Michel Onfray passe à l’offensive. En pleine crise du coronavirus, le philosophe a fait savoir qu’il allait lancer un magazine d’un nouveau genre. Celui-ci, amené à paraître tous les 3 mois, aura pour but de peser intellectuellement dans le « monde d’après ». Décrit comme « une machine de guerre pour la plèbe », il réunira des signatures diverses et prestigieuses : des anciens élus de premier plan, des enseignants, des journalistes, des universitaires… jusqu’à des Gilets jaunes !
Baptisée « Front populaire », cette initiative se veut transpartisane et prétend dépasser le clivage gauche/droite. Avec quel objectif ? Défendre une ligne « populaire, girondine, proudhonienne, mutuelliste, fédéraliste, étatiste ». En somme, participer à l’émergence d’une doctrine capable de structurer une opposition aux « libéraux maastrichtiens », dont Emmanuel Macron est l’incarnation la plus visible.
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Militant de longue date du dépassement du clivage gauche/droite, Michel Onfray se place clairement dans une dualité souverainistes contre mondialistes et illibéraux contre libéraux. Déplorant la nullité des Le Pen et Mélenchon, le philosophe ambitionne de construire « une machine de guerre populiste » sur la base d’une « plateforme programmatique ». Toutefois, cette initiative ne pose pas la question de l’incarnation : Onfray le clame, il ne sera pas « l’homme de ce combat politicien ».
Que penser, alors, de ce « Front populaire » ? Indubitablement, la démarche est courageuse et ne peut être qu’encouragée. Si elle répond aux espoirs qu’elle suscite, elle viendra enrichir le travail de réflexion mené par de nombreux autres intellectuels opposants à l’idéologie libérale portée par Emmanuel Macron. Les initiatives de ce type fleurissent depuis ces dernières années, à droite comme à gauche : on peut ici penser à Patrick Buisson, qui, selon une information rapportée par l’Express en octobre dernier, lancera prochainement « La Cause » en association avec Éric Zemmour. Si elles partent toutes du bon sens, ces démarches se heurtent aux mêmes problèmes. Et pas des moindres, puisqu’elles posent avant tout la question de l’incarnation. Qui, au sein de cette sphère apartisane, illibérale et nationale, pourrait porter un projet souverainiste, patriote, social et conservateur ? La réponse est aussi dur que le mur du réel ; en l’état actuel des choses, strictement personne. Un autre grand défi est celui des alliances : comment faire le lien entre des personnalités dont les cultures politiques et les expériences du pouvoir ont séparé les parcours ? Michel Onfray, Philippe de Villiers, Patrick Buisson, Jean-Pierre Chevènement, Charlotte d’Ornellas, Natacha Polony, Eric Zemmour, Arnaud Montebourg et tant d’autres sont, à 90%, d’accords sur tous les sujets. Pourtant, rien aujourd’hui ne permet de les réunir : il n’existe aucune structure partisane ou bien base programmatique qui ne les rapprochent.
Il n’en reste pas moins que « Front populaire » de Michel Onfray est à suivre avec la plus grande attention. Les petits ruisseaux font les grandes rivières.