L'Étudiant Libre

L’octobre du “en même temps” : l’utilisation du 49-3

Au vu du tournant démocratique qu’a pris le mois d’octobre, il semble essentiel de revenir sur le bien connu article 49 alinéa 3, dit “d’engagement de responsabilité”, de la Constitution de la Ve République. En effet, le gouvernement Borne a choisi d’opter pour un “passage en force” dans l’adoption du budget de 2023. Serait-ce le début d’une longue série de matraquage au 49.3 du fait de la minorité présidentielle ? Il est bien difficile de le savoir dans l’immédiat, mais ce qui est certain c’est que le second mandat macronien n’en est qu’à ses débuts. 

Aux origines de l’article de la Constitution

Afin de mieux comprendre l’emploi de cet article constitutionnel, il faut revenir à son origine et s’interroger sur sa place dans la Constitution – Constitution qui se veut “la plus démocratique de toute”.

 Contrairement à ce que l’on peut penser, cet article 49 n’est pas un produit de la Ve République. Son origine prend source dans les réformes constitutionnelles des premiers instants de la IVe République. Celle-ci, instituée en octobre 1946 à la suite d’un gouvernement provisoire, fut ponctuée par une instabilité gouvernementale mettant en avant la “question de confiance”. Cette volonté de réforme sur la voie d’une plus grande prise de responsabilité gouvernementale est refusée, mais chemin faisant elle prend place dans la Constitution de 1958. L’article 49 alinéa 3 assure donc une stabilité au gouvernement et cela de manière constitutionnelle. Si certains dénoncent ce point législatif comme une arme gouvernementale, d’autres y voient un bouclier défendant des attaques des “majorités de circonstance”.

A en croire le Général de Gaulle, “le peuple souverain, en élisant le Président, l’investit de sa confiance” (discours du 31 janvier 1964), il faudrait donner une pleine confiance au Président de la République et l’emploi du 49.3 permettrait justement de vaincre, à défaut de convaincre, les forts désaccords entre le Parlement et la tête de l’Etat. Mais la composition de l’hémicycle actuel, malgré l’absence de la proportionnelle, témoigne d’un manque de confiance du peuple pour son Président.

Il est également important de rapporter ici les propos de la quasi totalité des membres du gouvernement mentionnant ce sujet sur divers plateaux de télévision ou de radio. Tous s’accordent à dire que le texte qui est entré dans l’hémicycle est un bloc de marbre brut, retaillé durant plus de cinquante-cinq heures de débat. Mais cela ne veut sûrement pas dire que ce texte corresponde à la majorité du peuple français puisqu’il est rejeté par l’Assemblée nationale et nécessite un passage en force … 

Contre le 49.3, le 49.2 

Alors face à cela, un seul moyen peut être mis en œuvre, et il s’agit d’une déposition de motion de censure, comme l’ont fait la NUPES et le RN ce lundi 24 octobre. Cependant, pour que cette parade battante contre l’article constitutionnel soit acceptée et soit efficace, il nécessite 289 “pour”. Quelle ne fut pas la surprise lorsque les Français ont assisté à une désolidarisation de la NUPES face à la motion du RN, alors que ce dernier a annoncé qu’il signerait celle posée par le regroupement de la Gauche. Il n’y a rien à ajouter de plus sur cette prise de position d’un des bords, si ce n’est que la cohésion nationale venait cette fois-ci de la Droite nationaliste. Deux motions déposées mais aucune des deux n’aura causé la fin du gouvernement Borne.

Rappelons en effet que la motion de censure (article 49 alinéa 2) est le seul outil dont soit doté le parlement pour tenter de renverser le gouvernement. Devant une telle fragmentation de la mosaïque politique de la France, la mise en acte de ce moyen reste peu probable. La Ve République se souvient cependant de la seule motion de censure qui a réussi, celle du 5 octobre 1962 qui a renversé le gouvernement Pompidou et a forcé le général de Gaulle à dissoudre l’Assemblée. C’est ici l’unique fois que le deuxième alinéa de l’article 49 exista en acte.

La bataille contre le gouvernement n’est pas finie même si le vote du budget de 2023 restait un grand pan de la politique du moment. D’autres occasions se présenteront pour faire taire la Macronie.

Cependant, ne pensons pas que le but est de s’opposer à n’importe quel prix à un vote pour la seule et unique raison de faire couler un gouvernement. La France, qui traverse de nombreuses crises, n’a pas besoin de sombrer dans un chaos politique. Mais cela reste le devoir de l’opposition que de défendre la part des français qui serait en désaccord avec des mesures menées par le gouvernement. C’est cela la démocratie. 

François Marie

François Marie

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