L'Étudiant Libre

« Joe l’endormi », le naufrage politique et médiatique

Joe Biden arrive au terme de sa première année de mandat. Il vient l’heure du premier bilan. Le président qui avait promis la fin des politiques de Trump en maintient un grand nombre. Pire, il vient de relancer le projet du mur emblématique de son prédécesseur. Mais que se passe-t-il à la Maison Blanche ?
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L’abandon des promesses migratoires

Joe Biden était l’espoir d’une Amérique ouverte, d’une Amérique altruiste. Il promettait de tout faire pour l’accueil des migrants et le soin des plus démunis. Le président de l’altérité et de la migration aura fait pire que celui qu’on désigne toujours comme le plus raciste de tous. Quelques mois après l’investiture, Kamala Harris donnait déjà le ton d’un mandat contradictoire. Alors que pendant des mois de campagne, Trump avait été conspué comme président de l’enfermement, de la haine de l’autre, la vice-présidente des États-Unis s’adresse aux migrants en ces termes : « Restez chez vous ». L’intention d’accueillir semblait déjà compromise. Depuis, l’administration est passée des mots aux actes. Intensifiant les patrouilles de police à la frontières mexicaine, arrêtant et renvoyant les migrants adultes de l’autre côté du Rio Grande, il a été décidé, il y a quelque jours à peine, de relancer la construction du mur de Trump. Ce mur symbolique sur lequel l’ancien président républicain avait énormément misé. Il était même allé jusqu’à choisir la couleur, la forme, la composition de ce dernier devant les caméras. Ce mur, c’est le mur de « Let’s build a wall », de « Make America great again », pas celui de Joe Biden, pas celui de l’homme qui veut le retour de l’égalitarisme et de ses quotas.

Aussi la crise migratoire que subissent les États-Unis d’Amérique lui est, en partie au moins, imputable. Car ce sont bien ses discours de soutien aux migrants, ses appels à l’accueil et à la solidarité internationale et ses leçons de morale aux politiques du monde entier qui ont créé cet appel d’air pour les candidats à l’exil. Par ses discours qui, pour reprendre Jacques Chirac, n’engageaient que ceux qui y croyaient, il a trompé tout le monde et le voilà contraint d’endosser le rôle et les politiques dont il devait effacer jusqu’au souvenir.

Biden, affectueusement surnommé « Joe l’endormi » par son ancien adversaire, n’arrive pas à maintenir la tension médiatique. Il ne passionne pas les foules.

Loÿs Michelland

Une pandémie utile

Cependant, l’immigration n’était pas le seul point de tension de la précédente campagne présidentielle. Biden avait en effet trouvé le moyen de discréditer le président alors en exercice sur sa gestion du Covid. Trump, ayant tout de même affirmé qu’il suffisait de boire de la javel pour se prémunir du virus, donnait le bâton pour se faire battre. Biden avait aussi fait sa campagne en affirmant que, s’il avait été aux commandes, le drame américain – les États-Unis enregistrant à ce jour le plus lourd bilan lié à la pandémie avec plus de 800 000 décès – n’aurait pas eu lieu : cela l’engage à un certain résultat. Mais avec Omicron – et ses 150 000 contaminations quotidiennes – il se retrouve confronté à une nouvelle vague épidémique d’ampleur. De plus, parmi les mesures prises par son administration, se trouvent l’obligation vaccinale de tous les fonctionnaires, la possibilité pour les patrons d’exiger la vaccination de leurs employés sous peine de licenciement et d’autres mesures contestables qui viennent attaquer la côte de popularité du président en chute libre (perte de 13 points en 9 mois).

Il tente, tant bien que mal, de soigner son image en évacuant l’idée d’un nouveau confinement, lors d’un discours prononcé hier. Il tire aussi son épingle du jeu grâce à la reprise économique. Or, après chaque crise économique, l’activité reprend d’elle-même et par un effet d’élasticité la croissance « rattrape » son retard. Cela est l’occasion d’observer des croissance importantes. Biden a décidé de s’arroger le mérite de cette croissance de 2,7% en 2021. Cependant cela reste assez peu par rapport à d’autres pays européens par exemple la France avec ses 6,7% ou la Grande-Bretagne avec près de 6,8%. De plus, cette croissance est aussi le fruit du mandat précédent. Rappelons qu’avant que la crise sanitaire n’éclate, Trump avait un bilan économique exemplaire. En d’autres termes, l’administration Biden s’attribue des victoires qui sont circonstancielles et, qui plus est, relativement limitées. S’il a joué un rôle dans cette reprise, il ne faut pas oublier que son plan de relance de plus de 1 900 milliards de dollars a surendetté le pays. Cela au point que certains démocrates – comme le sénateur Joe Munchin – s’opposent à sa réforme du système social par crainte de cet endettement beaucoup plus inédit que sa croissance.

Joe ne fait pas rire

Mais le plus grand échec, pour Joe Biden, est sur le plan de la communication. Puisque, c’est d’ailleurs l’une de ses particularités, le monde politique américain est devenu un monde du divertissement. C’est d’ailleurs ce qui avait permis à Donald Trump de remporter l’élection de 2016. Sa capacité naturelle à répondre de la manière la plus violente et provocante qui soit. On se souvient de cet échange avec Hilary Clinton, cette dernière ayant commencé à dire « heureusement monsieur Trump n’est pas président … » et le futur président avait complété « sinon vous seriez en prison ». Cette campagne fût révélatrice d’un changement profond dans l’intérêt des Américains pour la politique : elle doit être avant tout divertissante.

Or Biden, affectueusement surnommé « Joe l’endormi » par son ancien adversaire, n’arrive pas à maintenir la tension médiatique. Il ne passionne pas les foules. Là où son prédécesseur faisait vendre. On voyait partout des compilations de dérapages de Trump. Pour Biden, il ne se partage que les moments où il s’endort en conférence de presse, ou lors de discours comme à la Cop 26. Ce demi-sommeil berce tellement les médias, qu’un responsable d’une chaîne démocrate a confié regretter Trump. Le manque de contenu, l’inaction et les déconvenues ont même fait dire au Washington Post que, depuis l’été, le président actuel était presque autant attaqué que son prédécesseur.

Joe Biden a donc passé Noël avec, au-dessus de sa tête, l’armurerie de Damoclès qui n’attend que le prochain faux-pas pour lui tomber dessus.

par Loÿs Michelland
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