Il arrive, notamment en période de confinement, que l’esprit humain se perde dans les tréfonds abrutissants de YouTube. Au cœur de ce désert intellectuel, certaines interventions retiennent tout de même l’attention. Celle de Julien Rochedy en fait partie. A la question « qui pour 2022 ? », le jeune homme répond Charles Gave. Son âge, sa fortune, son indépendance sont les principaux arguments justifiant une proposition pour le moins inattendue. Bien que les désaccords puissent être réels avec cette suggestion, je vois au moins un intérêt à poser cette question : préparer l’après pour gagner. Pour répondre à ce cher monsieur, je me propose non pas de traiter la question « qui pour gagner » mais « quoi pour gagner ». La politique est une guerre, les idées priment sur les hommes.
Que devons-nous défendre et proposer pour battre Emmanuel Macron en 2022 ?
Premièrement, nous devons désigner le coupable. Il faut commencer par dénoncer les cinquante années de libéralisme économique, politique et social. Après ces années de concurrence économique mondiale, les industries françaises sur le sol nationales se font rares et les petits producteurs sont les victimes des grandes firmes internationales. Après ces années où l’Etat de droit a consacré l’individualisme comme vertu cardinale, la famille et toutes les autres formes de socialisations primaires sont réduites à néant. Ce libéralisme imposé par les Lumières de la révolution mondiale, a sacrifié famille et travail sur l’autel du libre-échange. Après les années de folie des grandeurs des cadres de la Start Up Nation, il s’agit de remettre de l’ordre et du sacré dans la maison France.
Deuxièmement, pour gagner et panser les plaies de la fracture sociale nationale, il faut remettre le peuple au centre des débats. En clair, il est vital d’assurer la convergence entre l’électorat populaire et l’électorat conservateur. Il ne s’agit pas de coller ensemble deux morceaux de France le temps d’une élection pour les renvoyer à leur misère du quotidien une fois la date fatidique passée, mais bien de les rassembler parce que ces deux franges-là incarnent le camp des perdants de la mondialisation. Qu’elles soient en jaune ou en rose, elles sont les victimes économiques et sociales du libéralisme mondiale. Ces deux France là ne font qu’une parce qu’elles sont la France du réel et parce qu’elles sont la France d’en bas courbant l’échine sous les coups de boutoir de la France d’en haut. L’Histoire parle pour nous. Le RPF aux municipales de 1947, le RPR de 1958 et, malgré son immense trahison, le Sarkozy de 2007 sont les meilleurs exemples de la cohérence idéologique et de la pertinence stratégique portées par cette convergence populaire.
Troisièmement, il faut appliquer une politique civilisationnelle pour se défendre et ne pas mourir dans l’éternel affrontement Orient-Occident. Pour refaire Nation, nous devrons nous défaire du servage économique et culturel que nous imposent les blocs anglo- saxons et orientaux. En somme, le projet porté devra permettre de retrouver l’attachement charnel à la terre de nos morts et l’héritage spirituel de nos pères. Là où notre société n’est plus qu’une addition de désirs individuels, il faudra retisser du lien social pour refaire communauté et ainsi retrouver puissance et souveraineté.
Ces quelques points, pouvant être tout ou partie la doctrine défendue pour gagner, soulèvent un aspect non négligeable : le libéralisme est le nouveau clivage politique. En conscience, il ne faudra donc pas répéter les erreurs du passé pour prétendre à la victoire. En effet, les derniers thuriféraires aguicheurs d’un prétendu libéralisme-conservateur ont déjà payé très cher le prix de leurs erreurs. Écarter l’impasse du chimérique libéralisme- national est une nécessité, proposer une vision aux antipodes du « laissez-faire laissez- passer » une obligation.
A l’heure des calculs, des rêves et des fantasmes pour faire émerger la nouvelle Jeanne d’Arc, je préfère définir « comment se battre » plutôt que « sous les ordres de qui se battre ». L’erreur de notre camp a souvent été de sacraliser l’image du chef pour mieux tomber avec lui. Qu’importe celui qui portera l’étendard pourvu qu’il chevauche à nos côtés dans la bonne direction.
Arthur Perrier