L’Iran : une puissance à genoux ? 

Une partie de la communauté iranienne en France s’est rassemblée samedi dernier pour exhorter l’Union Européenne à inscrire le groupe des Gardiens de la Révolution sur la liste des organisations terroristes. Le silence dans lequel se sont murés les responsables européens traduit certainement les hésitations occidentales à propos des relations à mener avec l’Iran, puissance incontournable du Moyen-Orient, dont l’affaiblissement reste à relativiser.

Une contestation à bout de souffle ?

En interne, les chefs politiques et religieux sont confrontés depuis le mois de septembre de l’année dernière à une vague de manifestations sans précédent dans le pays. Pour rappel, ce soulèvement trouve son origine dans la mort d’une étudiante, Mahsa Amini, après que celle-ci a été arrêtée par la police mœurs pour avoir mal porté son voile. Très vite, cette étincelle embrase la société iranienne au sein de laquelle les femmes sont marginalisées. Le vent de la révolte se lève, les Iraniens, et surtout les Iraniennes, descendent dans la rue, défient le régime jusque dans ses fondements, affichant sur leurs pancartes le slogan « Femme, vie, liberté ». Le pouvoir, aux abois, cède dans un premier temps ; la police des mœurs est abolie. 

Confortées par ce retour au calme, les autorités basculent alors dans une répression sanglante. Toute tentative d’opposition est traquée à grands coups d’arrestations en masse, de procès expéditifs et de pendaisons immédiates. Selon l’ONG norvégienne Iran Human Rights, ce sont près de 480 personnes qui ont été tuées et 4 pendues depuis le début du soulèvement. 14 000 auraient été arrêtées. Les forces de l’ordre compteraient de leur côté une centaine de morts.

L’avenir du mouvement est plus que jamais incertain. Si le régime durcit la répression, ne risque-t-il pas de radicaliser les opposants ? Quelles formes revêtira la révolte ? Assistons-nous à mouvement de fond dont les conséquences ne seront appréciées que sur le long-terme ? Autant de questions que les prochains mois dénoueront peut-être.

Le nucléaire iranien : combattu, encadré, enterré ?

La question du nucléaire iranien revient en effet fréquemment sur le devant de la scène internationale en raison des crispations qu’elle alimente et ce depuis la Révolution islamique de 1979. 

A ce titre, l’Iran est soumis à un régime de sanctions aux effets particulièrement délétères pour son économie. A l’origine exclusivement américaines, les sanctions se sont intensifiées dans les années 2000 sous la conduite de l’ONU et de l’UE, lorsque le Président Mahmoud Ahmadinejad, élu en 2003, a relancé le programme nucléaire iranien. Il s’agissait de forcer l’Iran à infléchir sa positon en limitant ou rompant toute sorte de transaction avec ce dernier. Un embargo sur l’industrie pétrolière et chimique a par exemple été mis en place afin de décourager les entreprises qui seraient tentées d’exporter leurs matériaux en direction de Téhéran. Sans cesse étendues, les sanctions ont fini par toucher l’ensemble des secteurs de l’économie iranienne. Un effet boule de neige a alors percuté la société iranienne : récession, raréfaction des échanges, appauvrissement, inflation et baisse des dépenses publiques.

L’arrivée au pouvoir du Président Hassan Rohani en 2013 modifie cependant la donne. Pragmatique, il essaie de desserrer l’étau qui asphyxie l’Iran et s’engage dans une dynamique de négociations, laquelle aboutit à la signature d’un accord de non-prolifération en 2015 avec les principales puissances occidentales, la Russie, la Chine et l’Union Européenne. Tandis que l’Iran promet de limiter son enrichissement en uranium et en plutonium (deux matières nécessaires pour fabriquer une arme atomique), les autres Etats optent pour une levée progressive des sanctions. Néanmoins, le retrait des Etats-Unis de l’accord en 2018 et le rétablissement des sanctions américaines ont porté un coup sévère à l’encadrement du nucléaire iranien. Dans une vidéo ayant circulé sur Twitter, au cours de ce qui semble être une discussion informelle, Joe Biden avait même reconnu que l’accord était « mort ».

Une puissance régionale redoutable

Malgré les tempêtes, l’arbre iranien n’est pas encore déraciné. Trois fois plus grand que la France, l’Iran bénéficie d’une position stratégique clé, à la charnière des mondes arabe, turc et russe. Avec une quinzaine d’Etats frontaliers et un accès aux mers (mer Caspienne, mer d’Oman, Golfe persique), la politique étrangère iranienne se déploie aussi bien dans l’Ouest arabe, le Caucase, en Turquie, ainsi qu’en Asie centrale. D’un point de vue démographique, seuls l’Egypte et la Turquie rivalisent avec l’Iran, avoisinant une population de 80 millions d’habitants. L’armée iranienne réunit quant à elle autant d’effectifs (560 000) que 6 armées arabes cumulées. En termes d’énergies, l’Iran peut se vanter d’être le 4ème pays possédant le plus de ressources pétrolières et le 1er en ce qui concerne le gaz, devant la Russie.

Outre ces données chiffrées, l’Iran est à la pointe de la recherche nucléaire, source continue de tensions dans la région, dont les scientifiques sont les premières victimes. A titre d’exemple, Mohsen Fakhrizadeh, physicien de premier plan, était assassiné en novembre 2020 à l’aide d’une voiture piégée. C’est le sixième scientifique lié au programme nucléaire tué au cours de ces 10 dernières années.

L’Iran conserve également une marge de manœuvre à l’étranger. D’une part, il peut compter sur des groupes militaires et politiques adeptes du chiisme (courant minoritaire au sein de l’Islam dont se revendique l’Iran, par opposition au sunnisme), comme le Hezbollah au Liban. D’autre part, il est toujours en mesure de prêter main-forte à ses alliés par l’envoi de troupes ou la livraison d’armes. Les Gardiens de la Révolution disposent en effet de leur propre unité d’élite, les Forces Al-Qods, qui ont combattu aux côtés de Bachar el-Assad en Syrie. En Europe, bien avant la guerre en Ukraine, l’Iran avait admis avoir fourni des drones à l’armée russe. Les soupçons autour de l’utilisation de ces armes pendant la guerre nourrissent autant les doutes occidentaux que l’orgueil des hauts-gradés iraniens, fiers de proclamer que de telles attitudes « montrent l’efficacité et le niveau élevé de la République islamique dans le domaine des drones ».

Sans être l’abri de contestations et d’ennemis, l’Iran démontre toutefois une capacité de résistance singulière. Reste à savoir s’il deviendra le théâtre d’une nouvelle Révolution…

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Guillaume d'Aiglemont

Etudiant en M2 à l'IEP de Strasbourg, Guillaume s'occupe des sujets internationaux au sein de l'équipe de rédaction du site
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