Le mot de la rédaction : Des petits pas aux grands échecs

La situation en France n’avait pas été aussi critique depuis la crise des gilets jaunes. Et c’est dire - plusieurs centaines de milliers (ayant même dépassé le million) de personnes ne cessent de se mobiliser en France contre l’adoption par 49-3 de la réforme des retraites, et d’une manière de plus en plus violente. Ce qui n’empêche pas le maintien d’Élisabeth Borne. Retour sur l’avenir du gouvernement…

Alea jacta est – le gouvernement est fini. Le 49-3, mobilisé une onzième fois par le gouvernement Borne, fut cette fois un Rubicon – oui, le fleuve tragique qui allait bousculé la macronie originelle vers sa fin. Programmée depuis longtemps, il fallut un énième passage en force et l’absence de remaniement pour que les commentateurs politiques en parlent enfin (1). Quel futur pour ce gouvernement sans avenir ?

La politique des petits pas

En effet, on voit mal le gouvernement continuer ses réformes d’ampleurs – sur quelle majorité compter désormais ? Le texte des retraites à dévoiler plus que jamais les divergences de la majorité au sein des groupes Modem, Horizons et Renaissance. Les Républicains – dont une partie incline vers un accord de gouvernement – trop tard : Ciotti a prouvé qu’il n’avait pas les manettes du vaisseau fantôme républicain. La gauche ? Radicalisée par la réforme, impossible de voir des socialistes (qui attendent plus que tout au monde les Européennes de l’an prochain) ou un seul Insoumis (ce qui était déjà le cas avant) voter un texte du gouvernement. Alors le RN ? Non, dopé par la contestation (2), le parti historique d’extrême droite surfe sur une vague de popularité qui la propulserait comme l’opposition principale en cas d’élections législatives. 

Bref – sa sent le souffre du côté de la présidence. On ne voit plus qu’une « politique des petits pas », ne proposant que de petits projets, pour éviter les confrontations. Mais dans ce cas-ci, quid des textes sur l’immigration, ou bien sur une potentielle réforme des institutions ? 

Le cas du successeur

Après à peine une année de ce nouveau mandat se pose déjà la question de la succession. Car oui, si Macron pense bien à 2027 (et surtout à 2032), la question de sa descendance est sur toute les lèvres de la majorité. Ce qui est sûr, c’est qu’il doit s’éloigner du président le plus possible, pour ne pas être affilié à son bilan, qui exaspère la majorité des Français. Et l’on sait comment un échec peut entacher une réélection future – on se souvient du cas des promesses non tenues de Nicolas Sarkozy pour l’usine de Gandrange, qui minera le débat d’entre-deux-tours de 2012… 

Et pourquoi pas Édouard Philippe ? Après tout il semble s’être tenu bien loin du brouhaha médiatique – malgré sa pleine adhésion au projet. Lequel se trouvait d’ailleurs en Inde à l’un des moments les plus forts des contestations. 

Et oui, c’est qu’au fond, Emmanuel Macron, tant décrié qu’il est, ne fut pas si machiavélien que cela. En effet, le politologue italien conseillait, dans son célèbre manuel Le Prince, d’éviter les grandes réformes. Pour que rien ne change, il faut que tout soit immobile, bien qu’il y ait un semblant de changement. Vous suivez ? Pour garder le pouvoir, il faut éviter de cliver, et donc éviter les grandes réformes. 

Bref, tout cela pour dire que non, Manu, cette fois-ci, c’est pas si smart que ça. 

À lire également : Cyrano, d’Artagnan et Arsène Lupin : le panache à la française

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(1) Comme dans cet article du Monde : https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/03/28/la-crise-des-retraites-signe-la-fin-du-macronisme-originel_6167208_823448.html 

(2) Sondages Ifop à retrouver ici : https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2023/03/119687-Indices-de-popularite-Mars-2023.pdf

 

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Aurélien Charvet

Responsable du site internet de L'Étudiant Libre, étudiant en grande école
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