A ceux qui céderaient au désespoir, l’auteur de cet article, qui a fait de la littérature son opium, prescrirait sans tarder une intense lecture des œuvres d’Edmond Rostand, d’Alexandre Dumas et de Maurice Leblanc, dans lesquelles ils puiseront courage, dévouement et grandeur aux côtés des héros incarnant ces valeurs.
Le personnage de la pièce éponyme d’Edmond Rostand jouit déjà d’une bonne réputation dans nos contrées, due en partie aux nombreuses adaptations cinématographiques qui ont permis de rendre familier auprès du grand public cet homme au long nez, à la verve railleuse, dont l’orgueil apparent dissimule un tendre poète, brûlant d’un amour secret pour sa cousine. Conscients que la lecture seule de la pièce peut s’avérer laborieuse, nous invitons les amateurs du grand écran à voir ou revoir le Cyrano de Bergerac (1990) de Jean-Paul Rappeneau, ne serait-ce que pour savourer les répliques et les tirades de Cyrano interprété par un magistral Gérard Depardieu.
Car c’est bien à travers ses paroles que les spectateurs cernent Cyrano. Fanfaron superbe et escrimeur redoutable, capable de composer des vers pendant un duel ou de déclarer sa flamme par l’intermédiaire de son rival en lui murmurant des mots d’amour, il se révèle impitoyable avec les parvenus et les médiocres. A leur bassesse, que Cyrano rejette à grands coups de « Non, merci ! », il préfère « rêver, rire, passer, être seul, être libre ». L’ultime mot de Cyrano, juste avant que le rideau ne tombe, résume à lui seul le personnage. La mort pourra bien emporter son corps, elle ne lui arrachera jamais son panache. Dans notre mémoire, ce chevalier du XVIIème siècle pétri d’honneur nous apprend surtout à refuser la pente de l’abaissement moral.
Indissociable du quatuor qu’il forme avec Athos, Porthos et Aramis, le jeune mousquetaire se distingue de ses compagnons par sa fougue, joyeuse ou colérique, ne reculant devant aucune limite pour vaincre ou ridiculiser ses adversaires, avec une désinvolture insolente. Pour notre plus grand bonheur Dumas s’est montré prodigue ; les péripéties des mousquetaires s’étalent sur des milliers de pages, réunies en trois tomes volumineux que sont Les Trois Mousquetaires, Vingt ans après et Le Vicomte de Bragelonne.
Menées à un rythme effréné, les aventures de nos hommes d’épées se révèlent riches en rebondissements, coups de théâtre et scènes poignantes. Entre provocation et combats, D’Artagnan aura ainsi l’occasion de faire preuve de bravoure dès les premiers chapitres du roman. Il s’illustrera par la suite et tout au long de la série lorsqu’il s’agira de sauver la reine, quitte à croiser de nouveau le fer avec les sbires du cardinal de Richelieu, délivrer ses amis prisonniers en Angleterre ou déjouer des complots qui menacent le jeune Louis XIV. Sans jamais se départir de son humour, d’Artagnan démontre son inébranlable fermeté face au danger, prêt à se sacrifier pour l’amitié, l’honneur et la monarchie, principes qu’il place au-dessus de tout.
Laissons de côté les productions récentes des géants américains du divertissement et plongeons nous plutôt dans les œuvres écrites par Maurice Leblanc, le père d’Arsène Lupin. A l’origine simple cambrioleur, Arsène Lupin dérobe les trésors situés aux quatre coins du monde, au nez et à la barbe d’une police française impuissante représentée sous les traits de l’inspecteur Ganimard. Mais à mesure que progressent les histoires, Maurice Leblanc étoffe son personnage, en fait un redresseur de torts, séducteur, rusé, ardent patriote ; obéissant à un idéal et à une hiérarchie de valeurs. Par exemple, après avoir empêché une exécution Lupin réussira à faire révoquer un policier corrompu. Lire les nouvelles et les romans par ordre chronologique de publication semble donc plus judicieux pour comprendre le cheminement de Lupin.
Découvrir Arsène Lupin c’est aussi s’immerger dans une France, celle de la Belle-Époque, des hommes à canne et à chapeaux hauts de forme, des dames à ombrelle, des cafés, des boulevards et des meubles en chêne ; toute cette époque de l’histoire de France que Maurice Leblanc fait revivre grâce à une langue claire et somptueuse. Si chaque épisode offre son lot de surprises et d’intensité dramatique, certains tendent à se détacher. En ce sens, nous recommanderons chaleureusement les titres de L’Aiguille creuse (1909) et de 813 (1910).
Il ne tient qu’à nous de nous emparer des figures de notre patrimoine littéraire et de nous en inspirer en ces temps troubles.
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