avant Covid. Un sursis ? L’inflation actuelle et la hausse du coût de l’énergie risque de troubler les saisons à venir. En cet automne 2022, la neige est tout juste arrivée dans nos moyennes montagnes. Et comme en 2020 dans les premières stations à ouvrir tel que Val Thorens, le manteau neigeux risque d’être insuffisant. Val Thorens et Val d’Isère ont déjà repoussé leur ouverture d’une à deux semaines. En ajoutant l’embargo imposé à la clientèle russe qui représente un poids économique des plus importants, le tourisme d’hiver n’est pas épargné par le contexte économique et environnemental.
Une inflation aux sommets
L’inflation n’a pas épargné le tourisme hivernal. Selon France 3, 70 % des stations renégocient leur « contrat triennal cette année », et par conséquent le prix du mégawattheure a été multiplié par 20, passant de 55€ à plus de 800€. Pour les entreprises importantes telles que la Compagnie des Alpes qui gèrent de grands domaines skiables, la situation « restera viable, même si cela pèsera lourd dans les résultats de l’entreprise », selon Dominique Thillaud, directeur général de la société, interrogé par France 3. À l’inverse, Guillaume Ruel, président de la société des remontées mécaniques de Villard de Lans, explique qu’il est « incapable d’envisager une ouverture » au vu de ces augmentations.
Pour pallier ces dépenses, les stations vont mettre en place différents dispositifs. Les solutions impliquent plusieurs changements, comme le ralentissement de certaines remontées mécaniques aux heures creuses, une réduction de l’éclairage public et celui de Noël. Et Jean-Luc Boch, président de l’Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) confiait à France 3 Alpes : « on va éviter le ski de nuit ».
Mais d’autres stations moins importantes ont plus de mal à résoudre ces problèmes. À Saint-Pierre-de-Chartreuse deux remontées mécaniques ont déjà été supprimées. Les responsables envisagent même “de fermer (la station) 1h ou 2h sur certains jours” pour réduire les coûts. Plus marquant encore, Puigmal 2900, une petite sation des Pyrénées arrêtera ses remontés les lundis, mardis et mercredi hors periodes de vacances.
Mais pour certaines, l’augmentation du prix du forfait est inévitable. Moins grave pour les grosses stations avec un domaine vaste et des clients fidèles tel que Val Thorens qui a augmenté son tarif de 9%. Mais les petites destinations familiales avec moins d’avantages comme le Col de la Porte dont les responsables souhaitent “augmenter le prix des forfaits à plein tarif de 2 euros” c’est plus compliqué.
Bientôt un manque d’enneigement naturel
Le réchauffement climatique représente aussi un des grands dangers des sports d’hiver. Une étude peut nous éclairer dans ce domaine : celle de Climsnow, réalisée en collaboration entre Météo France, l’Inrae et Dianeige. Son objectif est d’analyser l’enneigement dans les stations et d’émettre des prévisions. Les résultats sont sans appel : les périodes d’ouverture seront de plus en plus courtes. Ils prévoient aussi « jusqu’à 40% de neige en moins dans certaines stations » d’ici 50 ans. Mais les stations situées à plus de 1800 mètres d’altitude devraient être moins touchées, il est même probable qu’elles profitent du réchauffement. Ces prochaines décennies, le manteau neigeux devrait se raréfier en moyenne montagne mais restera existant en haute montagne. Ainsi, le nombre de stations se réduira et les adeptes de sports d’hiver se tourneront vers les secteurs toujours enneigés.
Une partie du domaine skiable français est déjà équipée de canon à neige de culture, 30% au total, ce qui permet de maintenir l’activité. « Le ski ne va pas disparaître en France à l’échelle des prochaines décennies. Mais c’est un constat qui est tiré vers le haut par les grandes stations d’altitude. » indique Samuel Morin, chercheur au Centre National de Recherches Météorologiques.
Les Russes skieront-ils en France ?
Concernant la situation géopolitique, les actualités sont marquées par les tensions avec la Russie. Par conséquent, la clientèle russe est moins présente sur les pistes depuis mars 2022. Malgré une absence déjà remarquée due à la covid-19 notamment à Courchevel où cette clientèle représentait « 7% des touristes avant la pandémie et bien davantage en matière de chiffre d’affaires ». Mais nombre d’entre eux ne sont que très peu affectés par ces contraintes. Beaucoup ont une double nationalité, qu’elle soit suisse, monégasque, israélienne et bien d’autres. La saison dernière, une partie des clients russes ont annulé leurs séjours, mais ce n’est pas une généralité. « Mon avis c’est que peu importe ce que Poutine fasse, les Russes trouvent toujours un moyen de venir chez nous quand ils le veulent. Ça va les freiner un peu, mais dans nos montagnes l’Ukraine c’est loin » rapportait le chef du service réservation d’un hôtel de luxe de Megève pour France 3.
En somme, l’inflation représente le plus gros obstacle des stations de ski cette année. Même si elles restent dépendantes de l’enneigement, selon les prévisions. La conséquence ne devrait pas être trop important pour les prochaines années. À l’avenir, les sports d’hiver seront de plus en plus en difficulté. Et pour continuer à exister elles devront augmenter leurs prix. C’est déjà le cas cette année avec suivant les stations une hausse du forfait ou bien de l’hébergement. À l’image de Sunweb, une importante agence spécialisée dans la montagne, le coût des packages, qui comprend l’hébergement et la location de matériel, a pris 8 % en un an “ Mais les clients sont là. Nous avons 11 % de réservations en plus par rapport à l’année dernière à la même date », assure Cécile Revol, de Sunweb.
Mais par rapport à la situation actuelle, ce n’est pas étonnant. Selon l’observatoire des inégalités, seulement 8% des Français vont skier au moins une fois tous les deux ans. Une inégalité marquante entre les différentes classes socio-professionnelles est observée. Par exemple, 40% des cadres partent en vacances au moins un an sur deux en hiver contre seulement 9% des ouvriers.
Concrètement, les habitués des stations de sports d’hiver appartiennent à la tranche aisée. Ces classes à haut revenu sont moins perturbées par le phénomène d’inflation et pourront tout de même se permettre de partir en montagne et de faire tourner l’économie. Mais le réchauffement climatique devrait engendrer des saisons hivernales écourtées. En définitif, ce serait le principal obstacle du secteur puisque sans neige, pas de glisse.