EDF : comment en est-on arrivé là?

Alors que l’énergie n’a jamais coûté aussi chère en France, EDF accuse un déficit de près de 18 milliards d’euros quand toutes les entreprises énergétiques à l’image de Total affichent des bénéfices records. Nous allons revenir sur les déboires de cette entreprise qui, malgré un passé glorieux et un fort potentiel, se retrouve en crise à cause d’une politique énergétique mise en place depuis plus de 20 ans.

EDF, la bête noire de l’Allemagne

Auditionnés à l’Assemblée nationale, Henri Proglio et Anne Lauvergeon, respectivement les anciens patrons d’EDF et d’Areva, ont mis de côté leur querelle pour critiquer l’attitude de l’Allemagne vis-à-vis d’EDF. Selon eux, l’ouverture du marché commun imposée par cette dernière a été très dommageable pour l’entreprise française.

De plus Berlin fait pression sur l’Europe pour que d’une part le gaz soit considéré comme une énergie verte indispensable à la transition écologique et d’autre part pour que le nucléaire n’obtienne pas cette qualification. Cette politique est dépourvue de bon sens quand on sait que le gaz émet 40 fois plus de gaz à effet de serre que le nucléaire, selon les données du Giec, mais elle arrange bien l’Allemagne, qui peine à tenir ses engagements climatiques depuis la fermeture de ses centrales nucléaires. 

En effet, pour absorber les fortes variations de son modèle de production électrique dû à l’usage massif d’énergie renouvelable, elle doit se fournir auprès de ses voisins, ou utiliser du gaz russe très polluant quand elle ne consomme pas de charbon pour produire de l’électricité. 

Pour maintenir la stabilité de son modèle de production, elle n’hésite donc pas à s’appuyer sur des lobbys pro-énergies renouvelables qui ont depuis quelques années noyauté Bruxelles : un document de 2015 recense plus de vingt syndicats et représentants des énergies renouvelables, mais aucun pour défendre le nucléaire.

Pourquoi de tels prix?

La hausse du prix de l’énergie est dûe à l’augmentation des prix du pétrole et du gaz, causée par la guerre en Ukraine : les sanctions économiques cherchent à moins importer d’énergie de Russie, alors que la fermeture de Nord Stream 1 limite les importations de gaz. Cependant, nous pourrions nous attendre à ce que le prix de l’électricité reste stable en France puisque le gaz représente 7% du mixte énergétique en 2021 selon RTE. 

Toutefois, depuis la mise en place du marché européen de l’électricité, qui vise à simplifier la vente d’électricité à l’échelle européenne, il a été décidé d’indexer le prix de l’électricité sur le prix coûtant du kwh de la centrale électrique la plus chère qui produit – ce système permettant en autre de stabiliser les prix et de valoriser les énergies bon marché. De fait, quand la France souhaite se fournir en électricité sur le marché, elle privilégie d’abord les énergies peu onéreuses, comme les énergies renouvelables (on parle ici du prix coûtant c’est-à-dire que le prix d’installation n’est pas pris en compte, seul le prix de production et la taxe carbone comptent) ou le nucléaire avant de se fournir auprès de centrales à gaz ou à fioul. Comme nous n’avons pu nous reposer pleinement sur le nucléaire et que les barrages ne sont pas au sommet de leur forme, suite à la sécheresse, la demande en électricité issue de centrale à gaz ou à fioul a augmenté et le prix coûtant de l’électricité issue de ces centrales a mécaniquement explosé ce qui a conduit à une multiplication par 2 voire 5 des prix de l’électricité durant l’hiver.

Le marché européen doit être transformé, s’il repose sur une volonté de simplifier la vente d’électricité entre pays européen et de stabiliser les prix, ce système est responsable de la très forte augmentation des prix de l’électricité cet hiver.

EDF doit brader son électricité

Depuis l’ouverture du marché à la concurrence, EDF doit vendre une partie de son électricité à ses concurrents à un prix fixe (on parle de 42 €/kwh) dans la limite de 100 TWh soit 20% de la production. EDF réalise donc une perte car à ce prix là l’entreprise est obligé de brader son électricité à des acteurs qui ne produisent rien et ne servent que d’intermédiaire. De plus, les marges dégagées par ces entreprises parasites sont directement prélevées sur le dos du contribuable dans la mesure où c’est autant d’argent qu’EDF, une entreprise publique, ne gagne pas. 

La crise énergétique actuelle a amplifié ce problème par la mise en place du bouclier tarifaire imposé par le gouvernement. En effet, il a été imposé à EDF de vendre son énergie à ces entreprises concurrentes en plus grande quantité : 120 TWh au lieu de 100. Et à un prix relativement semblable : on parle d’une augmentation jusqu’à 46€/MWh, alors que l’énergie devrait être revendue sur les marchés autour de 300€/MWh pour être rentable. Pour Johanne Debunne, syndicaliste, “le gouvernement pille EDF” – elle s’attend même à une perte de 8 milliards d’euros… 
Nous pouvons critiquer le bouclier tarifaire pour son coût exorbitant mais il a été bénéfique pour la majorité des Français qui auraient eu beaucoup de problèmes cet hiver pour se fournir en électricité. Mais si le bouclier sert au contribuable, en revanche aucune raison ne justifie que l’entreprise doit brader son électricité à des entreprises telles qu’Engie, Total Direct Energie, Eni,… L’ouverture du marché à la concurrence n’est pas la cause première de la perte de 8 milliards dûe à la vente à perte de l’énergie pour les particuliers mais elle encourage ce phénomène pour un gain complètement nul : les entreprises concurrentes ne produisent pas d’énergie, leurs bénéfices sont fait au nez et à la barbe d’EDF.

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Armand Londeix

Armand Londeix

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