Le canal du Mozambique, véritable eldorado pétrolier et gazier, sépare Madagascar du Mozambique. On trouve davantage de gaz dans l’océan Indien (et particulièrement au fond du canal du Mozambique), qu’en mer du Nord, ou que dans le golfe Persique. De nombreuses puissances industrielles convoitent donc cette ressource énergétique. Ce sont notamment Total, Exxon Mobil et ENI, qui ont massivement investi pour engager des travaux d’exploitation. Autrefois, le canal se trouvait sur la route des épices. Il est aujourd’hui encore une voie majeure pour le commerce pétrolier : 30% du trafic mondial de pétrole provenant du Moyen-Orient traverse le canal, vers l’Europe et l’Amérique.
Cependant, la France doit faire face à des problématiques de souveraineté entre Madagascar et Juan Nova, îlot français, car les Zones Économiques Exclusives (ZEE) françaises et malgaches se chevauchent. Une question se pose alors : à qui appartiennent les ressources énergétiques ? En plus de la présence d’un immense gisement gazier, la ZEE française regorge également de ressources halieutiques. La convention internationale de Montego Bay autorise un pays à contrôler les ressources d’un espace maritime de 200 milles nautiques au large de ses eaux territoriales, ce qui permettrait à la France de contrôler les deux tiers du canal. Cependant, les délimitations des différentes ZEE restent floues.
Des enjeux de souveraineté
Le canal du Mozambique regroupe des territoires coloniaux méconnus. C’est le cas des îles Eparses, qui n’ont pas été restituées à Madagascar en 1960, lors de la déclaration de son indépendance – de Gaulle insistant pour qu’elles restent françaises. En 2009, le sujet de la souveraineté des îles Eparses réapparaît : un accord est signé entre l’île Maurice et la France par le ministre de la Coopération de l’époque, Alain Joyandet ; cet accord conforte la possession française de ces territoires. Il s’agit d’éviter que le règlement de ces questions de souveraineté ne se fasse devant une instance internationale qui restituerait ces îlots de quelques km² à Madagascar. Les compagnies Anadarko et l’italienne ENI ont annoncé y avoir découvert récemment des gisements géants de gaz naturel. Cette dernière prévoit d’ailleurs d’investir 50 milliards de dollars pour ce gisement estimé à plus de 637 milliards de mètres cubes.
Ces îles Eparses regroupent également depuis 1975 des zones naturelles protégées, espaces protégés riches en biodiversité. Un rapport d’information du Sénat, rédigé lors du colloque parlementaire consacré aux îles Eparses en 2009, souligne que ce sont « des sites de reproduction indispensables pour plus de 3 millions d’oiseaux et 26 espèces ainsi que pour 15 000 tortues marines » ; elles constituent également « un lieu d’observation privilégié des changements globaux en milieu tropical ».
Une présence militaire nécessaire
Le potentiel énergétique demande une sécurisation de cet espace. Or, une lutte contre les pirates présents dans le canal du Mozambique se mêle à une lutte contre le terrorisme. En août 2020, des djihadistes du mouvement Al Shebab ont pris possession du port gazier de Mocimboa de Praia. La départementalisation de Mayotte en 2011 avait une finalité : surveiller de près ces ressources énergétiques. Mais depuis quelques jours, la violence fait rage à Mayotte. Le meurtre d’un jeune Mahorais à coups de machette a entraîné des affrontements entre des quartiers rivaux. Mercredi 23 novembre, Emmanuel Macron a tenté de rassurer la population locale, alors que le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé le déploiement du RAID. En effet, Ambdilwahédou Soumaila, le maire de Mamoudzou, parle de Mayotte comme « l’île aux enfers ». Il demande que les renforts du RAID restent « jusqu’à ce que la République reprenne ses droits ». Il ne s’agit plus, selon lui, de simplement « faire du maintien de l’ordre » mais de « les [délinquants] combattre, aller les chercher là où ils sont, dans les bidonvilles, les quartiers reculés, les attraper et les traduire en justice ». L’archipel, théâtre régulier d’affrontements entre bandes ou avec les forces de l’ordre, connaît une délinquance bien plus élevée qu’en France métropolitaine. Cette insécurité se nourrit d’une grande pauvreté : 194 000 Mahorais, soit 74 % de la population, vivent avec un niveau de vie inférieur à 50 % de la médiane nationale, selon l’Insee.
Mayotte, un eldorado pour les environs ?
Mayotte, qui se situe à 8 000 km de la métropole, a été peuplée par des vagues successives de migration en provenance d’Afrique, d’Asie du Sud et d’Arabie Saoudite. Aujourd’hui, l’île fait figure d’aimant pour les habitants de l’union des Comores qui se trouvent à environ 70 km. A la suite de son intégration à la République française, l’île a bénéficié de transferts de fonds qui ont permis une augmentation relative de son niveau de vie. Mais les habitants se sentent abandonnés par Paris. L’insécurité et la violence sont permanentes : « on est au bord de la guerre civile », déclare la députée de Mayotte Estelle Youssouffa.
Mayotte est le département français le plus pauvre : 84% des habitants vivent sous le seuil national de pauvreté. La population clandestine est à 95% constituée de Comoriens venus de l’union des Comores. Des femmes enceintes débarquent en masse pour accoucher à la maternité de Mamoudzou, la plus importante des maternités de France avec 12 000 naissances par an.
A lire également : La France, une puissance moyenne ? Déni et indifférence à l’égard du déclin international français
Dès lors, garder Mayotte permet à la France d’être présente dans une zone au potentiel énergétique fort. Mais c’est aussi se confronter aux limites de la souveraineté française, ébranlée par les violences et la pauvreté.